Habituée à se garder à gauche, Mme Le Pen a été surprise par l’offensive de Zemmour sur son flanc droit…

Forcément intéressant, comme dirait l’autre, un débat entre Marine Le Pen et Éric Zemmour – les deux grands Satans de la vie politique française. On en a encore eu la preuve l’autre vendredi sur Paris Première, chez Zemmour & Naulleau. Il y fut question du Front national, bien sûr ; mais pas exactement comme d’habitude…

Depuis trente ans, la même question n’en finit pas d’agiter nos médias ordinaires : par où attaquer le FN ? L’éthique ? Le programme ? Les « affaires », ou ce qui en tient lieu ? On aura tout essayé, tour à tour puis simultanément. Le hic c’est qu’entretemps, l’entreprise Le Pen & Le Pen est passée de 1 à 30 % des parts de marché politique.

Même le fameux « Esprit-du-11-Janvier » n’aura pas empêché le FN, l’autre semaine dans le Doubs, de frôler la victoire seul contre tous. Comme le résumait le soir même l’excellent Jean-Christophe Cambadélis,  « Le PS a gagné, le Front national a été battu, mais il y a le feu au lac ! » D’où une certaine anxiété qui monte dans la classe politico-médiatique : pour éteindre ce feu, « où courir ? Où ne pas courir ? »

Zemmour, lui, n’a pas l’air plus angoissé que ça. La preuve : pour interviewer Marine Le Pen,  il l’attaque sur sa droite, tout simplement ! Pas question de remettre en cause les « fondamentaux » du FN, ; au contraire, le voilà qui se fait le porte-voix de la « grogne » qui, selon lui, gagnerait le mouvement face à une certaine dérive « gauchisante » (mais oui.)

C’est ce que Zemmour appelle « la question Philippot ».  « Ce qu’on lui reproche notamment, dit Éric à Marine zyeux-dans-les-yeux, c’est d’avoir trop d’influence sur vous, d’avoir gauchisé le programme économique du FN et aseptisé votre discours sur l’islam et l’immigration (…) On a l’impression que bientôt, vous pourriez cosigner avec Alain Juppé un livre sur L’identité heureuse ! »

Sur le coup, la cheftaine du FN est un peu déstabilisée. De par sa fonction, elle est rompue à l’art d’esquiver les charges éléphantesques à coup de défenses (des droidloms, des valeurs-républicaines, etc.) Mais que faire face  à ce drôle de moustique qui pique de l’intérieur ? Marine est piquée au vif, et ça donne un échange lui-même vif, quoi que courtois – et toujours plus intéressant qu’un vain débat avec le vain Jean-Michel Aphatie…

Ce qui irrite surtout la présidente, dans cette avalanche de critiques contre Philippot, c’est qu’elle remet en cause sa propre autorité dans et sur son mouvement. D’où une certaine vivacité dans sa réponse (à usage interne) : « Au lieu de s’en prendre à lui, qu’on ait le courage de s’en prendre à MOI ! »

Quant au camarade Florian, « on lui accorde beaucoup plus de responsabilités qu’il n’en a ! » (Il va être content, le vice-président !) «  Si J’AI décidé de travailler avec lui, poursuit Mme Le Pen, c’est que nous partageons les mêmes convictions – qui d’ailleurs sont les MIENNES depuis plus de dix ans ! »

– « Donc, vous êtes une femme de gauche ! » ose Zemmour.

– « Si ça peut vous faire plaisir ! rétorque Marine ; mais ces vieux clivages sont bien dépassés… »

– « N’empêche ! J’ai suivi la campagne de Chevènement en 2002, et je sais ce qui l’a planté : exactement ce que Philippot ( ex-chevènementiste) vous a ramené au FN ! »

À ces mots, la grande blonde prend le petit brun de haut : « Si on a besoin de vous comme conseiller, Monsieur Zemmour, on viendra vous chercher ! »

Ainsi « remis à sa place », Éric n’en semble guère affecté. Si ça se trouve, il n’entre même pas dans son plan de carrière de devenir le Buisson de Marine… Simplement, en tant qu’observateur engagé, il s’inquiète que le slogan « Ni droite – ni gauche » ne finisse en « Ni droite – ni droite ».

Reste à savoir s’il partage aussi – infiniment plus grave – l’opinion selon laquelle Florian aurait marionnettisé Marine… On veut croire que la misogynie légendaire d’Éric ne va pas jusque-là.

[Publié dans Valeurs Actuelles]

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