Les révolutions arabes et nous : tel était, lundi 7 février, le thème de Mots croisés (France 2, 22 h 05). Sur ce chaud sujet, le plateau composé par Yves Calvi nous a permis dʼentendre toute une gamme de points de vue, allant de lʼenthousiasme inconditionnel à lʼinquiétude la moins dissimulée.
La palme de lʼextase lyrique revient sans conteste à lʼécrivain égyptien Alaa el-Aswany, interviewé en duplex du Caire. Pour lui, cʼest bien simple : lʼavenir radieux de la démocratie parlementaire sʼouvre désormais à la totalité des peuples arabes, le danger islamiste nʼest quʼun « épouvantail », et prétendre le contraire relèverait du « racisme ».
Le Marocain Hicham el-Alaoui, chercheur en sciences politiques à lʼuniversité de Stanford, affiche une satisfaction plus nuancée. Sʼil se réjouit de cette aspiration à la liberté, il ne cache pas pour autant les risques de dérive inhérents à toute transition démocratique. Accessoirement, en tant que cousin du roi du Maroc, il préférerait sans surprise pour son pays une “évolution” à une révolution…
Mathieu Guidère, professeur de “veille stratégique” (sic) à lʼuniversité de Genève et spécialiste des groupes islamistes, nous fait un “brief ” tout militaire sur les dangers du processus engagé, en Égypte notamment : « Si les Frères musulmans prennent le pouvoir, ils voudront bien entendu restaurer la charia » ; mais dans cette hypothèse, lʼarmée ne manquera pas de réagir, « exactement comme en Algérie en 1992 ». Cet exposé ne suffit pas à rassurer Alain Finkielkraut, qui se dit tiraillé entre lʼenthousiasme et lʼinquiétude mais sʼavère plus disert sur cette dernière.
Certes, le philosophe salue lʼélan de ces peuples qui se sont dressés contre la dictature et aspirent à prendre leur destin en main. Mais pour lui, le danger est grand, ici ou là, dʼune « dérive à lʼiranienne ». Plus généralement, il redoute quʼen cas dʼenlisement, ces jeunes démocraties ne basculent dans lʼislamisme ou le nationalisme – faisant alors dʼIsraël, comme dʼhabitude, un “bouc émissaire” tout trouvé…
En sa qualité dʼancien ministre des Affaires étrangères, il reviendra à Hubert Védrine de nous ramener à lʼintitulé de lʼémission : “Les révolutions arabes et nous”, cʼest-à-dire la France. Or, rappelle-t-il utilement, « nous nʼavons ni mis en place ni renversé ces régimes ». Tout ce que peut faire notre pays, dans la mesure de ses moyens, cʼest dʼaccompagner intelligemment les processus démocratiques en cours pour les aider à aboutir. Cela prendra du temps, peut-être des décennies, estime Védrine qui conclut drôlement, tel un Audiard géopoliticien : « La démocratie, cʼest pas du café instantané ! »
« Y a-t-il ou non des raisons de sʼinquiéter ? », demande alors lʼanimateur au ministre, comme pour départager enthousiastes et inquiets. Il en sera pour ses frais… « En fait, on nʼen sait rien ! », répond sobrement lʼintéressé. Hubert Védrine ne lit pas dans le marc de café, fût-il instantané.

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