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Ah, le parisianisme médiatique…

Dans le jargon journalistique, la loi du « mort kilométrique » désigne le fait, pour le récepteur d’une information, de se sentir plus concerné par celle-ci lorsque l’événement rapporté est géographiquement proche de lui. Nous sommes plus fortement touchés par le décès d’une seule personne, s’il a lieu près de chez nous, que par la mort de plusieurs dizaines de personnes dans un pays lointain.

Plus exactement, comme l’a montré une expérience dont les résultats ont été publiés en 2000 par une équipe de chercheurs que dirigeait le psychologue Jacques-Philippe Leyens, les émotions suscitées ne sont pas les mêmes selon que le mort est proche ou lointain : dans les deux cas, on éprouve de la tristesse et de la colère; mais le chagrin et la culpabilité se manifestent uniquement quand le drame est géographiquement proche du récepteur de l’information.

Or, l’intensité et la nature de l’impact émotionnel influent sur la hiérarchisation de l’information : les journalistes accordent moins de place à une information dramatique qui aurait lieu loin de la France, qu’à des événements mineurs survenus sur le territoire national.

Mais les journalistes semblent parfois oublier que cette dénomination macabre de « mort kilométrique » n’est que l’autre nom de la « loi de proximité », qui dépasse la question de la proximité spatiale exprimable en kilomètres pour englober également la proximité sociale, temporelle et affective.

En l’occurrence, la mort qui a récemment occupé la une de l’actualité est celle d’Autolib’. Elle a amplement éclipsé deux attentats meurtriers à Jalalabad, l’un contre une école de sages-femmes (sept heures d’échanges de tirs!), l’autre contre un bâtiment gouvernemental. Elle a fait passer au second plan l’élection présidentielle au Zimbabwe. Et elle a fait jeu égal avec un scandale d’Etat : l’affaire Benalla.

Les multiples interviews d’abonnés à Autolib’, d’experts en mobilité, de responsables politiques et d’entrepreneurs spécialisés dans « l’autopartage » ont monopolisé les ondes. Mais quand on n’est pas parisien… on s’en fiche de la fin d’Autolib’. Mais alors, complètement. On ne se sent aucune « proximité sociale » ni « affective » avec ce petit événement parisiano-parisien. Et l’on aimerait qu’il occupe moins de place dans l’actualité, moins que des attentats qui font des dizaines de morts par exemple. Et ce, même si ces morts sont géographiquement plus éloignés de nous.

7 commentaires

  1. La loi du mort km est exaspérante. Elles est emblématique du simplisme de la pensée exprimée sous forme de slogan. Le moindre individu dés son plus jeune age sait qu’il est beaucoup plus sensible à la santé de ses proches que celle d’un groupe à l’autre bout de la terre, les journalistes ne changeront pas la nature humaine même si on a l’impression qu’ils se prennent parfois pour des messies. En plus cette notion doit être pondérée par beaucoup d’autres critères qui sont parfois moins avouables telle que la nationalité des victimes, les retombées commerciales et j’en passe, quand on nous fait part du décès d’une ancienne obscure vedette hollywoodienne on est loin de vérifier l’adage.

  2. J’apprécie toujours autant vos articles. On peut toujours polémiquer… mais le contenu reste sérieux, même si d’autres critères pourraient être pris en compte. En même temps on est pas dans une copie du Bac en philo…Quant au style, il me parle!
    Christine

  3. « … on s’en fiche de la fin d’Autolib’. Mais alors, complètement. »
    Le fin de la Sté est sans aucun intérêt.
    L’échec du principe serait catastrophique, car ce principe c’est vraisemblablement l’avenir d’une forme de déplacement, simple, peu onéreux, accessible à tous, non polluant, non encombrant. On ne pouvait imaginer mieux.
    J’espère que le principe en sera repris ultérieurement

  4. La loi de proximité, qui englobe la proximité sociale, temporelle et affective, est infiniment plus pertinente que la mort kilométrique, qui n’envisage que la distance qui sépare l’événement de celui qui en prend connaissance. Ainsi, beaucoup de gens sont parfaitement indifférents à la mort par noyade de milliers de migrants (5000 en 2017), même si ceux-ci ont perdu la vie à quelques encablures de la fenêtre de leur véranda, largement ouverte sur la mer. Les mêmes tremblent d’indignation lorsqu’il apprennent la mort d’une joggeuse agressée, violée et assassinée par un pervers sexuel, ou celle d’un jeune homme tué à coups de pied parce qu’il voulait défendre sa petite amie. Il y a là un réflexe très humain, qui interpelle, et qui mériterait d’être mieux étudié et pris en compte. L’information à proprement parler n’est pas en cause, puisque la presse évoque longuement les noyés et ignore le jeune homme.

  5. Ouaip, ma chère Ingrid, vous ne reprochez pas au Dauphiné Libéré de parler plus des tramways de Grenoble qu’aucun autre quotidien, n’est-ce pas? Vous trouvez cela normal.
    Mais autolib qui ne concerne que les parisiens, en effet, comment voulez-vous que le Figaro ( et consorts ) n’en parle pas sous prétexte qu’il a une diffusion nationale sinon mondiale?
    Alors d’accord avec le « parisianisme » exagéré mais un autre exemple serait plus judicieux …et la référence aux attentats du bout du monde incline vers un ersatz de point Goodwin ( orth.? ) trouvez pas?

  6. Merci Madame pour cet article, vous m’avez ouvert l’esprit sur une notion à laquelle je n’avais jamais réfléchie.

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