Eric Ciotti était de passage à Besançon lundi, invité par la fédé’ locale des Républicains (LR). Avant qu’il ne se rende à deux réunions successives devant les militants, il tenait une conférence de presse à la permanence du parti présidé par Laurent Wauquiez, située depuis une trentaine d’années sur la place Victor Hugo, à quelques mètres de la maison natale de l’écrivain. La secrétaire générale de LR, Annie Genevard, député du Haut-Doubs, était présente pour l’accueillir, ainsi que le sénateur Grosperrin, qui ne pouvait ignorer la présence de celui qui préside la commission nationale d’investiture, puisqu’il compte, dit-on, guigner à nouveau la mairie de Besançon en 2020.

L’UMP renaîtra de ses cendres

C’était donc l’occasion d’interroger Eric Ciotti, sur la prochaine échéance électorale, celle des élections européennes, prévues dans une année tout juste. Alors que Laurent Wauquiez a décidé que la ligne du parti serait fixée lors d’un remue-méninges à Menton, à deux pas de Nice, fief de Ciotti. A croire ce dernier, il n’y aurait pas deux lignes irréconciliables sur le sujet européen, ce que je me suis permis de lui suggérer d’emblée. Entre Guillaume Peltier ou Julien Aubert, lequel avait réuni son think-tank Oser la France le week-end précédent, et Virginie Calmels, le député niçois ne voyait nul fossé, rien qui ne pouvait rappeler les fractures des années 1990, entre Pasqua-Séguin d’un côté, et Chirac-Juppé de l’autre. Et – ô miracle ! – l’immigration constituait le dénominateur commun, permettant d’unir tout ce petit monde, évitant ainsi tous les sujet qui fâchent et divisent. Le choix de Menton, située à quelques kilomètres de la frontière italienne, ne devait alors rien au hasard.

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Plus largement, Eric Ciotti ne croit guère à la recomposition. Ou, en tout cas, il pense que ce quinquennat Macron ne constitue qu’une parenthèse historique. Les plaques tectoniques sont amenées à se repositionner comme avant, celle de droite comme celle de gauche ; LR ne ressemble aucunement à une Californie menacée par la faille de San Andréas, comme je lui ai cruellement suggéré. Le retour du bon vieux temps est espéré, tout le monde se retrouvera à la fin de l’aventure au banquet, se gavant de sanglier à la broche après que Ciottix et ses amis auront donné les dernières baffes aux légionnaires de Jupiter Macron.

Un pour tous et tous contre eux

Eric Ciotti se berce-t-il d’illusions ? S’en remet-il à la méthode du bon docteur Coué ou nous gratifie-t-il d’une langue de teck ? Faisons le pari de la lucidité et penchons plutôt pour la troisième solution. Il n’était pas raisonnable de penser que le député de Nice nous avoue lundi que son parti ne parviendrait pas à trouver cohérence et unité sur l’Europe et soit condamné à subir la recomposition au forceps initiée à l’Elysée, laquelle consiste depuis quelques mois à étouffer Laurent Wauquiez. En revanche, lorsque je l’ai interrogé sur la possibilité d’une alliance avec Nicolas Dupont-Aignan, ne pouvait-il pas éviter d’insulter l’avenir ? Certes, l’alliance avec le FN est exclue d’emblée par Laurent Wauquiez. Mais en décrétant Nicolas Dupont-Aignan « intouchable », parce qu’il avait touché « l’intouchable » Le Pen entre les deux tours de l’élection présidentielle, Eric Ciotti et les autres dirigeants de LR ne se privent-ils pas d’un allié, prenant un poids de plus en plus important dans le paysage de ce qui reste de la droite ? Au jeu de l’intouchable, on peut aller loin. Car à Angers, Nicolas Dupont-Aignan a lui-même touché Thierry Mariani qui est toujours membre des Républicains et qui touche donc Wauquiez.

« Dans un jeu à trois puissances, il faut être l’une des deux »

Il n’est pas interdit de penser qu’Eric Ciotti, comme Laurent Wauquiez pourraient voir leur position évoluer dans un an, après le scrutin européen. Entre une liste FN conduite par Nicolas Bay ou Louis Aliot, et celle conduite par Virginie Calmels – c’est elle qui tient la corde pour l’instant – le patron de Debout La France (DLF) pourrait très bien constituer la surprise des européennes et faire jeu égal avec Les Républicains. Disposant aujourd’hui d’une cote flatteuse dans l’électorat de droite, Nicolas Dupont-Aignan, qui a abandonné le souverainisme pour se muer en Fourier de l’union des droites, ne peut plus être méprisé comme il y a cinq ans. Eric Ciotti devrait méditer la citation de Bismarck : « Dans un jeu à trois puissances, il faut être l’une des deux ». Laisser DLF dans les bras de Marine Le Pen ne constitue donc pas, à cette aune, une tactique de bon aloi.

Mais d’ici à l’an prochain, l’Italie aura sans doute revoté. Les cousins transalpins auront peut-être renvoyé le président Mattarella à ses chères études, confirmant leur volonté de voir gouverner la coalition Lega-M5S. Mattarella, que le président Macron a félicité lundi, comme si céder aux oukazes de Mario Draghi et Jean-Claude Juncker constituait un acte de courage. Dans quel état se trouvera l’Europe dans un an, quand les électeurs européens se rendront aux urnes ? Et que pèseront la langue de bois d’Eric Ciotti à Besançon et les reproches que je viens de lui faire, qui s’avéreraient alors complètement périmés ?