… Un vaincu, le principe de la primaire.

Ce débat devait être décisif. Il l’a été. Sans doute pas pour le scrutin de dimanche. Mais pour le principe des primaires à la française. Après un début plutôt prometteur, notamment sur le thème du protectionnisme, et où on constatait Manuel Valls davantage à son aise, la cible de la soirée ayant été déplacée sur la tête de Benoît Hamon et son revenu universel, cette confrontation est devenue le prétexte à rire. Rire, sans doute pour ne pas pleurer. Les huit candidats (Quoi ? Léa Salamé était animatrice et pas candidate ??) ont notamment passé des minutes interminables sur l’obligation pour les hommes de prendre un congé paternel, les uns rappelant pour défendre cette thèse la grâce de Jacqueline Sauvage, d’autres regrettant que les ABCD de l’égalité aient été abandonnés. Il  fallait alors ne pas céder à l’obligation de satisfaire un besoin naturel, car David Pujadas osa alors une transition rapide sur le cas de Bachar El Assad.

Une telle absence même brève aurait pu nous conduire à comprendre que le président syrien devait absolument, lui aussi, être contraint à prendre son congé paternité. De longues minutes encore sur le sort de Bachar, puis à propos de l’attitude à avoir vis-à-vis de Donald Trump, Valls s’écharpant avec Peillon sur le terme de « déclaration de guerre » du nouveau président américain à l’Europe, tandis que François de Rugy proposait lui de la préparer, cette guerre, en nouant d’urgence une triple-alliance Paris-Berlin-Varsovie.

Finalement le moment où les candidats ont pris le plus de plaisir, c’est quand le cas Macron leur fut présenté. Arnaud Montebourg et Vincent Peillon furent alors les plus doués pour mettre les rieurs de leur côté. Nous nous étions marrés. C’était à leur tour, semblaient-ils nous dire. Pourtant, Emmanuel Macron a sans doute ri davantage que les impétrants de la primaire de la belle alliance populaire pendant cette soirée. Ce spectacle a dû le ravir, tout comme Jean-Luc Mélenchon. Ces deux-là tracent leur route et remplissent les salles, et autrement plus grandes que ceux de la primaire. Ils sont dans la compétition, la vraie. Il y a quelques semaines, sur le site de nos confrères du Figaro Vox, je m’interrogeais sur Emmanuel Macron et confiait modestement mon désarroi, me comparant à une poule devant un couteau. Aujourd’hui, tout s’éclaire en fait et un gaulliste de longue date aurait dû le constater d’emblée : Macron a simplement compris en quoi consistait l’élection présidentielle dans la Ve République. Même avec quelques erreurs tactiques, c’est un atout indispensable quand on y est candidat. Jean-Luc Mélenchon, en annonçant sa candidature de manière solitaire, s’affranchissant au départ du soutien ou non du PCF et des autres chapelles de la gauche radicale, a employé la même méthode : « qui m’aime me suive ! ». Ce n’est d’ailleurs pas le moindre paradoxe de le voir en candidat modèle de la Ve, pour souhaiter passer à la VIe aussitôt élu…

C’est donc le moment de faire un sort au principe de la primaire, qui nous a donné en 2012 un très mauvais président et qui est en train de nous donner de très mauvais candidats : celui de la gauche réduite au PS, au PRG et à leurs satellites écolos-alimentaires. Et celui de la droite, François Fillon, qui ne veut pas comprendre que son programme plébiscité par quelques trois millions de personnes ultra-politisées ne peut pas emporter l’adhésion des 19 millions de citoyens nécessaires à son accession à l’Elysée. Le Pen-Macron ? Le Pen-Mélenchon ? Macron qui bat Fillon ? Il est fort possible que le prochain chef de l’Etat ne soit pas passé par une primaire. Il est même possible qu’aucun finaliste n’en soit issu. 2022 ne sera alors pas « une présidentielle à six tours » selon la belle expression de ma copine Muriel Gremillet, ancienne pensionnaire de Causeur. Et, franchement, tant mieux !