Qui a dit ?

« Il ne peut y avoir de monnaie unique sans que les économies convergent. Si les écarts de niveau de vie, de productivité, de compétitivité se creusent entre les pays, l’euro se révèlera, tôt ou tard, trop fort pour les uns, trop faible pour les autres ; et la zone euro éclatera. »

Philippe Séguin en 1995 ?

Emmanuel Todd en 1999 ?

Jean-Pierre Chevènement en 2002 ?

Jacques Sapir en 2006 ?

 

Vous n’y êtes pas, encore que toutes ces personnalités auraient pu tenir ce même discours aux dates indiquées. Mais celui qui a prononcé cette phrase, c’est Nicolas Sarkozy, ce jeudi 1er décembre à Toulon.

On croit rêver. Le Président de la République a t-il décidé de se mettre au stand-up ? Ah, ce « tôt ou tard », quel magnifique trait d’humour ! Dans le même esprit, l’amateur de vélo qu’il est aurait pu annoncer sur les Champs-Elysées, dimanche 24 juillet, que si Andy Schleck n’attaquait pas davantage en montagne, Cadel Evans pourrait bien gagner le Tour. L’Australien, en jaune et avec son bouquet, aurait hésité entre circonspection, gêne, et hilarité.

Nous le savons, c’est précisément parce que nous avons une monnaie unique depuis dix ans que les économies ont divergé, que les écarts de niveau de vie se sont creusés entre les pays et que l’euro est, depuis des années, trop fort pour les uns, trop faible pour les autres ; et qu’il va éclater sous peu.

Le Président de la République ne souhaitait évidemment pas faire d’humour. Et il est loin d’être un imbécile. Il ne reste donc qu’une seule solution : il se fiche de nous, avec des trémolos dans la voix.

Il nous a aussi parlé de souveraineté. Et de l’exercice en commun de cette dernière. Les journalistes ont traduit ceci, assez logiquement, par « partage de souveraineté ». Encore une petite devinette.  Qui a dit  :

« La souveraineté, cela ne se divise pas, cela ne se partage pas non plus et, bien sûr, cela ne se limite pas. […] Tant il est vrai que la souveraineté divisée, la souveraineté partagée , la souveraineté limitée, sont autant d’expressions pour signifier qu’il n’y a plus du tout de souveraineté ! »

Ici, c’est bien Philippe Séguin la nuit du 5 au 6 mai 1992, à la tribune de l’Assemblée nationale.  «La souveraineté exercée en commun », est une expression supplémentaire pour signifier qu’il n’y a plus du tout de souveraineté. Et là, je n’ai plus du tout envie de rire.

17 commentaires

  1. Et si tout simplement, NS n’avait pas lu son discours avant ? Et si c’était Gaino qui se fichait du président ? On peut rêver…

  2. C’est une fin de règne. Ni Guaino, ni Sarko ne savent plus où ils en sont. Toutes leurs illusions sont en train de s’effondrer sous le coup des réalités que d’autres avaient pourtant décrites et qu’ils ont niées, alors ils disent n’importe quoi pour faire durer l’illusion. Ils en sont au même point que le gouvernement Laval en juillet 1944 ou cinq ans plus tôt le gouvernement Chamberlain fin août 1939… Ils ont eu tort, ils le savent, ils tentent de sauver la face et de ce fait, ils s’enfoncent encore un peu plus vers les poubelles de l’histoire rejoindre les ci-dessus nommés avec Bazaine et autres Badinguet.

  3. PS : Qu’en pensent l’ineffable Reynié et le géant de la pensée Quatremer ? On va demander à Giuliani…

  4. quelle cirque,,,des cars qui venait de partout;;
    les godillots était présent,,,,
    mais la claque n »avait pas le moral,,
    beaucoup s »attendais a autre chose,,,
    il est cuit,,,,pour de bon,,,,
    reste,NDA,,,,,,et le second tours,,,,,

  5. Merci pour ce billet et pour votre site!
    Les élites françaises sont en train de nous trahir…comme en 1940, et nous on reste là sans rien dire. Notre pays et tous les pays d’europe du sud (en dehors de la zone deutsch mark) vont être placé sous tutelle de l’allemagne qui controlera leur budjet à travers des « commissaires » européens. La relation entre vichy et maastrischt devient de plus en plus evidente! Il suffit d’ouvrir les yeux et d’arreter de se mettre la tête dans le sable.
    Pauvre pays, nous sommes condamné à la deflation, au chomage et a l’emigration. ET surtout, nous ne sommes plus un peuple libre.Nos deputés arrogants ne servent plus a rien, ils ne controleront même pas le budjet et l’impôt… juste pour memoire, c’est pour ça que les deputés du tiers etats se sont reunis en 1789 et se sont declarés assemblée nationale. Les traitres qui nous dirigent payeront un jour pour ce qu’ils osent nous faire!

  6. Bof. Je partage ma souveraineté personnelle avec mon voisin qui a voté Sarko, ce qui n’était pas mon cas. La souveraineté, c’est comme l’intérêt général, ça n’existe pas. Seul la majorité existe, ce qui revient à dire que seul le rapport de force existe.

    Pour preuve de l’impasse du débat sur la souveraineté, les constituants américain de la première heure ne sont jamais parvenus une approche convaincante de la souveraineté une et indivisible dans un cadre fédéral (ou confédéral), alors même que ce cadre fait aujourd’hui partie des canons des organisations institutionnelles démocratiques.

    Finalement tout dépend de ce qu’on entend souveraineté. Si c’est la capacité à réaliser nos envies et nos ambitions, alors Ulrich Beck avait sans aucun doute raison, il faut parfois abandonner une parte d’indépendance pour gagner en souveraineté. C’est l’histoire de la vie en société…

  7. Permettez-moi de me référer davantage à la conception de Jean Bodin.

    Votre voisin n’a pas voté la même chose que vous mais vous faites partie du même Peuple, de la même Nation. La souveraineté d’une Nation, d’un Peuple, c’est sa liberté. La souveraineté comporte des attributs qu’il convient de ne pas transférer.

    La phrase de Philippe Séguin que je cite à la fin de mon billet résume à merveille la situation.

  8. Merci pour votre réponse.

    Je vais me faire l’avocat du diable en poussant mon approche.

    1. Certes nous appartenons au même Peuple, à la même Nation. Pourtant ce n’est qu’à partir du XIXème siècle que l’appartenance nationale a commencé à différer de l’appartenance européenne. La question du Peuple ou de la Nation est une question extrêmement mouvante, et est elle-même le résultat d’un rapport de force particulier (sur ce point le travail d’Anne Marie Thiesse est intéressante).

    Outre le fait de poser la question d’une identité européenne (il semblerait que nous partagions certaines valeurs avec nos voisins, et les valeurs sont ce qui fonde notre conception de la Nation depuis Renan), ceci nous ramène à l’enjeu de la majorité comme seule véritable issue du rapport de force. Rousseau a bien essayé de passer par delà la « tyrannie de la majorité » en incluant dans son modèle l’idée que le citoyen vote selon ce qu’il considère être le plus dans l’intérêt général (pas d’intérêt individuel), pour autant l’intérêt général est une concept suffisamment flou pour me permettre de voter (à légitimité égale) différemment de mon voisin.

    Au final donc il est fort probable que seule la majorité compte, ce qui pose une importante difficulté au concept de souveraineté une et indivisible. En réalité, la réalité une et indivisible n’est peut être que celle déléguée par le citoyen, mais le jeu de la majorité fait qu’on étouffe celle de la minorité.

    2. Par delà cette première difficulté se pose pour moi une seconde question. Vous faites un lien entre souveraineté et liberté. De quelle liberté parlons-nous? De volonté? De capacité? Des deux? Est-on souverain lorsqu’on a la volonté de faire quelque chose mais qu’on en a pas la capacité?

    L’individu n’est pas toujours en capacité de réaliser ses ambitions à lui tout seul, c’est le pourquoi de la société (le contrat social fondé sur la base du désir de sécurité par exemple). On peut y voir ici un élément d’interdépendance. Or toute interdépendance marque une limite de marge de manœuvre, limitation pourtant nécessaire pour attendre certains objectifs. C’est sur ce point qu’Ulrich Beck est intéressant, l’interdépendance marque une diminution de notre indépendance mais peut favoriser notre souveraineté (entendue dans le sens de « pouvoir »).

    Ceci me conduit à penser que le concept de souveraineté (dans ses deux dimensions: « volonté » et « capacité de réaliser sa volonté ») est utile politiquement, surtout comme fondement de la démocratie, mais que sa caractérisation comme « une et indivisible » est virtuelle. De fait, nous, individus, nous partageons notre souveraineté. Mais ce qui compte vraiment, c’est que nous la partagions sur la base de valeurs qui nous sont communes, et selon un système institutionnel démocratique.

  9. La souveraineté française a précédé la démocratie. La Nation française l’est depuis Philippe le Bel lorsque ce dernier s’est affranchi de la tutelle papale. Philippe Auguste avait ouvert la voix en se déclarant « Empereur en son royaume ».
    A partir de Valmy (je choisis symboliquement cette date, d’autres en choisiront d’autres comme la fête de la fédération le 14/07/1790), la Nation s’est confondue avec le Peuple.

    Et effectivement, il ne peut depuis lors, c’est dans la Nation que s’exerce le mieux la Démocratie car c’est dans un peuple que la minorité accepte la loi de la majorité. Il n’y a pas de peuple européen, il ne peut donc y avoir de démocratie européenne.

  10. Le concept de Nation n’existait pas sous Philippe Auguste ou Philippe le Bel, pas plus d’ailleurs que celui de souveraineté qui n’était pas encore théorisé. Seul l’imperium terrestre existait (« Empereur en son royaume »), notion pour le coup plutôt proche de celle de pouvoir ou de puissance, mais qui déjà marquait un lien entre volonté et capacité d’agir que j’ai évoqué plus haut.

    Pour le reste (ce qui commence à Valmy selon vous), la Révolution française, qui a fait confondre Nation et Peuple s’est basé ssur des valeurs dites universelles, justifiant d’envoyer l’armée chez nos voisins. Inutile de rappeler qu’on avait alors une conception très ouverte du Peuple formant la Nation (Allemagne, Pays Bas, Belgique, Suisse et Italie en ont fait les frais), les valeurs partagées étant notre principal dénominateur commun (cf encore une fois Renan, l’histoire et la volonté de vivre ensemble en plus).

    Ces valeurs sont très largement partagées (Charte des droits fondamentaux de l’UE pour preuve), on peut donc à mon sens concevoir un peuple européen. On l’a d’ailleurs conçu pendant très longtemps (cf Kant), jusqu’à ce que le nationalisme nous amène dans une sorte d’amnésie collective.

  11. Je ne partage pas du tout ce point de vue. D’abord c’est Jean Bodin qui a théorisé la souveraineté. Ensuite, Philippe le Bel en allant faire souffleter le pape par Guillaume de Nogaret a fait de la souveraineté sans le savoir, comme le Bourgeois gentilhomme.

    Pour le reste, les guerres qui ont ensanglanté l’Europe avaient souvent pour origine non pas les nations mais l’impérialisme, y compris français sous Napoléon.

  12. Ok Philippe le Bel était souverain parce qu’il avait le pouvoir. D’accord aussi que ça a été théorisé 3 siècles après par Bodin.

    Mais la Révolution a assez largement changé la donne (rapprochant Peuple et Nation comme vous l’avez dit). Quid donc du patriotisme théorisé par Siéyes et Renan, et qui a été au coeur de notre modèle républicain?

  13. Là on est dans la définition de la Nation, idée que vous avez amené dans le débat plus haut pour justifier que ma souveraineté minoritaire se fasse marcher dessus par la souveraineté majoritaire de mon voisin.

    C’est précisément une définition de la Nation que Renan apporte, et elle se veut très ouverte, car fondée sur les valeurs, l’histoire commune et la volonté. Coeur du modèle d’intégration français, elle laisse même la porte ouverte à l’idée d’un peuple européen partageant un corpus de valeurs communes (Renan prédisait l’avènement d’une confédération européenne).
    Si les valeurs communes sont là, il devient concevable d’imaginer une majorité et une minorité européenne, non?

  14. Renan évoquait aussi la langue si je ne me trompe pas. Et le socle de valeurs communes me paraît bien plus fragile que pour des nations vieilles de mille ans. Je ne dis pas que cela ne sera pas le cas un jour. Mais forcer le destin aboutirait au même résultat que pour l’ex-yougoslavie, l’URSS ou -plus pacifiquement- la Tchécoslovaquie. Combien de Français, par exemple dans un match de football entre le Maroc et l’Allemagne ou l’Angleterre, préfèrent voir gagner les Marocains ? Et combien d’Anglais préfèrent voir les Australiens battre les Français au rugby ? Il ne faut pas voir ici que l’histoire des guerres européennes. Il faut y voir aussi des cultures, des langues etc…

  15. Renan répondait à Fichte, qui justifiait la nationalité Allemande des alsaciens par la langue et le sang. Donc si Renan a parlé de la langue, il ne lui a certainement pas donné une place centrale dans sa théorie de la nation. La culture comme la langue, pour reprendre votre dernière phrase, n’a jamais empêché le vivre ensemble et même la constitution d’un espace national. Il faut toutefois s’attacher à la définition républicaine française de la nation, et non à la définition allemande…

    Le socle de valeur est fragile? Dans quel sens. Soit nos valeurs sont communes ce qui est le cas, soit elle ne le sont pas. Si c’est le cas, considérer les valeurs européennes comme fragiles revient à considérer nos valeurs nationales comme tout aussi fragiles.

    Pour le reste le foot et le rugby ne me semblent pas être des exemples opportuns pour une quelconque question d’appartenance. Je pourrais tout aussi bien dire « combien de français préfère voir dans un match entre le Maroc et l’Allemagne l’Allemagne gagner? ». Rien n’est prouvé, rien n’est à prouver.

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