L’Inquisition c’était pas joli-joli, avouez !

Pour ou contre l’Inquisition ? C’est à cette délicate question que tentait de répondre le docufiction diffusé récemment par Planète (mardi 28 septembre à 20 h 40, pour les troisième et quatrième parties).

Ça s’appelle les Dossiers secrets de l’Inquisition – comme si les historiens avaient attendu la télé pour “faire la lumière sur cette période sombre”, comme on dit couramment.

À travers ce titre, l’auteur attire surtout notre attention sur le comportement suspect du Vatican, qui a quand même attendu 1998 pour entrouvrir ses archives sur la question – si j’ose dire… Et pour cause ! « Durant six cents ans, l’Inquisition a imposé le catholicisme comme seule et vraie religion à travers le monde. »

Jeu des 7 erreurs ? Pas du tout ! Avertissement solennel de l’auteur inscrit sur un panneau en noir et blanc, comme à la grande époque du muet. Mais où va-t-il les chercher, ces “six cents ans” ? Jusqu’à ce mardi fatal, je ne connaissais que deux vagues d’Inquisition au sens strict du terme. La médiévale, essentiellement marquée par la lutte contre le catharisme (XIIIe siècle), et l’espagnole, qui accompagnaet suivit la Reconquista (fin XVe-XVIe siècle).

Ça nous fait deux bons siècles, et c’est déjà beaucoup – surtout pour nos sensibilités modernes. Mais les quatre autres ? Visiblement, l’auteur tient beaucoup à nous vendre son idée selon laquelle l’“Inquisition” aurait perduré quasiment jusqu’à nos jours.

Alors, il ne craint pas d’y aller à la truelle, agrégeant d’autorité à son sujet ce qu’on appelle successivement “ l’Inquisition romaine ”, puis le “ Saint-Office ”, qui ne cessera de ferrailler contre les hérésies jusqu’à sa disparition en 1965, pour cause de diplomatie oecuménique.

Hélas ! Cet habile amalgame rend les deux dernières heures du docufiction confuses et incohérentes. Pourquoi, par exemple, s’attarder quarante-cinq minutes sur la Venise du XVIe siècle ? Ne se passait-il rien ailleurs ?

Plus le doc et les siècles passent, plus on s’éloigne du sujet. En fait d’Inquisition, au bout de trois heures, on en est à Napoléon et au congrès de Vienne, censés incarner respectivement les ordres “ancien” et “nouveau”. C’est ce dernier qui triomphe d’ail leurs avec le Risorgimento, réduisant le pouvoir temporel du pape au périmètre du Vatican…Est-ce donc dans ces 44 hectares que le pape poursuit depuis 1870 son implacable Inquisition ? On a l’impression bi zarre de s’être assoupi devant un programme et réveillé devant un autre…

Hélas, c’est toujours le même, on pourra encore le vérifier en lisant le panneau pédagogique qui nous est infligé en conclusion : « Aujourd’hui, le règne de l’Inquisition a pris fin [ah bon, quand même !] ; ses pouvoirs ont cédé sous la poussée des forces d’un monde en perpétuel devenir. » Une telle banalité, il faut oser. Vous savez quoi ? On dirait une copie du bac philo ! À vous de mettre la note…

(Publié dans Valeurs Actuelles/Télésubjectif, le 7 octobre 2010)

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