Nos amis les tyrans ne sont pas seulement des criminels mais aussi des guignols. Grands, mais guignols.

Dictateur, un boulot de dingue : le documentaire diffusé par Canal Plus a suscité chez mes collègues des réactions diverses. « Original et révélateur », disent les uns. « Trop superficiel pour être pédagogique », objectent les autres. Mais c’est qu’on ne peut pas faire uniquement des soirées « Terrorisme d’Etat », même avec débat. L’auteur, Alain Charlot, revendique d’emblée un angle d’attaque plus original. Parmi les abus de pouvoir qui sont la maladie professionnelle des dictateurs, il y en a de pas drôles certes, mais aussi des drôles qu’on nous montre hélas trop rarement, depuis Chaplin.

Au milieu des leçons de morale dans le rétroviseur sur le totalitarisme, pourquoi pas de temps en temps un petit zoom sur la folie des tyrans ? La farce obscure de la Force ?

Sur Kim Jong-il, son cuisinier japonais est intarissable ! Bien élevé, le « Cher Leader » mangeait de tout : homard, faux-filet, oursins et Kentucky Fried Chicken – une nourriture « impérialiste US » livrée discrètement par jet privé de Shanghaï. Et comme boisson ? Un cognac Hennessy à 5000 dollars, « what else » ?

Côté germano-soviétique, le Staline intime s’avère, sans surprise, plus drôle que son alter ego Hitler. Il plaisante lui-même volontiers sur sa dure condition de dictateur, les moyens d’y accéder et surtout de s’y maintenir : « Ce qui compte ce n’est pas les votes, c’est la façon dont on compte les votes. »

« Je ne fais confiance à personne, même pas à moi », ajoute-t-il, à mi-chemin entre le despote parano et l’analysant new yorkais selon Woody Allen.

Même en privé, Hitler se montre plus guindé, surtout quand il se croit obligé de justifier d’avance ses crimes : « Celui qui croit quelque chose de faux est encore au-dessus de celui qui ne croit en rien. » Toujours le drame de la foi sans les œuvres…

Tous les dictateurs dignes de ce nom, même les plus féroces, restent de grands gamins. Kim Jong-il, fan du film de Clint Eastwood Dans la ligne de mire, avait demandé pour ses obsèques un cortège présidentiel à l’américaine. Images à l’appui, on peut le vérifier ici : ses dernières volontés ont été respectées à la lettre – malgré l’absence de Clint.

Dans le genre amateur de cinéma américain, le meilleur c’est quand même Staline, qui s’énerve tout seul devant des westerns avec John Wayne – jusqu’à tenter par deux fois de le faire assassiner !

Rayon alimentation, Hitler a beau se proclamer végétarien, il se goinfre en cachette de saucisses bavaroises. Quant à Idi Amin Dada, pour varier ses menus, il n’hésite pas à y adjoindre de la chair humaine : « C’est encore plus salé que la viande de léopard », note-t-il en connoisseur.

Comment des fêlés comme ça, qui n’auraient même pas dû avoir le droit de vote, ont-ils pu en venir à le supprimer aux autres, avant de les supprimer tout court?

Pour en juger, semble dire l’auteur, point n’est besoin d’esprit de sérieux ; Le comique côtoie volontiers le tragique, surtout en fait de Pères Ubu.

 Publié dans Valeurs actuelles, le 12 juillet 2013

 

 

 

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