Pour être heureux, nous enseigne le philosophe Frédéric Lenoir, il faut « être soi-même, aimer la vie et la savourer ». Qu’est-ce qu’on ferait sans lui ?

Frédéric Lenoir, vous connaissez ? Pour vous situer un peu le personnage, il fut pendant dix ans directeur du Monde des religions, revue des relativismes théologiques, et anime sur France Culture une émission hebdo bizarrement intitulée Les racines du Ciel, lui qui n’y croit pas. Sa préférence irait plutôt à cette sorte de néobouddhisme désarêté qu’on pratique à Los Angeles et à Saint-Germain.

Fin décembre dernier, il était sur le plateau d’On n’est pas couché pour vendre son dernier opus : Du bonheur, un voyage philosophique. Un titre genre « traité latin », ça s’impose pour quelqu’un qui s’auto-intitule philosophe et écrivain (c’est marqué en-dessous de lui sur l’écran).

« Le bonheur, nous explique sérieusement le professeur Lenoir, c’est un équilibre : on ne peut pas tout faire dans la vie, donc il y a des choix à faire ! » Déjà je reste scotché, devant ce truisme défiant la parodie. Et lui de continuer imperturbablement à enfiler les perles : « Le bonheur, c’est l’accomplissement de sa nature (…) C’est être soi-même dans le respect des autres ».

« Poncifs ! » s’exclame Aymeric Caron ; et pour la première fois depuis que ce gandin sévit chez Ruquier, je me retrouve d’accord avec lui. L’affaire doit être grave ! D’ordinaire je ne supporte ni ses fausses colères moralisantes, ni ses rires de hyène coiffée. Mais là, il faudrait au moins sa mauvaise foi pour ne pas approuver.

« Je n’ai pas eu l’impression d’apprendre grand-chose en vous lisant », dit Caron à l’auteur, que cette aimable litote suffit à irriter. – Comment ça, on n’apprend rien dans mon livre ? s’indigne-t-il, avant de nous résumer les trésors de sagesse qu’on y pourra puiser.

Primo, c’est « une bonne vulgarisation de l’Ethique de Spinoza », et Dieu sait que ça lui a donné du mal : « Je l’ai lu vingt fois avant de le comprendre ». Mais surtout, en matière de bonheur, il est, figurez-vous, « le seul à faire la jonction entre les philosophies d’Orient et d’Occident et les sciences contemporaines ». Fameuse prétention qui, hélas, n’impressionne guère dans ce genre d’émission. Et alors, relance Ruquier, quelles nouvelles ?

Frédéric nous annonce d’abord la mauvaise, qui est scientifique. D’après ses sources, « l’aptitude au bonheur dépend à 50 % du patrimoine génétique », – sans même parler de la petite enfance. Nous voilà donc « conditionnés »… mais pas « déterminés » pour autant. Même que c’est ça, la bonne nouvelle philosophique : « On peut faire un travail sur soi ! ».

Pour ceux que le mot « travail » effaroucherait maître Lenoir, qui ratisse large, conclut sur un enseignement un peu plus vendeur – qu’il tient, paraît-il, de Montaigne et Tchouang-tseu réunis : « L’essentiel, pour être heureux, c’est d’aimer la vie et de la savourer ».

Si c’était pour dire ça, il aurait aussi bien pu citer Guitry et Willemetz : « Amusez-vous, foutez-vous d’tout… » D’ailleurs, j’ai l’impression que c’est ce qu’il a fait dans son livre.

Article publié le mercredi 8 janvier 2014

 

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