Marine et Laurent : peu de chances que ces deux-là partent un jour en vacances ensemble ! La présidente du FN vient d’intenter un procès à l’animateur, qui lui avait attribué plaisamment un arbre généalogique en forme de croix gammée. Elle n’a guère apprécié non plus qu’un autre soir, il se délecte longuement d’une couverture de Charlie Hebdo la représentant en étron.

Ruquier, de son côté, avait juré publiquement que jamais, lui vivant, on ne verrait sur son plateau la fille Le Pen, pas plus que le père. Las ! Dans le cadre de la campagne, et pour des raisons d’“équité”, la direction de France Télévisions lui a fait une obligation de la recevoir, sauf à renoncer à tout invité politique. 

La rencontre au sommet s’annonçait donc explosive. Eh bien, le clash attendu n’a pas eu lieu, et pour cause : aucune des deux parties n’y avait intérêt. Pas question pour Laurent Ruquier de donner à Marine Le Pen l’occasion de prendre sa “posture victimaire”, selon l’expression à la mode. Et pour la candidate, à quoi bon polémiquer avec un animateur quand, par-dessus lui, elle pouvait s’adresser à deux millions d’électeurs ?

Pour autant, ce samedi-là, la tension est palpable sur le plateau quand Marine fait son entrée. Les spectateurs l’applaudissent poliment mais, contrairement à l’habitude, ils ne se lèvent pas pour l’accueillir. Visiblement briefé, le public est sous pression.

Cependant Ruquier accueille “son” invitée avec un grand professionnalisme, comme si de rien n’était ou presque. Quant à Audrey Pulvar et Natacha Polony, elles se sont harmonieusement réparti les rôles : à Natacha le traditionnel questionnaire programmatique ; à Audrey la vigilance “citoyenne”. Sur la base de cet équilibre, l’ambiance se détend peu à peu. À partir de la vingt-septième minute, le public se sent même autorisé à applaudir les blagues d’une Le Pen plutôt décontractée. Aux critiques de Mme Polony sur son projet en matière d’éducation, elle répond avec une embarrassante amabilité : « Si je suis élue, je vous prendrais bien comme ministre… » Et à Mme Pulvar qui attaque sur la “priorité aux Français”, elle renvoie une balle aussi préparée qu’imparable : « Votre père avait bien signé un manifeste “La Martinique aux Martiniquais” ! »

En fin d’émission, la candidate fera même rire à deux reprises une assistance définitivement décontractée :

– « Je n’ai pas pu vous parler de votre livre », déplore Audrey Pulvar.

– « Invitez-moi à déjeuner ! »

– « Je ne méprise pas du tout vos électeurs ! » précise Laurent Ruquier.

– « Ah bon, il n’y a que moi alors ? »

Avec un tel sens de la repartie, l’animateur pourrait bien recruter la Marine comme chroniqueuse dans sa quotidienne humoristique sur Europe 1, entre Kersauson et Steevy. Sauf bien sûr si elle est élue présidente…

Publié dans Valeurs Actuelles, le 1er Mars 2012.

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