Ne juge pas, et tu ne seras pas jugé 

Mon bien cher frère,

Concernant le désormais fameux « engagement n° 31 » du candidat Hollande, je savais que la France était coupée en deux. Mais voilà maintenant que c’est notre famille !

Pour être tout à fait franc avec toi, je l’ai su il y a trois mois, quand tu es allé à Europe 1 chez Ruquier pour vendre ton livre sur Luka Magnotta.

Ce jour-là, j’ai appris que tu étais un chaud partisan du « mariage pour tous » – sauf pour moi. Ma femme, as-tu révélé dans la bonne humeur générale, avait tous les défauts : fêlée, opportuniste et même pas catho comme toi ! Mais si tu savais tout ça avant, Karl, t’aurais quand même pu me prévenir…

Bref, quand on en a reparlé tous les deux (hors micros, il est vrai), tu m’as assuré qu’en l’occurrence tu t’étais « laissé prendre par l’ambiance », et qu’on ne t’y reprendrait plus. Pourquoi a-t-il fallu alors que, lundi dernier, tu refasses le même sketch sur un mode « sérieux » – dans une Lettre ouverte à ma belle-sœur évidemment destinée à tout le monde sauf à elle ? Les gens civilisés ne sont-ils pas censés laver leur éventuel linge sale en famille ?

Mais c’est que ce linge-là est virtuellement sanglant, et qu’il y a urgence républicaine ! À te lire, Barjot serait devenue à elle seule un danger pour nos libertés.

Frigide ligueuse, factieuse, fasciste, terroriste ? Allons donc ! L’histoire est plus simple que ça : en apprenant comment le pouvoir voulait enterrer à la sauvette son mouvement, elle a tout simplement pété un fusible. Bien sûr je lui ai conseillé de le changer aussitôt, mais sans succès : dans son état, quelque connerie qu’elle ait pu balancer, pas question pour elle de faire des excuses à qui que ce soit !

Des excuses, figure-toi mon cher frère, elle en attend encore elle-même, après six mois d’insultes, de diffamations et d’attaques de toutes sortes – et pas toujours des plus belles. Des excuses, elle en réclame aussi au nom des millions de Français hostiles au projet Taubira, qui s’étaient pris à rêver que finalement Hollande entendrait leurs voix – comme Mitterrand ou même Chirac dans des circonstances comparables.

Au contraire ! Sur les « soixante engagements » du candidat Hollande, s’il n’en reste qu’un ce sera celui-là. Et pour cause : c’est le seul que puisse encore tenir le parti du Progrès ! Ça a l’air égalitaire, et ça coûte pas un rond.

Donc on fonce, chef ! Quitte à humilier par tous moyens les « cathos à poussette », comme tu dis joliment. Cortèges coupés en trois et statistiques en quatre ; 700 000 pétitions à la poubelle du C.E.S.E. (inutile de retenir le nom) ; amalgame systématique entre l’immense masse des manifestants, énervés mais pacifiques, et quelques dizaines d’excités acnéiques… Sans compter l’arme fatale, ce taser moral qu’est devenu l’accusation d’ « homophobie » – délit dûment sanctionné par la loi.

Comme disait l’excellent Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois du Sénat, pour justifier son refus de recevoir la bande à Barjot : « Vous représentez la pire des homophobies, celle qui est dans le déni ». En d’autres termes, la preuve de votre culpabilité, c’est que vous plaidez l’innocence !

De la Terreur à Orwell, le refrain n’est pas nouveau. Si en revanche il est un inquiétant signe des temps, c’est la différence de traitement médiatique entre le dérapage incontrôlé de Frigide et l’appel au meurtre froidement retweeté par Pierre Bergé : « Si une bombe explose sur les Champs à cause de la Manif pour tous, c’est pas moi qui vais pleurer ! ». Mais ça c’est plutôt drôle, hein frérot ?

Quant à la « radicalisation » barjotienne, objet de tes angoisses, elle coïncide tout juste avec la brusque accélération du processus parlementaire, dans une démocratie de moins en moins représentative. Hop ! un vote à main levée au Sénat, et paf ! on renvoie la balle à l’Assemblée avec un mois d’avance – juste pour siffler la fin de la récré.

Rassure-toi, Karl : en vrai, ma femme ne veut la mort de personne. Elle n’a parlé de sang que parce qu’elle a vu rouge, comme tant de citoyens traités en sous-doués du dernier rang.

Et voilà ! Grâce à ce petit complément d’info – que d’ailleurs tu aurais pu dénicher toi-même, avec un habile travail d’investigation comme tu sais les mener – je ne doute pas que tu reviennes à de meilleurs sentiments envers ta belle-sœur. En tout cas, ça m’arrangerait.

Bien sûr il y a entre elle et toi des divergences, théologiques et autres, qu’on devine insurmontables. Mais puisque tu fréquentes volontiers les Écritures, n’oublie pas non plus Jean, 14, 2 : « Il y a de nombreuses demeures dans la maison de mon Père. »

On ne peut pas voir la même chose quand on ne regarde pas du même endroit. Frigide se jette comme une folle en mini-jupe au milieu de la mêlée, quand toi tu préfères cultiver l’ironie citoyenne du haut de ton Aventin. M’est avis que c’est une affaire de tempéraments dont, comme pour les goûts et les couleurs, on ne dispute point.

Par bonheur, au milieu de tes réquisitions, tu suggères toi-même à ma femme une idée que je serais mal venu d’ignorer : « Je me suis dit, paraphrasant ton mari : Ouh là ! On se calme et on boit frais à Saint-Tropez ! »

Rendons à Max Pécas ce qui est à Max Pécas, comme tu dirais ! N’empêche que c’est O.K. pour moi : reste plus qu’à fixer la date. D’ailleurs à ce propos, pourquoi attendre l’été ? On a tant de choses à se dire, on dirait…

*Photo : DR.

 

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