Philippe Geluck a toutes les qualités de l’humoriste télévisuel moderne : il n’est pas drôle, et il pense bien.

L’autre samedi à On n’est pas couché, Philippe Geluck ne s’était pas déplacé pour rien : il avait à nous vendre à la fois une BD et un bouquin.

La BD, c’est La Bible selon le Chat, un coffret en deux volumes subtilement signé « Philippe Geluck & Dieu ». Pour en faire la promo, l’auteur s’est même payé deux clips vidéo aimablement diffusés par Ruquier. Sur le plateau chacun s’esbaudit, et notre ami n’est pas peu fier de ses « provocations » pompées dans La Calotte (1906-1911).

Quant au bouquin, il est censé répondre par l’exemple à la fameuse question Peut-on rire de tout ? Geluck en tout cas, oui, parce qu’il a un bon fond : son rire est « fraternel » et bourré d’ « autodérision », comme il l’explique si bien lui-même.

Femmes, homos, handicapés, etc.… il flingue tout le monde avec des balles à blanc, à coups de blagues tellement bêtas qu’elles ne vexeraient même pas un pou.

Parfois même notre auteur, faute d’inspiration, s’en tire avec un jeu de mots foireux. Ainsi, à propos des jeunes, a-t-il ce trait que je laisse à votre appréciation : « Les jeunes d’aujourd’hui sont cons. Ils ne connaissent plus rien, et leur passe-temps favori est de ne rien branler, alors que nous au moins, à leur âge, nous nous branlions nous-mêmes… »

Il aurait bien tort de se gêner : c’est une des préférées de Ruquier, qui en rit encore ! Entre temps, le redoutable Aymeric Caron aura quand même ouvert le débat, sur un ton qui le clôt d’emblée : « Peut-on rire de tout ? Oui, mais pas n’importe quand et n’importe comment. Tout dépend du contexte, du moment, du lieu, de l’interlocuteur et de l’émetteur… » En fonction de ces critères, conclut-il, « une même phrase peut être très drôle ou pas drôle du tout. » Je dirais même plus, cher Aymeric : cette phrase-là est les deux à la fois !

 Il suffit de le voir balancer sur son fauteuil entre hargne et condescendance : ce gars-là est spécialiste de l’humour comme moi de l’œuvre d’Ernest Pignon-Ernest.

Natacha Polony tentera bien de démonter la logique extravagante de son confrère en posant la bonne question : « Au nom de quoi certains s’arrogent-ils le droit, sous prétexte que d’autres ne pensent pas comme eux, de leur interdire de rire ? »

Et Ruquier de lui réexpliquer patiemment : « Tout dépend de qui vous fait rire. » Ainsi par exemple,  « on n’a aucun soupçon sur le fait que Philippe Geluck soit raciste ! » (sic) ; du coup, on accepte de lui des blagues qui, venant d’autres, ne passeraient pas…

–       Natacha : « Ça veut dire qu’avec la même blague, quelqu’un qui a des idées comme les miennes serait soupçonné de racisme…? »

–       Laurent, pas gêné : « Un peu plus, c’est vrai… »

Après un tel aveu, il n’y a plus qu’à fermer le ban ! Quand la question était « De quoi peut-on rire ? »,  j’avais modestement suggéré qu’on publiât au J.O la liste des sujets de plaisanterie autorisés. À présent, avec les nouvelles normes, il conviendrait d’y ajouter la liste des sujets autorisés à plaisanter.

De toute façon, ça sera sans moi ! Si on n’a pas le droit de rire de tout, je n’ai plus envie de rire du tout.

Article publié le 20 novembre 2013

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