Au sommaire de l’excellent ma­gazine d’histoire l’Ombre d’un doute, le 7 mars dernier sur France 3 : « Robespierre, bourreau de la Vendée ? » Mais ni le “doute” ni le point d’interrogation ne survivront à l’introduction de Franck Ferrand : si 170 000 Vendéens ont été massacrés par les armées de la République, c’est principalement sous le règne de l’Incorruptible. Quel fut précisément l’office de ce bourreau-là ? Répression aveugle ou extermination planifiée ? Les deux successivement, suggère le documentaire. 

Début 1793, la République a quel­que raison de se sentir “en danger” : guerroyant contre toute l’Europe ou presque, elle voit s’ouvrir en plus un front intérieur, au rythme des soulèvements paysans qui se multiplient, notamment en Vendée.

Qu’alors la Convention ait voulu à tout prix mater cette rébellion, c’est de bonne guerre, si l’on ose dire ! Mais avec l’accession de Robespierre à la tête du Comité de salut public en août 1793, cette guerre devient totale : « Il faut que les brigands de la Vendée soient exterminés avant la fin du mois ! » dispose notamment la loi du 1er octobre.

C’est fin 1793 que “le combat change d’âme” : l’Armée catholique et royale est anéantie, la Révolution est sau­vée – et le pire est à venir ! La loi des suspects va trouver en Vendée son plein épanouissement : sont considérés comme tels tous les autochtones, sans distinction d’âge, de sexe ou d’opinion.

« Il faut qu’enfin cette race infâme soit anéantie ! » s’enflamme Billaud-Varenne. La Terreur va se donner les moyens de cette ambitieuse politique, notamment avec les fameuses “colonnes Robespierre” emmenées par Turreau.

En juin 1794, avec les lois de Prairial, Maximilien jette les bases d’une “Grande Ter­reur” – quand soudain, le 9 Thermidor coupe court à ses élans et au reste. La mort de Robespierre met fin à la guerre d’extermination me­née contre la Vendée – preu­ve s’il en fallait qu’il en fut bien l’inspirateur.

Alors, « génocide franco-français », comme l’a écrit Reynald Secher, ou simple « écrasement de la population », comme préfère dire son collègue Jean-Clément Martin ? Toujours est-il que, deux cents ans après, le plus grand massacre collectif de la Révolution française reste mal connu du grand public, et pour cause : à l’école, déjà, on ne l’enseigne guère !

Interro surprise de mon fils (en quatrième à l’école républicaine) : « Tu sais ce qui s’est passé en Vendée pendant la Révolution ? –  Euh, on a fait la Révolution (sic), mais on nous a rien dit de spécial sur la Vendée… »

Bref, le “populicide” déjà dénoncé en 1794 par Gracchus Babeuf reste un sujet tabou. Comme le résumera l’historien Stéphane Courtois, qui s’y connaît : « On ne touche pas à la Révolution ! »

Grâces soient rendues à France 3 d’avoir transgressé ce tabou, même à 23 heures – et prions qu’aucune tête ne tombe pour ça !

 

Publié pour Valeurs Actuelles, le 22 mars 2012

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