Raphaël Liogier a tout compris aux idées populistes, sauf pourquoi elles sont aussi populaires…

« Populisme : la démocratie menacée ? » Sur ce thème, furieusement tendance, Éric Naulleau avait annoncé un match serré entre son compère Zemmour et Raphaël Liogier, auteur d’un livre au titre menaçant comme l’orage annoncé : Ce populisme qui vient. Brrr…

Pour notre sociologue, est populiste tout politicien qui prétend « parler au nom de la fiction du « peuple tout entier ». Quelle que soit l’époque, le but est toujours le même : rassembler en une union contre-nature réactionnaires et progressistes, sur des bases non pas « logiques » mais « émotionnelles ».

Et c’est grave, Docteur ? Oui, parce que cette prétendue « défense de la culture » s’organise en fait contre un bouc émissaire bicéphale : l’islam. L’image du musulman – sans même parler du terroriste – c’est tour à tour le sarrazin, ennemi multiséculaire de l’Europe chrétienne (pour faire peur aux réacs) et le barbu misogyne, obscurantiste et même pas laïc, bien propre à effaroucher les progressistes.

Mais surtout, derrière tout ça, la cible du complot c’est la « démocratie représentative » en personne ! Quant à la principale bénéficiaire, donc suspecte, c’est évidemment Marine Le Pen : « Is fecit cui prodest », n’est-ce pas ?

Conformément à une autre idée « tendance », notre sociologue laisse entendre qu’en fin de compte, chez les Le Pen c’était mieux avant ! Papa, raconte avec nostalgie l’ami Raphaël, ce n’était qu’une grande gueule nationale-libérale, poujado-raciste, et hédoniste en plus, condamnée ès-qualités à faire le même score au deuxième tour qu’au premier…

Sa fille ratisse, hélas, plus large ! Son discours n’a rien à envier à celui d’un Mélenchon en fait de socialisme ; mais son petit plus, balance Liogier sûr de son effet, « c’est d’y accoler le terme de national-» (avec son tiret).

– « C’est bien ce que je disais, on en revient toujours aux années trente ! », rebondit Zemmour pour mieux contre-attaquer. « Parler au nom du peuple ?  Mais tout homme politique devrait le faire ! C’est son boulot : il est chargé de représenter le peuple français ». Même le parallèle populisme-gaullisme n’effraie pas notre Éric, qui en a vu d’autres depuis Napoléon : « Ce que vous reprochez aux populistes, assène-t-il, vos ancêtres de gauche le reprochaient à De Gaulle, qu’ils traitaient de fasciste, de Duce , de tous les noms… »

Mais le meilleur, Zemmour l’a gardé pour la fin : une autopsie-éclair des thèses de l’adversaire, qui leur donne enfin un sens, et même une dimension historique. Le Liogier traduit par Zemmour, soudain ça devient clair, et même visionnaire : « Cet accord entre « conservateurs » et « progressistes », explique t-il, c’est la réponse historique à l’alliance entre libéraux et libertaires qui, depuis quarante ans, ont détruit ensemble l’édifice gaullien. » L’alliance Giscard-Geismar, en quelque sorte.

Est-ce vraiment le modèle auquel Raphaël aspire pour l’avenir ? Et accessoirement, qu’importe ? Moi en tout cas, face au danger « lili » (libéral-libertaire), je me range résolument dans le camp des « progréacs », comme Éric.

Publié dans Valeurs Actuelles, le jeudi 17 octobre 2013

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