Fleur Pellerin, qu’on ne saurait me soupçonner d’avoir épargnée quand elle était ministre, mais qui est partie de la rue de Valois avec une classe folle, a tweeté, tôt ce matin, le plus joli des hommages abondamment versés sur la fosse déjà ouverte d’Umberto Eco :

Et comme elle lit manifestement Bonnetdane, elle a rendu hommage aussi à une chronique récente sur le livre de Laurent Binet, dont Eco était le héros suprême, l’écouilleur en chef, le grand manitou de l’intellect — elle lit donc depuis qu’elle n’est plus ministre :

Pendant ce temps, Sarko se fendait d’une réaction empesée et colorée d’une vilaine faute d’orthographe — il devrait m’embaucher comme « plume », tiens :

Je ne veux pas m’appesantir à un énième hommage — je me rappelle trop le « Tombeau d’Edgar Poe », où Mallarmé se moquait du monolithe que l’on venait de poser sur la tombe du génial Américain :
« Calme bloc ici-bas chu d’un désastre obscur,
Que ce granit au moins montre à jamais sa borne
Aux noirs vols du blasphème épars dans le futur. »

Et ma foi, Eco a passé sa vie à cela : contrarier les imbéciles (c’est la traduction en langage courant du dernier vers du cher Stéphane). Je lui dois l’une de mes premières émotions sémiologique, lorsque vers 13 ans je lus dans la revue Communications (n°8) son analyse de la « combinatoire narrative » de James Bond. Un linguiste (je découvrais à peu près le mot) qui donnait du sens à Ian Fleming et le prenait au sérieux ne pouvait être mauvais.
Plus tard, étudiant, j’ai accumulé les dettes à son égard — et voici que je ne pourrai jamais les rembourser. Il a été l’un des premiers à analyser la part que le lecteur apportait à l’œuvre, même la plus « fermée » (l’Œuvre ouverte, 1962, et Lector in fabula, 1979). À la même époque, je me livrais à des essais de parodies littéraires, que j’ai définitivement abandonnés quand a paru Pastiches et postiches (1963-1996, prolongé par Comment voyager avec un saumon, 1992-1998) : un grand esprit ouvre le vôtre, et en même temps il stérilise vos prétentions futiles à penser. Je recommande aux avides lecteurs sa parodie du début de Lolita — que je rappelle pour mémoire :
 » Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins. Mon péché, mon âme. Lo-lii-ta : le bout de la langue fait trois petits pas le long du palais pour taper, à trois reprises, contre les dents. Lo. Lii. Ta.
Le matin, elle était Lo, simplement Lo, avec son mètre quarante-six et son unique chaussette. Elle était Lola en pantalon. Elle était Dolly à l’école. Elle était Dolorès sur les pointillés. Mais dans mes bras, elle était toujours Lolita.  »

Devenu sous la plume alerte de cet aimable barbu que l’on ne trouvait jamais autrement que souriant, « Nonita » (je rappelle qu’una nona, c’est une grand-mère — un « puma », dirait l’industrie pornographique) :

« Nonita. Fiore della mia adolescenza, angoscia delle mie notti. Potrò mai rivederti. Nonita. Nonita. Nonita. Tre sillabe, come una negazione fatta di dolcezza: No. Ni. Ta. Nonita che io possa ricordarti sinché la tua immagine non sarà tenebra e il tuo luogo sepolcro. »

Bien sûr, pas besoin de traduire — il écrivait en italien mais il parlait tant de langues que le français, l’anglais ou le latin transparaissent en palimpseste dans le moindre de ses écrits.

Il avait compris qu’il y a bien plus à dire de la laideur que de la beauté — mais il a publié quand même une Histoire de l’une et de l’autre qui forment l’un des plus beaux couples de livres jamais lancé sur le marché de l’art — disponibles en coffret, heureux veinards…

Et ce vieillard quelque peu libidineux illuminant sa trogne à la lumière de sa belle captive, ma foi, je serais bien tenté de l’y reconnaître.

Je m’aperçois que je ne parle pas de ses romans. Là aussi, c’était un plaisir de suivre, dans les déluges d’une érudition titanesque, le jeu qu’il entretenait avec la littérature (parce que si vous ne vous amusez pas en lisant / en écrivant, lancez-vous dans la culture des navets). Bien sûr, « Guillaume de Baskerville » dans le Nom de la rose, renvoie à Conan Doyle. Bien sûr, sa déduction sur le trajet qu’a emprunté la jument égarée de l’abbé, au début, est une allusion à l’enquête sur une chienne perdue dans Zadig. Mais dans la liste des livres de l’infernale bibliothèque de l’abbaye — sans doute le décor le plus piranésien / borgésien de toutes la littérature — se dissimule un De modo ridendo attribué à Alcofribas Nasier — le pseudonyme anagrammatique de François Rabelais pour Pantagruel. C’est à cette capacité virtuose à jouer avec la langue, les livres et la chronologie que l’on reconnaît le grand, le très grand écrivain.

Je ne veux pas lasser le lecteur en enfouissant prématurément le grand homme — d’autres s’en chargent depuis ce matin. Je me contenterai de reprendre cette magnifique formule de Lucien Jerphagnon (je crois) : « Il n’est pas mort, il fait semblant ».

Jean-Paul Brighelli

 

76 commentaires

  1. Et j’ajouterai pour abonder dans le sens d’Eco la formule d’un autre témoin de notre temps, 75 ans en Mai 2016: Don’t follow leaders, watch the parkin’ meters.

  2. Ce serait quand même plus osé si Alain Delon faisait l’éloge d’Umberto Eco ! Avec toute l’emphase nécessaire …

    – Le vieux, le pacha des lettres est parti ! Comme Luchino Visconti, il n’est pas « Mort à Venise » reluquant des fesses prépubères mais à Milan de tristesse de ne pas mourir à Rome, pour écouter à la Scala la Crespin chantant la Mort de la Rose dans le Chevalier de Richard Strauss !

    « Soulève ta paupière close
    Qu’effleure un songe virginal,
    Je suis le spectre d’une rose
    Que tu portais hier au bal.

     » Tu me pris encore emperlée
    Des pleurs d’argent de l’arrosoir,
    Et parmi la fête étoilée
    Tu me promenas tout le soir.

     » O toi, qui de ma mort fut cause,
    Sans que tu puisses le chasser,
    Toutes les nuits mon spectre rose
    A ton chevet viendra danser.

     » Mais ne crains rien, je ne réclame
    Ni messe ni De Profundis ;
    Ce léger parfum est mon âme,
    Et j’arrive du Paradis.

     » Mon destin fut digne d’envie,
    Et pour avoir un sort si beau
    Plus d’un aurait donné sa vie,
    Car sur ton sein j’ai mon tombeau,

     » Et sur l’albâtre où je repose
    Un poète avec un baiser
    Ecrivit : « Ci-gît une rose
    Que tous les rois vont jalouser ».

    • C’était sous-entendu — mais vous avez raison, tout le monde n’est pas initié. J’ai donc précisé.

  3. Dans « Il caso Bond, Milano, Bompiani, 1965 », Eco introduit Casaubon, narrateur rétrospectif du pendule de Foucault, jumeau ataraxique de James, accompagné de sa Casaubond’s girl Amparo, brésilienne marxiste (manipulée par Spectre ?)

  4. Pour paraphraser Ampate bâ : le départ d’U. Eco, c’est une bibliothèque qui brûle.
    (Merci encore pour ces liens)

  5. Allez! Tant qu’à enfiler des perles, autant en faire des colliers.
    Je ne vais pas verser la moindre larme sur la disparition d’une célébrité puisque mourir à 84 ans après une vie bien remplie ne résulte, si je me réfère à l’espérance de vie actuelle, que d’un phénomène organique déterminé à la naissance.
    Rien lu de ce gars-là, un tort peut-être, mais il faudra m’expliquer la présence d’une rose dans le titre de ce film au succès phénoménal alors que dans mon souvenir il n’en est nullement question dans cette histoire abracadabrante, sinistre, improbable, sauf peut-être dans l’incendie de la bibliothèque, sort de beaucoup de bibliothèques de l’époque (eh oui, le papier ça brûle accidentellement quand on s’éclaire à la bougie). Une scène de sexe copulative répugnante, au voyeurisme complaisant, entre ce jeune moine et cette souillon ne m’incite guère à lire ce livre (ou d’autres) surtout dans l’hourvari des cuivres rutilants qui vont jouer encore quelques jours la marche funèbre de cet écrivain par ailleurs spirituel, sûrement bonhomme, bref un italien presque archétypal. Il se contentera d’un plat de spaghettis arrosés d’un vin du Piémont comme éloge funèbre de ma part.
    Bon dimanche mes petits chéris.

  6. La dernière phrase du roman est Stat rosa pristinus, nomina nuda tenemus : de la rose d’autrefois nous ne conservons que le om. Allusion probable dans le roman à la jeune fille avec laquelle Adso, le narrateur, a une brève aventure. Mais surtout, jeu subtil sur une citation célèbre de Bernard de Cluny : « Nunc ubi Regulus aut ubi Romulus aut ubi Remus ? / Stat Roma pristina nomine, nomina nuda tenemus » (« Où est aujourd’hui Régulus et où est Romulus et où est Remus ? La Rome des origines n’existe plus que par son nom, et nous n’en conservons plus que des noms vides »).
    C’est tout Eco, ça — une citation d’un moine dont nous ne connaissons rien sinon le De contemptu mundi (vers 1140) que Eco avait forcément lu — il avait fait sa thèse sur Thomas d’Aquin, qui est juste postérieur, et il a dû s’avaler tout ce qui est susceptible d’voir fait la culture d’appui de son sujet.. Et une reformulation — à une lettre près, ça, c’est de l’économie, de Roma à rosa — qui vaut appropriation — et dont il tire un titre obscur mais limpide.
    C’est bô, la culture…

  7. « Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui, avant, ne parlaient qu’au bar, après un verre de vin et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite alors qu’aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel. C’est l’invasion des imbéciles »

  8. En vérité Flaubert qui crachait sur tout le genre humain me paraît plus humain ; Eco c’est un peu le Bouvard et Pécuchet de l’érudition qui se la joue profond.

    • Flaubert vilipendait le genre humain au nom de ses rêves ; il avait été déçu dans ses attentes comme le héros de « l’Education sentimentale » pas au nom de l’intelligence !
      Mon oncle le philosophe Alain de Lattre a écrit tout un livre intitulé « La bêtise d’Emma Bovary » eh bien ! je crois que c’est un contresens ; Madame Bovary c’est Flaubert le jeune qui attendait quelque chose qui ne s’est jamais produit et la matérialité du beau Rodolphe ne fut qu’un pis-aller prélude à la ruine de l’âme.

  9. Il a écrit aussi un énorme livre en trois volumes intitulé « La doctrine de la réalité chez Proust », or comme vous le savez le snobisme est la clef de voute de l’œuvre de Proust auquel il oppose l’amour naïf des humbles qui font les grandes choses ; car enfin le snobisme ne produit guère que des œuvres desséchées, de petits rogatons tout dur.

    • Si je me souviens bien le livre de chevet d’Eco c’est « A rebours » d’Huysmans apologie du snobisme mais aussi réquisitoire !
      Mallarmé était-il snob ? Pas tant que cela puisqu’il respectait Verlaine et l’invitait à ses mardis. Barrès lui le faisait recevoir par ses domestiques …

  10. Quelle prétention dans certains commentaires ! Renversant ! Même pas un tout petit peu de compassion pour celui qui aimait tant les livres ! Rien ! Tiens, ça me donne envie de relire « Dire presque la même chose », et me marrer en cherchant les synonymes d’imbécile.

    • Vous voulez dire qu’il aimait mieux ses livres que ses lecteurs ? C’est une manière d’enfermement comme une autre … une monomanie en somme !
      ….
      Borges était enfermé dans sa bibliothèque comme dans sa cécité ; lui du moins était bibliothécaire de la bibliothèque nationale de Buenos Aires avant que le général Juan Peron l’envoie inspecter les volailles sur les marchés de Buenos Aires.

      • Eco fait partie de ces gens de la Gauche bien-pensante italienne qui firent campagne contre Berlusconi qui ne prit jamais de mesure contre les intellectuels et ne les envoya pas sur les marchés mendier leur pain !
        S’il avait eu affaire à un véritable dictateur-démagogue comme le général Peron on aurait vu s’il avait été un véritable résistant !

    • Faut comprendre : beaucoup de gens attendent l’hommage de Zlatan Ibrahimovic à Umberto Eco pour prendre position.

  11. Dans « les limites de l’interprétation », Eco interprète l’énigmatique métaphore du Cantique des cantiques : « tes dents sont comme un troupeau de brebis revenant du bain » par une quadruple inférence et s’amuse d’une interprétation au pied de la lettre * où l’auteur ayant défini les dents comme un troupeau de brebis, se montrerait impatient de les tondre.

    Il y eut nombreuses exégèses (celle d’Augustin ** notamment), dont certaines sont assez fortes de café :

    Rupert de Deutz, théologien liégeois du début XIIème, oppose dans son œuvre majeure (fiat ivEco, fiat lux), la perfection des dents de la Vierge aux dents cruelles et mortifères qui furent celles d’Eve, cette « femme odieuse » aux « dents de lion ». Cette opposition prend toute son étendue quand Adam qui ne la connaissait ni d’Eve ni des dents, s’écrie terrorisé en pleine Genèse (3.6bis) : « chérie, je sens tes dents ! »

    * Tiens une catachrèse ?

    ** une revue dans « Symbolique du corps, la tradition chrétienne du Cantique des Cantiques » de Jean-Louis Chrétien. Ça ne s’invente pas mais tout lien avec le spationaute serait franchir les limites au-delà desquelles il n’y plus aucune borne à l’interprétation)

  12. Ah la la! Pour ceux à qui il faut toujours montrer le fermoir pour qu’ils voient qu’un enfilage de perles est bien un collier fantaisie, j’aurais préféré qu’il notassent le hiatus entre la date de la Légende du concile de Mâcon et celle de la fondation de l’ordre des Franciscains, ceux qu’on trouve dans le roman d’Eco. Les femmes étaient-elles encore des goules d’amour ou de cimetières sans âmes tout justes bonnes à brûler en 1209 ? C’est tout ce que je voulais dire avec un peu de provocation et suggérer au deuxième degré (au troisième pour certains) que Eco connaissait à fond son Guillaume de Lorris.

  13. Ah la la! Pour ceux à qui il faut toujours montrer le fermoir pour qu’ils voient qu’un enfilage de perles est parfois un collier fantaisie, j’aurais préféré qu’il notassent le hiatus entre la date de la Légende du concile de Mâcon et celle de la fondation de l’ordre des Franciscains, ceux qu’on trouve dans le roman d’Eco. Les femmes étaient-elles encore des goules d’amour ou de cimetières sans âmes tout justes bonnes à brûler en 1209 ? C’est tout ce que je voulais dire avec un peu de provocation et suggérer au deuxième degré (au troisième pour certains) que Eco connaissait à fond son Guillaume de Lorris.

    • Le roquet, pas content qu’on lui mette le nez dans son inculture et sa prétention. On dirait un chien qui pisse sur tous les poteaux qu’il trouve pour marquer son territoire.

  14. Je peux fournir des photocopies du second tome de « La Poétique » d’Aristote, si ça intéresse les bibliophiles. J’ai foutu le camp avec pendant l’incendie de la bibliothèque de l’abbaye. Bon, certaines pages ont pris un coup de feu mais l’ensemble est potable.
    Faire offre en ducats uniquement, je préfère retourner au 13ème siècle que de rester dans ce monde de fous.

    Jorge de Burgos

  15. Au XIIIème siècle, ce temps béni où la parcheminerie était affaire coûteuse nécessitant des moines copistes qui se brûlaient les yeux à l’étude, on écrivait que si l’on avait des choses importantes à dire. Aujourd’hui le numérique permet, avec ses moyens d’expression peu coûteux, à n’importe quel imbécile de s’exprimer sans autorisation sur des blogs ou des forums pour ne rien dire du tout.
    Il faudrait leur dire de lever le doigt avant de prendre la parole. Ici, c’est toujours ce que je fais: je lève le majeur de ma main droite bien haut avec un léger pétillement dans les yeux et un petit ricanement sardonique qui ont fait ma légende.

  16. … mais un jour nous nous retrouverons tous dans la grande forêt de nos ancêtres à cueillir le gui à coups de serpe et à chanter des laus à la terre-mère !

    Enfin la malédiction d’internet sera levée et sous les grandes pierres levées nous hululerons comme des meutes de loups des runes mystérieuses !

  17. Finalement, c’est une bonne idée de laisser la place aux incontinents et aux miséreux l’après-midi sur bonnet d’âne.

  18. hervé 22 Février 2016 à 14 h 24 min #
    « Au XIIIème siècle, ce temps béni où la parcheminerie était affaire coûteuse nécessitant des moines copistes qui se brûlaient les yeux à l’étude, on écrivait que si l’on avait des choses importantes à dire. Aujourd’hui le numérique permet, avec ses moyens d’expression peu coûteux, à n’importe quel imbécile de s’exprimer sans autorisation sur des blogs ou des forums pour ne rien dire du tout. »

    Eclair de lucidité !!!!!! Le roquet n’a plus la queue sur les yeux. Il a vu, il voit ! Le voilà qui se prend pour le barbet noir !!!!!!

  19. JPB imperturbable dans son blog ressuscite le bon curé de village dans son confessionnal laissant s’exprimer ici la sentine des sens, le dérangement des esprits, la culture impudente des frigides, l’innocence des çons, bref de tous ces dérangés dont j’étais le Prince. Mais tout a une fin, je me heurte à des concurrents sérieux, me voici battu, archi-battu dans un domaine où je croyais régner sans partage. Il faut savoir s’avouer vaincu, place aux réfugiés du verbe plat et des voix inutiles.
    Fin de carrière !

  20. « Fin de carrière ! »

    Mais, non, restez, des cons, vous êtes toujours le roi. Si vous partez les gens vont encore se remettre à dire des trucs intelligents . Qu’est-c’qu’a fait dégonfler le barbet ? Qui est -ce qui lui a défoncé la rondelle ? Vite JPB, une rustine, vite, vite. C’est la faute à Driout. J’me suis vidé d’mon air c’est la faute à Voltaire ils m’ont repercé l’trou c’est la faute à Driout.

    • Dans cet espace à la fois raréfié et grouillant qu’est celui des commentaires de BdA, sommes-nous dans la position de ce benêt d’âne de Buridan, sous le regard mi amusé mi désabusé de Jupiter ?

      Comme disait Umberto : je crois être indécis mais je n’en suis pas certain.

  21. Tiens, à propos du libre arbitre, je me demande quel est celui du jeune prof qu’on immerge dans ça :

    http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2016/02/19022016Article635914645040896218.aspx

    Tu es libre mais tu n’auras aucune photocopie, aucun tableau à craie ou à feutre, aucune ramette de papier. Tu auras l’assurance d’une pression permanente pour manipuler la quincaillerie électronique. Et si t’es pas content, demande ta mutation qui te sera accordée, peut-être, au bout du bout, si t’es extrêmement régulier, un héros de fermer ta gueule, dans un vingtaine d’années. Ferme !

    Moi aussi, j’étais dans les champs de betteraves dans les années 80 pour instruire quelques élèves tombés entre mes nageoires. Mon libre arbitre, à l’époque, c’était d’apporter en voiture mon ordi et un gros moniteur Sony pour leur montrer quelques simulations concoctées de derrière les fagots.

    Heureuse époque où on n’était pas encore inondés par les bouses d’innovateurs de pacotille inconscients de leur nullité vaniteuse ni importunés par des zinspectoreux qui, pour les rares qui savaient ce qu’était un ordinateur, n’en faisaient ni état ni des tas.

    • Libre arbitre ? Dans le football on appelle cela un vendu .. mais où t’as caché le ballon ? Comme disait l’émir du Qatar, il n’y a plus de règles dans la compétition sur le sable.

  22. Très bonne vidéo ina où Bertie parle de son roman « Le nom de la rose »:
    http://www.ina.fr/video/I11362134

    Ce qui est amusant c’est qu’on se rend tout de suite compte que Pivot est un simple journaliste, pas un intellectuel, il s’intéresse aux choses pour elles-mêmes à travers des personnages, il ne dit rien sur leur pensée, ni sur celle de l’auteur.
    Je comprends maintenant pourquoi cette émission avait autant de succès populaire en flattant chez le téléspectateur la même approche simpliste des choses à travers des personnes, alors qu’un intello va s’intéresser aux choses en les désincarnant le plus possible.
    C’est le système médiatique qui veut ça, une émission qui éloigne les gens de l’amour des idées ne peut rencontrer que de l’assentiment.

  23. Le roquet se lance dans un besogneux TPE « zintellectuels et média », bavement pavlovien déclenché par ses croquettes carnées, forcément carnées. Et qui voudra l’encadrer alors que la date de péremption est déjà dépassée depuis longtemps ?

  24. Jude Law est venu en Range-Rover depuis Londres distribuer des brioches aux déshérités de Calais !
    Comme il était beau sous son petit bonnet bleu couleur de la mer ! Ce rude petit caniche de l’Actors Studio comme il empoignait avec force son petit micro pour crier son désarroi devant tant de malheurs !

    Bon c’est pas le tout cela mais j’ai mes miséreux moi aussi …

    • Désolé vous n’aurez pas un selfie de moi en train de soulager la misère du monde !

      Z’avez qu’à imaginer la scène c’est beau comme l’Antique … les dix travaux d’Hercule Driout !

  25. Michel Audiard adorait placer du Bossuet dans ses textes cinématographiques – c’est bien le dernier dialoguiste à avoir eu une telle passion pour le grand style !
    Hier soir on repassait le film qui mettait en vedette Annie Girardot en femme de ménage modèle, « elle boit pas elle fume pas, elle drague pas … mais elle cause ! ».

    – M. Gruson (Jean Le Poulain très solennel, très ému) : Je parle du vrai désordre, Liéthard. Car ce désordre-ci n’est qu’un petit désordre à côté du grand et fondamental désordre de votre existence.
    – Alexandre Liéthard (Bernard Blier fripouille sympathique et vicieuse) : Quelle envolée, quel style, monsieur le principal ! Du Bossuet, dès le matin !

    • Comme je connais assez bien Bossuet le chef de l’église de France de ce temps du roi-soleil et évêque gallican s’il en fut, je me souviens bien qu’en ce temps-là l’église – comme toujours en fait – était du côté du manche et qu’oncques ne vit jamais ni Bossuet, ni Bourdaloue, ni Fléchier ni aucun prêtre dénoncer l’esclavage ou le servage en chaire !

      L’église catholique n’était pas pire que l’église orthodoxe ou les églises protestantes. Elles servaient leur clientèle … et rendait à César ce qui appartenait à César même les esclaves !

      • … rendaient …

        P.S Borges considérait Lincoln comme le plus grand criminel du 19e siècle pour avoir provoqué la guerre de Sécession ; il me semble me souvenir que ce fut le Sud qui provoqua le Nord ! Borges grand écrivain mais pas grand humaniste au sens strict ne considérait pas l’esclavage comme une priorité.

  26. Dans le temps – je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans … – les acteurs savaient qu’il étaient des putes ! Comme disait Gabin : On m’a eu pour pas cher ! Mais enfin ils n’étaient pas toujours faux-cul en plus … ce côté curé est nouveau !

    Plaire toujours plaire … d’accord mais pendant les heures de service ! S’il faut faire le service après-vente 24h sur 24 !

  27. Les acteurs français étaient réputés pour leur franc-parler ; on se souvient d’Arletty déclarant aux juges qui voulaient l’inculper de haute trahison en 1945 : « Mon coeur est français, mais mon cul est international ! »

    Hier soir Sim incarnait un curé pédophile qui se travestissait dans des cabarets de nuit pour pouvoir emmener des enfants en colonie de vacances ! C’était drôle … Jude Law en Sœur Emmanuelle des bidonvilles de Calais c’est simplement ridicule.

  28. Ca me plaît beaucoup, Hervé, ce que vous dites sur les émissions « littéraires », sur les modestes interventions de Pivot auprès des géants qu’il recevait parfois… On ne parle pas de littérature, on paraphrase, on résume, on raconte ce que l’auteur « a voulu dire ». Bref, on s’emmerde.
    Cela dit, ce n’est pas, vous le dites fort bien, pour un public trop averti. C’est bon enfant, ça rassure la bourgeoise sans effaroucher la baronne.
    Tant pis pour les amateurs, mais je prétends que Busnel, qui est pourtant d’une autre trempe que Pivot, anime le même type d’émission. La littérature n’a, il faut se rendre à l’évidence, pas sa place à la télé !

    • Certes, les écrivains n’intéressent plus personne, pour les médias ce sont des gens du passé. Et c’est vrai qu’ils sont mal servis par la télévision, même avec la Grande Librairie qui reste par ailleurs d’assez bonne qualité. Il est heureux malgré tout que la télévision soit une invention assez récente; imaginez Pivot recevant Cervantès et lui demandant s’il avait écrit son Quichotte par fascination de la Chevalerie et son amour des chevaux ?

  29. Il y a toujours dans ce blog des agrégés de la base 2 incapables de sortir du schéma binaire (conscient/inconscient, pseudo(0)/pseudo(1),…vivement la phase analogique). Essayons de répondre au défi malgré tout avec la question:
    Quel est le point de vue de celui qui adhère ? Ici le cas Penpère (pampers).
    Soit il prend la pose volontairement, pour l’éternité, et il assume son emphase burlesque, ce qui semble être hélas le cas dans cette photo, soit cette adhésion est involontaire, non consciente, et il faut alors la considérer comme subie et non choisie. Connaissant le personnage, on peut s’interroger.
    Personnellement, je ne vois pas cette mise en scène comme un ‘tableau’ à accrocher aux cimaises du Musée de la Marine
    mais plutôt comme une sculpture massive de son être moral à poser sur un socle en bronze.
    Il faudrait demander à Umberto ce qu’il en pense, mais il se trouve que ce vieux Bertie ne pense plus beaucoup
    en ce moment, depuis peu il est vrai, j’en conviens.

  30. « imaginez Pivot recevant Cervantès et lui demandant s’il avait écrit son Quichotte par fascination de la Chevalerie et son amour des chevaux ? »
    Ouah, le pied télévisuel absolu !
    Ou recevant Homère pour lui demander ce qu’il pense, en parlant du retour d’Ulysse, du désastre des paquebots de croisière dans la lagune de Venise…

  31. En l’occurrence Le Pen père contrairement à sa fille vit sa vie dans les livres ; il se rêve en héros breton irrédentiste, en Sitting-Bull, en Charles Quint la main sur le globe etc.

    Bien entendu on peut préférer les rêves à la vie ! Mais il vaut mieux alors écrire le roman de sa vie que vouloir influer l’histoire de France ! Voir les cas illustres du cardinal de Retz, de Saint-Simon, de Chateaubriand, de Barrès qui sont tous à côté de leurs pompes pour parler vulgairement !
    Talleyrand lui n’était pas du tout à côté de l’histoire en train de se faire mais tout contre … dans le sillage des plus grands ! A la fête de la Fédération près de Lafayette, aux côtés de Napoléon lors du sacre, aux côtés du Tsar quand il fait revenir les Bourbons. Bien entendu il demande aux assistants de l’empêcher de rire car il faut qu’il garde son sérieux devant toutes ces éminences !
    Talleyrand ne se prend peut-être pas pour un grand homme mais pour un homme habile assurément !

    • Le clan des réalistes comme le cardinal de Fleury presque vingt ans premier ministre tout-puissant, vieillard de 90 ans, son éternité disait-on ! Ou Richelieu, ou Mazarin tous deux avides de richesses d’ailleurs.
      Et puis le clan des rêveurs …

      Napoléon Bonaparte est un mélange des deux … à la fois songe d’Ossian et calculateur de terrain, administrateur et conquérant illusioniste !

  32. Le cas le plus extrême de rêveur délirant c’est évidemment Adolf Hitler ; à la fois un histrion qui soigne ses effets théâtraux et un salmigondis culturel d’un type qui n’est jamais sorti d’Allemagne et dont la culture est faite de bric et de broc !

    En Extrême-Orient on a eu des émules bizarres de la culture marxiste occidentale comme les Khmers rouges et en Afrique une interprétation burlesque du mythe napoléonien avec Bokassa cousin de Giscard d’Estaing par la branche africano-auvergnate !

  33. La plus belle réussite de Le Pen père ? Avoir faire croire à l’héritier un peu demeuré des ciments Lambert qu’il avait une mission : sauver la France !

    Auparavant il gagnait modestement sa vie avec une maison d’édition phonographique de documents historiques la Serp (oui ! comme l’instrument des druides ce n’est pas une private joke).

  34. Après toutes les khon-sidérations simplettes des deux clébards, revenons à nos moutons (élevons le niveau) :

    Eco, l’atrabilaire du signe l’avait mauvaise de constater que les communicants/publicitaires ont été les principaux bénéficiaires de la révolution sémiologique : du peircing au piercing il n’y a que l’apparence qui compte.

    Et puis, maintenant qu’il est raisonnablement refroidi, il faut dire qu’il a plutôt ménager Derrida.

    Peur ? Complexe ? Réflexe de solidarité facarienne ? Autre ?

    Il aurait fallu, il a failli.

  35. Vous êtes sérieux ? Vous croyez que c’est Roland Barthes qui a inventé l’art publicitaire ?

    Euh ! Je sais bien que vous avez des trous dans votre culture historique mais enfin vous devriez vous renseigner avant de passer à côté de ce que vous méprisez si bien : le marketing des école de commerce !
    Comment on est passé de la réclame à la publicité … comme M. Marcel Bleustein-Blanchet (le papa d’Elisabeth) a importé en France les méthodes américaines dès les années trente et quarante …

  36. Avant Bleustein-Blanchet il y a eu des génies de la réclame comme André Michelin qui a fait une grande partie de la notoriété de la maison Michelin (le Bibendum, les bornes kilométriques, les cartes routières) ; les frères Michelin ont fait du sponsoring sans employer le mot … par exemple en finançant les compétitions sportives.

    Mais les méthodes modernes de marketing sont nées au Etats-Unis. Les logos, les études par panels etc.

  37. Je ne pense pas que les publicitaires style Jacques Séguéla aient jamais songé à solliciter Eco pour améliorer leur force d’impact et leurs concepts !

    « Benetton united colors for Eco » !

  38. Ce midi pour déjeuner, je suis rentré dans mon resto-u et j’ai crié bien fort: « Hola tavernier, qu’on m’apporte à manger fissa! ». J’ai eu droit à un plat de couscous sans couverts. Égrenant la semoule entre mes doigts, je pensais à cette réflexion de Bertie peu avant sa mort: « La vie est un couscous dont chaque grain apporte son lot de mystère ». Eh oui, Bertie il en sortait parfois des comme ça, des pensées aussi mal tressées que des ficelles desséchées pour des colliers sans perles, elles coulaient dans sa bouche comme une fontaine glougloutante, comme celle là par exemple:
    https://t.co/GK9mlqdK3Z
    « Quelle langue parlait Dieu ? »
    Ben, la langue divine, la langue suprême, celle qui berne le monde de son mensonge embellissant, eh ducon !

    • La vraie version (pastafarienne) de la citation de Bertie:
      « La vie est un plat de spaghettis dont chaque pâte tirée au hasard est une route vers le malheur ou le bonheur dont il faut savoir gérer l’interopérabilité avec la pâte voisine ». Eh oui…

  39. Par exemple le calendrier Pirelli n’a jamais engagé Umberto Eco comme directeur une année histoire d’effeuiller la rose !
    Et pourtant il y avait matière …

    • Il aurait peut-être émargé dans le calendrier 2016 où les filles sont à l’image de sa corpulence, des mannequins pour défilé Rubens, pas pour des adolescentes sous anesthésie viscérale.

  40. Le égyptologues de l’Ecole du Louvre en sont encore tout retournés, la Momie de BdÂ, notre icône habituellement embourbée dans sa vasière sémiotique a parlé aujourd’hui à 12h25.

    • Faudra penser à lui demander comment il fait, avec sa mentule coincée sous ses bandelettes, pour enfiler les mouches comme pas deux depuis des années.
      Il doit avoir une formation écolo, pas possible sinon !

    • Évidemment, là, tout le monde est ravalé au rang de (très) petit joueur.

      Une bibliothèque, ça pose le problème des critères de classement (souvent sournoisement assez lâches, divers et provisoires).

      Sans compter le souvenir plus ou moins net qu’on a de l’emplacement de tel ou tel ouvrage – l’indication « faites sept pas verticaux » laisse rêveur. On ne le retrouve plus, le doute s’installe : l’a-t-on prêté à un indélicat ? oublié ?

      Du coup, une bibliothèque c’est parfois une madeleine

      J’avais oublié que j’avais oublié celui-là un jour dont je me rappelle maintenant fort bien, au bord de la piscine
      http://nsm08.casimages.com/img/2016/02/24//16022408272216723114005218.jpg
      Il y en a qui brûlent les livres, d’autres qui lisent « le livre brûlé » en boucle et moi, je relis le livre mouillé.

      Quant à « Pastiches et postiches », j’étais persuadé de l’avoir en magasin. J’ai passé les étagères en revue de détail (la tête oblique, ça fatigue). Du coup, j’ai retrouvé « la guerre du faux » derrière une rangée de Henry James (regard noir à ma moitié).

      Une bibliothèque, c’est parfois aussi trouver ce qu’on n’a pas cherché et ne pas trouver ce qu’on est pourtant sûr de trouver. Selon les cas, on ne sort serein ou dépité.

  41. « Faites sept pas verticaux, après tournez 45° à droite, levez la main à 1,35 mètre » et dites je le jure ! Une telle bibliothèque, j’en suis baba, ba ba(bi)bel.

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