La caractéristique principale du Minable, c’est sa propension à donner des leçons. D’où sa présence massive parmi les profs, les journalistes, le personnel politique. Ce qui bien sûr n’exclut pas qu’il n’y ait de grands profs, de bons journalistes, voire des politiques intelligents. Mais bon…

« Après l’émission Des Paroles et des Actes ce jeudi 6 février, deux membres du Conseil National du PS, Mehdi Ouraoui, ancien directeur de cabinet d’Harlem Désir, et Naïma Charaï, présidente de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE), ont saisi le CSA. Dans une lettre envoyée à son président, ils qualifient l’intervention d’Alain Finkielkraut «d’inacceptable» et «dangereuse». Ils s’inquiètent précisément de l’usage par le philosophe de l’expression «Français de souche», «directement empruntée au vocabulaire de l’extrême droite». »
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/02/07/97001-20140207FILWWW00200-finkielkraut-des-socialistes-saisissent-le-csa.php
Le malheureux Finkielkraut a cru bon de répondre — non pour se justifier, mais parce que c’est son métier de rendre les autres intelligents, treizième des travaux d’Hercule :
«Je suis totalement abasourdi. Hier soir, lors de l’émission Des paroles et des actes, j’ai dit que face à une ultra-droite nationaliste qui voulait réserver la civilisation française aux Français de sang et de vieille souche, la gauche a traditionnellement défendu l’intégration et l’offrande à l’étranger de cette civilisation. La gauche en se détournant de l’intégration abandonne de fait cette offrande. Manuel Valls a expliqué que nous avions tous trois -lui-même, David Pujadas et moi – des origines étrangères et que c’était tout à l’honneur de la France. J’ai acquiescé mais j’ai ajouté qu’il «ne fallait pas oublier les Français de souche». L’idée qu’on ne puisse plus nommer ceux qui sont Français depuis très longtemps me paraît complètement délirante. L’antiracisme devenu fou nous précipite dans une situation où la seule origine qui n’aurait pas de droit de cité en France, c’est l’origine française. Mes parents sont nés en Pologne, j’ai été naturalisé en même temps qu’eux en 1950 à l’âge de un an, ce qui veut dire que je suis aussi Français que le général de Gaulle mais que je ne suis pas tout à fait Français comme lui. Aujourd’hui, on peut dire absolument n’importe quoi! Je suis stupéfait et, je dois le dire, désemparé d’être taxé de racisme au moment où j’entonne un hymne à l’intégration, et où je m’inquiète de voir la gauche choisir une autre voie, celle du refus de toute préséance de la culture française sur les cultures étrangères ou minoritaires. L’hospitalité se définit selon moi par le don de l’héritage et non par sa liquidation.»
http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2014/02/07/31003-20140207ARTFIG00274-alain-finkielkraut-une-partie-de-la-gauche-a-perdu-la-raison-et-la-memoire.php

Admettons que l’expression « Français de souche » soit aujourd’hui délicate à employer, surtout depuis qu’elle sert d’étiquette à un site dont la mesure ni le bon goût ne sont les qualités dominantes. Admettons qu’un philosophe (je rappelle que Finkielkraut ne l’est pas, de formation) doive utiliser les mots avec circonspection. Oui, admettons…
Mais comment admettre qu’un parti (le PS) décide d’interdire les mots qui le défrisent ? À l’intolérance de ceux que leur étiquette « de gauche » ne préserve pas du malheur d’être des abrutis, répondra tôt ou tard l’intolérance massive d’une foule d’abrutis qui revendiqueront crânement, et dans la rue, une étiquette « de droite ».

D’ailleurs, ils la revendiquent déjà. L’un des exploits les plus remarquables de ce gouvernement de fantoches est d’avoir rassemblé des centaines de milliers de personnes qui n’existaient pas collectivement, et qui désormais s’expriment d’une seule voix. On salue bien bas.

Au passage, et quitte à chicaner sur les mots, comment distinguer les Français nés en France depuis plusieurs générations et ceux de toute fraîche importation, nés à l’étranger — Finkielkraut lui-même ? Parce que la distinction, quoi qu’on en pense, fait sens : on n’est pas français comme le camembert est normand : on l’est parce qu’on le mérite.
On ne naît pas Français — on le devient, même quand on a des parents inscrit au registre national depuis lurette. On le devient en s’affranchissant des coutumes, des relents familiaux, des communautarismes de toutes farines, des habitudes religieuses exotiques, des impératifs gastronomiques exogènes. J’ai parlé ici-même de cet excellent livre paru l’année dernière, la République et le cochon (Pierre Bimbaum, http://www.seuil.com/livre-9782021108651.htm), dans lequel l’auteur analyse avec une grande finesse le rôle du porc dans l’intégration à la communauté française, et la façon dont les Juifs (et les Musulmans, mais ce n’est pas son sujet directement) ont accepté (ou non) d’entrer dans les usages alimentaires de la République. On est français parce que l’on maîtrise la langue (ce que Finkielkraut fait à un niveau supérieur — très supérieur aux deux hurluberlus qui veulent le traîner aujourd’hui en justice au nom du politiquement correct, très supérieur aux membres du gouvernement, très supérieur à l’ensemble de la classe journalistique qui le juge), et parce que l’on a accepté les caractéristiques de la civilisation française.
Il ne s’agit pas de nationalisme — encore que « mourir pour la France », expression qui paraît de plus en plus désuète aux jeunes générations, qu’elles soient « de souche » ou non, me paraisse la pierre de touche de la nationalité. Encore moins d’esprit cocardier — même si ce drapeau « plein de sang dans le bas et de ciel dans le haut » a une histoire que nous pouvons revendiquer autant qu’au temps d’Edmond Rostand, dont les vers de mirliton me font toujours tressaillir.
Il s’agit de terre et de terroir.
Il faut être bête comme peut l’être Claude Askolovitch pour croire que « terroir » est une expression pétainiste, alors que c’est la façon la plus simple de distinguer un bayonne taillé dans la croupe d’un honnête porc pie noir basque d’un jambon issu d’une quelconque carcasse danoise élevée en batterie (ou, pour en rester au cochon, distinguer un prizuttu d’origine, dont le gras adhère à la chair et possède un merveilleux goût de noisette et de châtaigne, des horreurs proposées dans les restaurants insulaires et pour lesquelles il n’y a, justement, pas de nom).
Alors, d’accord, sur nos papiers d’identité, rien ne spécifie l’origine de nos origines, et c’est tant mieux. C’est tout à la gloire de la France, justement, que de refuser l’inscription de la religion, telle qu’elle se pratique dans nombre de pays — y compris en Europe — et telle qu’elle se pratiquait sous Pétain. Mais c’est d’une hypocrisie sans nom que de prétendre que l’on ne peut pas, par exemple, analyser les résultats scolaires en fonction du contexte familial tel qu’il se lit à travers les patronymes (l’étude qui a été faite sur le sujet en région Aquitaine est à la fois exemplaire et en théorie illégale). Nous sommes tous français par principe, et plus ou moins dans les faits.
Parler la langue et la culture, comprendre que ce vieux pays est laïque sur un antique fond chrétien et gréco-romain, admettre qu’il y a des caractéristiques communes (la combinaison paradoxale d’une réelle fierté nationale et d’une tendance à l’auto-dépréciation, par exemple), sourire même à une certaine bêtise française, voilà ce qui caractérise le « Français de souche ». Les détracteurs de Finkielkraut sont loin, très loin, de posséder sa maîtrise de la langue et de la culture françaises. Ni son sens de la dérision.
Tout cela pour dire… Pour dire que la débauche de politiquement correct, en dehors de ses velléités castratrices typiques d’un parti (le PS) qui manque essentiellement de cou… rage, engendrera fatalement, à terme, une réaction bien plus terrible que prévue. Ce qui est prévu de toute évidence, c’est la montée du FN, en prévision d’un 2017 où l’UMP, débordée sur sa droite, serait absente au second tour, et laisserait le PS étaler sa morgue face à une droite bleu-marine réduite à ses appuis traditionnels : stratégie imbécile, parce qu’il n’y aura pas, en faveur d’un président qui est actuellement tombé à 19% d’opinions favorables (mais il peut mieux faire…), de retournement comme on en a vu en faveur de Chirac en 2002. Non, ce que le politiquement correct attise, c’est la montée d’une droite extrême, qui s’exprimera dans la rue avant de s’exprimer par la violence — et qui s’exprimera dans les urnes aux municipales et plus encore aux européennes. Ce qui nous guette, c’est la venue d’un fascisme dur — parce que le PS est fini, fichu, foutu, à force de se caricaturer dans des initiatives qui sont autant de chiffons rouges, faute de drapeaux de la même couleur. Incapable d’affronter les réalités économiques, le gouvernement et ses affidés ont décidé de bouger essentiellement sur le plan « sociétal » — et ça ne leur porte pas bonheur. Les bobos parisiens qui nous gouvernent devraient de temps en temps redescendre dans le pays réel, et mesurer exactement l’exaspération : nous sommes à deux doigts de l’émeute, et ils perpétuent leurs délires. Ce n’est pas l’UMP qu’ils descendent (avec la politique libérale qu’ils mènent, qui a encore besoin de l’UMP ?), c’est le fascisme qu’ils alimentent. Parce qu’ils fonctionnent déjà comme des fascistes.

Jean-Paul Brighelli

10 commentaires

  1. Merci pour cette ferme et roborative mise au Point.

    Il y a pléthore de mots et d’expressions dont quelques obtus intemporels aimeraient criminaliser l’usage quel que soit le sens qu’on lui donne.

    Hier, la « solution finale » mise au ban du vocabulaire de la chimie.

    Cette année, l’index mis à la quenelle.

    Demain, l’interdiction de la culture des melons ?

  2. « nous sommes à deux doigts de l’émeute, et ils perpétuent leurs délires »

    Oui, mais pour l’instant, ceux qui en ont assez de tout ne cassent rien (à part quelques portails eco-taxes en Bretagne). Les manifs-pour-tous n’ont rien cassé malgré le nombre impressionnant; même jour-de-colère n’a rien cassé malgré les arrestations; idem pour les sentinelles et autres veilleurs…

    Ceux qui cassent sont justement ceux qui sont courtisés par le PS hors-sol: les supporters-du-PSG qui ont mis à sac le Trocadéro, les musulmans-communautaristes qui attaquent les flics dès qu’ils veulent arrêter une femme voilée (leur soeur) ou un petit malfrat (leur frère) et tout dernièrement lesdégâts causés par les antifas qui voulaient empêcher une réunion FN à Rennes… Mais là, peu d’arrestations et encore moins de condamnations.

    Alors oui: « nous sommes à deux doigts de l’émeute, et ils perpétuent leurs délires »…

  3. Michèle Tribalat chercheuse à l’INED a trouvé un terme qui remplace le honnis « français de souche », dans ses derniers ouvrages pour désigner les personnes nées de parents de nationalité française (maternelle et paternelle) , ce sont désormais des: « natives au carré », pour l’instant cela passe mieux, jusqu’à quand?
    Vaste question comme aurait dit le grand homme..

  4. C’est pas très optimiste tout ça.
    C’est vrai que les âneries de notre gauche, donne de plus en plus de crédit au bon sens et aux choses vraies. A part exiger des saucisses Herta dans son panier de l’Amap, le citoyen en recherche d’authencité et de valeurs « rassurantes » n’a que la tribune de Marine.
    Ne désespérons pas, comme Finkielkraut qui fait de la philosophie, je cite « sans formation », espérons des humanistes proposerons des candidats du bon sens, « sans formation ».
    il y a des pistes au centre.

  5. C’est quoi un Français de souche ? Mais qu’est-ce qu’une souche ? Une souche est un terme botanique qui s’applique aux arbres, c’est-à-dire à ce qui ne se meut pas, donc terme inadéquat pour un animal, donc pour un homme.
    Et si on accepte la métaphore qui renvoie à la souche de l’arbre généalogique, à partir de combien de générations devient-on français de souche ? Si on prend la métaphore à la lettre, la souche commence à la première génération née en France, mais est-ce une question de lettre ?
    Une question de culture, sûrement pas. Ce n’est pas le nombre de générations qui fait la culture, sauf à jouer à Herder.
    Quant à savoir distinguer un français dit de souche et un autre français, je ne sais pas faire. Et puis les français dits de souche sont tellement différents qu’à vouloir les reconnaître on peut s’y perdre.
    Cela dit, qu’on emploie ou non le terme, c’est secondaire, mais on sait qu’il y a depuis longtemps un fétichisme des mots qui amène à confondre le mot et la chose (à quoi a donc servi Foucault ?). Quant à la distinction entre signifié et signifiant que nous a rappelé Saussure, elle semble bien oublié depuis qu’un amuseur de génie à réinventé la linguistique pour la rendre conforme à ses désirs.
    Pour en finir avec ces soucheries, rappelons que le nom de français lui-même n’est pas de souche dans la mesure où il vient du nom d’une tribu teutonne qui a envahi la Gaule romaine. Alors où commence la souche, aux Gaulois, aux Gallo-Romains ou, comme le disait mon premier livre d’histoire de l’école communale, aux Cro-Magnons de la Vézère.
    Quant à l’auteur de ce commentaire, ses nombreuses souches ne lui permettent pas de définir la vraie. Encore qu’il se sente aussi français que les enfants des Cro-Magnons de la Vézère.
    Bonne soirée
    rudolf bkouche, métèque de souche.

    ps. Je n’ai jamais considéré que « mourir pour la France » soit un signe de bonne françitude et ce que dit la chanson
    « Un Français doit vivre pour elle
    Pour elle un Français doit mourir »
    ne m’a jamais enthousiasmé.

  6. Il se trouve que ce blog suppose une maîtrise minimale du français et une correction de l’expression.
    Alors je vais mettre vos messages en réserve en attendant que vous vous amendiez.

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