
En 1987, Denise Grey joua Harold et Maude, la pièce de Colin Higgins, au Théâtre Antoine, sur une mise en scène de Jean-Luc Tardieu. La vieille comédienne (91 ans aux fraises) n’avait eu qu’une exigence : ne pas avoir à embrasser sur la bouche son partenaire, Jean-Christophe Lebert, qui comme dans la pièce, avait une bonne soixantaine d’années de moins qu’elle.
Rappelez-vous le film de Hal Ashby en 1971. Ruth Gordon avait alors 75 ans, et Bud Cort 50 ans de moins. N’empêche qu’ils s’aiment, et que le jeune homme, désespéré par la mort de son amante (et le film pose une ellipse sur leur étreinte, ce qui en accentue la réalité) est à deux doigts de se supprimer, de chagrin : s’il ne le fait pas, c’est que Maude lui a appris à vivre, à vivre pleinement, lui qui flirtait avec le suicide depuis le début du film.
Soixante ans ! Mick Jagger, qui n’en a que quarante-quatre avec Melanie Hamrick ; Woody Allen, qui n’a que trente-cinq ans de différence avec Soon-Yi Previn ; Al Pacino même, qui n’a finalement que cinquante-trois ans de plus que Noor Alfallah — sans compter un que je connais qui n’a jamais que quarante ans de plus que sa future épouse —, sont tous des petits joueurs. Ceux dont je parle ici sont déjà verts, si je puis dire, et les jouvencelles qui les entreprennent ont intérêt à s’exercer longtemps avec un chewing-gum complaisant.
Mais enfin, c’est pour eux qu’on a inventé le Viagra, qui les conduira à terme vers le cimetière des amants défraîchis. Marguerite Steinheil n’avait que vingt-huit ans de moins que Félix Faure, et elle vous l’a expédié ad patres en deux coups de mâchoire et trois glissements de langue. L’avaleuse n’attend pas le nombre des années.
Bien sûr, il y a encore deux siècles, une différence d’une trentaine d’années ne faisait peur à personne — et Arnolphe convoite Agnès en toute bonne inconscience dans L’Ecole des femmes. Mais c’était systématiquement dans des configurations où le monsieur, généralement fortuné, parfois tête couronnée, s’offrait de la chair fraîche afin de se reproduire avant de mourir. Les femmes « d’un certain âge », mais encore capables d’avoir des enfants, qui se retrouvaient veuves et envisageaient de se remarier, étaient rapidement poussées vers la retraite dans un couvent par les rejetons nés de leur précédent mari, afin de ne pas éparpiller l’héritage : le facteur économique restait déterminant aussi dans le domaine affectif.
Les liaisons de vieillards avec de « belles endormies », comme dit Kawakata dans la nouvelle homonyme, sont nombreuses et documentées. Outre l’aspect libidineux, il y a, comme pour le vieux roi David avec Abisag, l’illusion de pomper la jeunesse du corps étendu à leurs côtés pour revivifier leur organisme moribond.

Mademoiselle de Fontanges avait 23 ans de moins que Louis XIV lorsque le roi a entrepris de la décoiffer. Sans doute lui a-t-il fallu s’illusionner courageusement sur la majesté royale en s’offrant aux embrassements d’un pré-vieillard d’une saleté repoussante, édenté, atteint de toutes les maladies de la terre — mais qui lui survivra pendant trente-quatre ans.

Pierre Mignard, Angélique de Fontanges, 1678
D’où sans doute le fait que les femmes « d’un certain âge » s’offrant des jeunes hommes beaux et musclés choquent davantage notre époque timorée. Parce qu’aucune hypothèse d’enfantement ne vient adoucir la pure débauche.
Dans un excellent film sorti en 2022, Mes rendez-vous avec Leo, Emma Thompson, jouant une veuve fraîche, ex-enseignante conformiste qui n’a jamais connu d’autre homme que son mari, bourgeois anglais introverti, s’offre un escort boy de belle tenue, Daryl McCormack, qui a — dans la vie comme sur l’écran — trente-quatre ans de moins qu’elle. Il va lui apprendre toutes les fantaisies auxquelles elle n’a jamais eu droit. Et à terme, l’amener à son premier orgasme.
Le jeune homme a un joli-physique d’Irlandais mâtiné d’afro-américain, et, par la grâce d’une scénariste / dialoguiste fort douée, un intellect convenable. Quel est le contraire de la gérontophilie ? L’éphébophilie ?
So what ? Laissons les libidos s’exprimer comme elles l’entendent, sans demander de comptes. Laissons les aventuriers des deux sexes miser sur le physique, la fortune, le vice même. Qu’est-ce que cela peut faire ?
Ah si : cela ôte du marché de la séduction quelques jolis spécimens raflés par plus vieux qu’eux. Mais enfin, il est tant d’hommes et tant de femmes…
Jean-Paul Brighelli
Lucas Cranach l’Ancien, le Vieillard et la jeune fille, 1530 ; Le Couple mal assorti, c.1520




A l’attention de Mendax et autres supporters de Zelensky : Tout va bien en Ukraine :
https://www.20minutes.fr/monde/ukraine/4185069-20251112-guerre-ukraine-comment-corruption-energie-embarrasse-camp-zelensky
Eh bien, la voici la gerontophilie …
On peut remarquer que dans les tableaux de Cranach, la jeune fille ( pas merveilleuse) paraît nettement plus enthousiaste avec son vieux barbon que le godelureau à barbe de ministre macronien avec la vieille toupie.
Mais ces tableaux sont d’une époque patriarcale ( et d’un peintre homme) .