Les Commissions officielles se sont mises d’accord sur les modalités du Brevet, en fonction des exigences (très modérées) du Socle Commun de Compétences. N’écoutant que sa conscience, Bonnetdane est allé enquêter sur le terrain.

« Chuis content », me lance Kevin. « J’vais passer le Brevet Najat ! Super à l’aise, Blaise ! »
Comme on ne peut se tenir au courant de tout, et que mon propre Brevet a plus de 45 ans d’âge, je lui demande donc comment ça va se passer.
– Ben d’abord, au lieu de tout faire en Troisième, on commencera le Brevet en Quatrième. Pour prendre de l’élan, quoi !
« En Quatrième, j’dois définir un projet — sur tout support, k’ils m’ont dit — papier, mais photo, vidéo, c’que j’veux ! En Troisième, pareil — pourvu qu’sa valide le Socle !
– Qu’est-ce que c’est que ça, le Socle ? demandé-je.
– Ben, le Socle Commun de Connaissances, quoi ! T’es au courant de rien ? Ça a été inventé de ton temps, pourtant ! J’étais pas vieux, moi, en 2004. Sous Fillon. À droite aussi z’ont de bonnes idées. Quand j’aurai l’âge, je voterai Marine — ou Najat si elle se présente. Les z’ot’s,  cé qu’des bouffons !
– Et ça consiste en quoi ?
– Ben… La maîtrise du franssais — mais pas trop, la maîtrise, hein… Comprendre des textes variés — p***, même les articles de Médiapart et de Libé la prof elle nous a obligés à lire ! Et la prentissage de l’aurtograf. Juste la prentissage. J’suis en plein prentissage, ricane-t-il. Toute ma vie ! Du coup, j’serai jamais en nez check !
– Et puis ?
– Et puis comprendre un morceau de langue étrangère. Pas trop long, hein ! Fuck the cops ! Et les principaux éléments de maths et de sciences ! Savoir que la Terre tourne autour du Soleil — c’est ça, non ? Des questions de physique aussi : quel type de gilet pare-balles faut-il porter pour échapper à une balle de kalach. Pas celui qu’ont les flics, c’tt’ co*** ! Çui avec des plaques de céramique ! Chuis super calé !
– C’est tout ?
– Non ! Z’ont chargé la barque ! Maîtrise des Techniques d’Information et de Communication — les TIC, ils appellent ça — et sans S, encore ! Sont vraiment nuls en aurtograf !! Faut que je passe le B2i — le Brevet informatique, quoi ! Comment copier un article de Wikipedia pour le coller sur un fichier Word et dire que sé mon travail. Pas trop cassant. Et puis passer en cinq clics, via les liens hypertexte, de n’importe quel site à GrosNichons.com. Sé trop dur ! Et une « culture humaniste » — la prof a expliqué, « humaniste », j’ai rien compris. Bref, Louis XIV est né en 1515, Robespierre était un empaffé, et la Loire prend sa source au mont qui fait gerber les joncs. J’ai bon, là ?
« Y a des trucs aussi sur les compétences civiques — j’ai droit à la libre expression, y a pas d’raison que seuls ces emmanchés de Charlie disent c’qu’i veulent. Dieudonné aussi y a droit. Et moi ! Moi ! Moi, je suis autonome dans mon travail — c’est la dernière compétence !
– Heu… Qui a inventé toutes ces belles choses ?
– C’est l’Europe, té ! J’t’ai b***, là ! Si t’es pas heureux, tu vas te plaindre à Bruxelles — ou à Berlin, j’sais plus où c’est, maintenant, l’Europe ! Moi, mon livret de compétences, il est visé chaque année par tous les profs ! M’ont dit que j’avais tout en cours d’acquisition ! La moyenne partout ! Mes parents sont ravis — ma mère a dit que d’toute façon, si j’avais pas la moyenne, elle irait casser la gueule à la prof ! Faudrait voir à pas faire trop suer le burnous ! Ma réussite, c’est mon droit ! Sinon, t’auras droit à mon gauche !
– Alors, donc, le Brevet ?
– En Quatrième, mon projet c’est de calculer la distance moyenne entre le rond et le bouchon, à la pétanque. Et de noter soanieusement les expressions des joueurs, après les avoir filmés. Maths et français ! Et même sociologie, arts plastiques et éducation civique ! Tout en un !
– Et en Troisième, tu as prévu…
– Facile ! M’aime truc ! Quel est l’angle idéal pour tirer les flics à la kalach du toit de mon immeuble ! Police scientifique ! J’vais passer un Brevet CSI / NCIS ! Avec une option Economie — prix de la boulette de shit à l’entrée de la Cité, et prix à la revente. J’irai faire un stage à la Provence pour voir comment ils couvrent un événement — quand des cops se font tirer dessus et qu’on arrête degun.
– Et côté Expression ?
– P*** ! J’ai déjà relevé tous les grafs de la cage d’escalier ! Photos à l’appui ! Expression écrite et artistique ! La prof, ça l’a fait mouiller ! « Créatif », elle m’a dit. « Essprime-toi, Kevin ! » Et comme il y en a en anglais, je valide aussi sec la compétence Langue étrangère. Death to the police ! Girls are sluts ! Nick ta mère ! T’as vu comme je cause bien l’anglais !
– Oui, je suis ébahi…
– Ebahi, oh l’autre, des mots cons pliqués ! Tu s’rais pas un salaud d’élitiste, toi ?
– « Elitiste », tu connais ?
– Sûr ! C’est l’autre prof — elle nous a fait un topo d’enfer comme quoi il y avait des ors durs dans ton genre qui n’aimaient que les boloss qui s’la pètent. Bouffon, va !
« De toute façon, ajoute Kevin, j’suis sûr de l’avoir. S’ils me refusent le Brevet, doivent faire un rapport pour justifier leur attitude. Si ! Et après, i’sont mal notés — de toute façon, j’peux pas redoubler, maintenant, c’est les parents qui décident ! Tu parles que ma mère elle a envie de dire aux voisines que son fils c’est une tanche ! »

Plusieurs expressions et situations nous donnent à penser que Kevin habite Marseille…
Par ailleurs, à qui aurait des doutes sur la réalité potentielle de ce dialogue impromptu, à qui croirait que je galèje, je conseille vivement la définition officielle du Socle Commun, ici, et les ultimes propositions de la Conférence Nationale sur l’Evaluation des Elèves — c’est (voir la recommandation n°7).
Quant à qui s’étonnerait, d’ici deux ou trois ans, que le niveau des collégiens français ait encore baissé, je lui suggère de conserver cet article dans ses archives. Le pire, avec l’Education version Vallaud-Belkacem, c’est que le pire seul est sûr.

Jean-Paul Brighelli

PS. Depuis quelques heures le lien (http://cache.media.education.gouv.fr/file/Site_evaluation_des_eleves_2014/78/8/2015_evaluation_rapportjury_bdef_391788.pdf) sur la totalité du rapport ne fonctionne plus. On peut en avoir un digest sur le Monde. Et un obscur pressentiment m’a poussé à recopier la recommandation n°7, dont s’inspire le dialogue précédent, et que voici :

RECOMMANDATION Nº 7

À propos du diplôme national du brevet

Cette recommandation a recueilli 25 voix pour, 2 voix contre et 4 abstentions

Le jury propose de retenir, pour l’essentiel, les recommandations du Conseil Supérieur des Programmes, qui précisent que les informations nécessaires pour valider l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture soient collectées (en principe en fin de cycle 4) à partir :

1. Du livret de compétences du cycle 4 pour lequel le renseignement apporté par les équipes pédagogiques s’appuie pour une part sur des évaluations sommatives dont les contenus sont puisés dans une banque nationale ou académique.

2. Des épreuves du diplôme national du brevet (DNB) dont l’unique fonction est désormais de contribuer à cette validation du socle.

Ces épreuves sont les suivantes :

• deux projets personnels conduits l’un en classe de quatrième, l’autre en classe de troisième, impliquant une production (sur tout support), inscrits dans des champs disciplinaires différents et présentés oralement devant un jury ;

• une épreuve écrite terminale d’examen, définie nationalement, dont le sujet est fixé au niveau national ou académique. Cette épreuve permet d’évaluer plusieurs compétences du socle qui peuvent elles‐mêmes renvoyer à plusieurs disciplines. Elle apporte une garantie d’objectivité aux yeux des élèves et des familles ;

• une épreuve orale de langue vivante sur projet donnant lieu à une présentation par le candidat qui est suivie d’un échange avec le jury.

La validation du socle est une condition nécessaire pour obtenir le brevet. Elle équivaut à la validation de chacun de ses différents piliers (ou « blocs ») sans possibilité de compensation entre eux.

En pratique, c’est d’abord l’équipe pédagogique de troisième qui propose de valider ou non chacun de ces piliers. Ensuite, c’est le jury qui décide de l’attribution du brevet en fonction de ces propositions et au vu des résultats obtenus par l’élève aux épreuves de l’examen.

En cas d’échec au brevet, l’élève concerné conserve le bénéfice des piliers acquis. Il doit pouvoir confirmer les autres dans la suite de son cursus de formation, afin d’obtenir la validation complète du socle.

À chaque fois que ce jury n’entérine pas une proposition de validation, il se doit de justifier clairement les raisons de sa décision.

31 commentaires

  1. Notre chère ministre ne va pas assez loin. Autant sauter enfin le pas, et supprimer définitivement brevet, bac, diplômes et notes, au moins on s’épargnera tous les ans des blagues à X millions d’euro (quand on a des taux de réussite digne des résultats électoraux en ex-URSS, il ne faut plus parler d’examen mais de plaisanterie)

  2. Mon cher Collègue,

    tu es en plein déphasage sémantique: les ados de nos collèges ne s’expriment pas ainsi, à quelques vocables près..!
    Il n’empêche: si la forme est à revoir, le fond est presque vrai.
    L’actuel Brevet est une vaste fumisterie:
    – rapport de stage noté sur vingt, comptant autant qu’une matière;
    – contrôle continu sur les notes de Troisième, qui représente 60% du total nécessaire à l’obtention et qui cache, bien souvent, des lacunes intergalactiques;
    – épreuve d’Histoire des Arts, qui compte autant que celles de F/M/HG, et pour laquelle il suffit de recracher quelques banalités notées lors des multiples séances de prépa assurées par les profs ;
    – validations OBLIGATOIRES du B2I et du  » socle »: nous validons tout le monde, à l’exception des absentéistes et des paumés, de peur d’en voir certains redoubler et surtout pour que le Collège garde sa réputation;
    – ridicules épreuves de français et surtout d’ HG;
    – scandaleuses consignes lors des corrections;

    Dans l’ étang ancien, il fallait mouiller la chemise pour l’avoir, ce Brevet; aujourd’hui seuls les plus extrémistes des glandeurs subventionnés en sont privés.
    Le Brevet, comme le reste et à commencer par les « compétences » et le « socle », n’est que cautère sur une jambe de bois.

    • Je confirme pour les ridicules épreuves d’Histoire-Géographie. Enseignant d’icelles dans un collège de ZEP (pardon, on dit REP, même REP-Plus maintenant) j’ai trouvé les sujets de la session 2014 honteux, voir même insultant pour des élèves que l’on prend ouvertement pour des imbéciles avec des sujets aussi ridiculement faciles.

  3. Sisyphe, si j’avais vraiment parodié la vraie langue de Kevin, qui aurait compris ? Après tout, ce n’est pas à Kevin que je m’adresse — lui, i est déjà perdu.

  4. C’est tordant et dramatique à la fois … mais les enfants des « minisses » sont dans des écoles privées parisiennes généralement , où , entre gens de « bonne société » , on a encore gardé de bonnes habitudes. la « vivransamble » et la mixité sociale ce n’est pas pour les enfants de Najat et Boris !

  5. C’est très bien de tourner ces horreurs en dérision, cela défoule et on se livre à cet exercice depuis un bon bout de temps. Mais ça n’émeut pas les réformateurs. Ne faut-il pas passer maintenant à la contre-attaque, a la phase « argumentation », pour démolir leurs théories et proposer nos solutions?

    • Charlie Hebdo va voir du mal à faire l’impasse … eux qui voulaient tourner la page ! Mais Allah est si grand … qu’on le retrouve partout dès qu’il y a un mauvais coup à faire.

  6. Quand j’ai fait mon stage de CAPES en 1971 , on m’a dit qu’il ne fallait pas parler aux élèves de ce qu’ils ne connaissaient pas.
    J’ai aussitôt demandé ce qu’ils venaient faire , dans ces conditions, dans un établissement scolaire. Bizarrement je n’ai toujours pas reçu de réponse.

    Donc, rien de nouveau sous le soleil et ça ne nous rajeunit pas.

    • Non je ne crois pas. Nous ne pouvons pas nous contenter de critiquer tout ce qui se fait et de proposer à la place de vagues orientations. Il faut reconstruire le système dans sa totalité et dans ses détails. C’est un travail énorme car ça passe par la refonte de tout un corpus de lois et de décrets et nous n.avons pas trop de deux ans jusqu’à la présidentielle de 2017 pour le mener à bien. Encore faudrait-il commencer a s’y coller…

  7. Tout le monde sait qu’il
    n’y aura arithmétiquement pas de place sur le marché du travail pour ces collégiens .
    Il est donc rationnel de les éduquer pour la vie en relégation qui les attend . Ce n’est pas drôle pour les enseignants mais ce n’est pas pire que de fabriquer des diplômés qui ne trouveront certainement de travail, ce qui est le cas de beaucoup d’écoles .
    Au moins les minots marseillais ne seront ni des déclassés, ni des ratés , ils seront des inutiles – il y en a tant !

  8. Le socle commun est un certificat d’employabilite a bas cout, et pour ceux qui ne seront pas employes ou qui seront en éducation tout au Long de la vie, autre nom pour « changement autoritaire de poste de travail », il y aura toutes les activités pour occuper leur temps, apprises Grace a la réforme des rythmes scolaires. Désolé pour les fautes : c’est ma tablette!

  9. Le dégoulinement actif de l’enseignement en collège se heurte encore à quelques obstacles.

    Ainsi, les maths, encore considérées comme une discipline par quelques élitistes abstrus, doivent maintenant se fondre dans le pathos melliflu de l’animation indifférenciée.

    C’est une des tâches militantes des abbés de la progressive attitude qui n’hésitent pas à ressortir les causements moisis :

    http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/02/13022015Article635594112265436712.aspx

    Comme souvent, on peut sauter directement à la fin :

    « l’enseignant dispose tout de même d’une marge de manoeuvre pour manipuler l’habillage des exercices »

    Le gang du pseudo-réel va encore frapper : ce qui reste de mathématique dans l’enseignement doit être pris en gangue puis « soigné » par les naufrageurs même comme un vulgaire oiseau mazouté.

    Et, une fois l’oiseau lavé de toutes ses souillures, restera à lui apprendre à dire merci pour tout ce qu’on a fait pour lui.

  10. Faire de l’humour à propos de l’etat de l’ecole n’est pas suffisant : il faut proposer la reconstruction complète de l’edifice, pan par pan, et si possible une reconstruction crédible , sinon nos adversaires auront beau jeu de répliquer que la critique est aisée mais l’art est difficile et de nous qualifier d’archaiques qui vivent en dehors du réel. La sempiternelle incantation a l' »l’école républicaine » ne tient pas lieu de programme d’action.

  11. Conférence d’une agrégée normalienne, élevée dans le sérail – mais la syntaxe des banlieues c’est bien assez bon pour les autres hein ! rigoureusement authentique, hélas.
    Lors de son passage à Stockholm , XXX s’est attachée, entre autres, à faire découvrir aux Suédois le verlan, l’argot des banlieues, et une écriture phonétique nouvellement née en France : le texto.
    « XXX : Le langage parlé évolue vite, le verlan encore plus. Cet argot à la fois d’exclusion et de reconnaissance est là pour nous rappeler les clivages dans nos sociétés. Les clans qui le pratiquent le revendiquent comme un élément identitaire. La transgression rapide du vocabulaire est intéressante en soi. En verlan, la femme était la meuf qui maintenant est devenue la feum… de l’envers d’à l’envers… La phonétique diffère aussi pas mal. Comme en arabe, on a tendance à limiter la place des voyelles au profit des consonnes, de plus, on est en train de voir apparaître une accentuation qui se déplace sur l’avant-dernière syllabe des mots. C’est un phénomène que l’on retrouve dans le rap et dans le français des cités et qui a tendance à s’amplifier et qui existe dans de nombreuses langues européennes.
    Les jeunes du 93 (prononcez : neuf trois) comprennent les jeunes de Passy (qui causent comme à la télé), en revanche les jeunes de Passy ne vont pas saisir les jeunes du 93… Le veulent-ils d’ailleurs ?
    La banlieue a une distance par rapport à la langue. Il y a tout d’abord une différence homme-femme, les femmes parlent peu le verlan ou l’argot, uniquement parfois pour montrer qu’elles sont capables de le pratiquer, mais elles ne le font pas dans leurs foyers. Les jeunes peuvent aussi se moquer de leur propre langage. Ils sont plurilingues, mais ont du mal à se séparer complètement de l’argot, ce qui peut poser problème à l’école. Quoi que des étudiants de terminales en provenance des ZEP font des prépas Sciences Po (l’école a accepté un quota d’élèves des Zones d’Éducation Prioritaire). Il leur faut un peu de temps pour être au diapason linguistique d’un élève lambda de Sciences Po, mais ça fonctionne. Il y a donc un phénomène de pratique multilingue chez ces jeunes qui est à prendre en considération.
    Autre phénomène, celui du parler à la « Marie-Chantal » qui consiste à écraser les « a » en « o ». Curieusement ce sont les filles qui le pratiquent. Par surcroît, elles finissent leurs phrases en montant… les garçons, eux, tombent la voix en fin de phrase et coupent. Les femmes donnent le la, elles ont d’autres articulations des voyelles, d’autres intonations, une manière de copier le monde dans lequel elles veulent s’intégrer.
    Les jeunes parlent vite, c’est l’influence médiatique qui règle le débit. On a d’autant plus l’impression que l’expression orale est rapide qu’ils n’articulent pratiquement pas, ils avalent leurs mots… la troncation existe cependant dans d’autres milieux. La Suède n’échappe pas non plus à ce phénomène.
    Autre langage qui vise à supplanter actuellement toute autre forme de communication écrite chez les jeunes et certains moins jeunes aussi d’ailleurs : l’écriture phonétique, le SMS (Short Message Service) ou texto en français, une fonctionnalité des réseaux GMS. Ce raccourci phonétique alphanumérique qui n’existe que depuis cinq ans a révolutionné les échanges.
    160 caractères à disposition pour faire passer le message ! Il s’agit donc de concentrer un maximum et toutes les ressources de la phonétique sont les bienvenues. Les abréviations font l’impasse sur les pronoms relatifs et la grammaire en général ! Les consonnes sont hautement sollicitées, l’utilisation d’une alternance majuscule-minuscule est à noter, beaucoup de termes correspondent à l’affectif, enfin les phrases sont courtes et expriment des tas d’interrogations. Bref, un nouveau langage !
    Les profs sont sous le choc ! « Les élèves ne vont plus savoir l’orthographe », geignent-ils ! Des jeunes avouent qu’ils ont du mal à écrire en français « normal » après quelques heures sous texto ! Besoin de s’affoler ? Non, il n’y a pas lieu de le faire.
    Rappelons qu’il n’y avait pas de règles orthographiques jusqu’à la fin du 18e siècle en France. C’est un « sport » qui débute au début du 19e et que malheureusement Bernard Pivot a fixé une fois pour toute. Je n’ai rien contre Pivot, mais pendant qu’on fait de l’orthographe, on ne fait rien d’autre ! Car, keskicont ? EskeC la compréhension du message et keski l’empêche et keski l’empêche pas ?
    Dans le langage SMS les jeunes font une extraordinaire gymnastique pour que leur message abrégé soit quand même compréhensible. La même gymnastique que l’on a en arabe et en hébreu pour réconcilier les deux côtés de la frontière.
    La langue, c’est le moyen de communication. La langue moderne développe cette communication puisqu’on a créé des outils qui fascinent… Les jeunes ont trouvé un jeu passionnant…Tous les jeux de langues sont intéressants, que ce soit le scrabble ou le texto, du fait de l’agilité verbale, mais il ne faut pas se cantonner dans un ghetto verbal. À propos d’agilité, le pouce est une extrémité qui va tendre à se développer vu la dextérité des utilisateurs !
    La langue doit s’adapter aux réalités nouvelles, la langue d’hier ne les reflète pas forcément. Gary-Ajar, Boris Vian, Queneau et les autres ont inventé des mots nouveaux et contribué à des avancées littéraires que tout le monde nous envie ! La vie devant soi a plus fait pour le développement de la littérature française que les romans de d’Ormesson qui sont du français d’avant-hier, voire d’avant Thiers ? C’est peut être le texto d’après-demain qui fera apprécier les plaisirs minuscules la littérature… l’art littéraire ne doit pas se limiter à Neuilly-Auteuil-Passy…
    Oser créer des mots nouveaux, ne pas avoir peur d’employer des créations quand elles s’adaptent à une réalité nouvelle. Très souvent un mot est dit avant d’être écrit… « la France d’en bas », par exemple, restera longtemps… des expressions comme « avoir la haine », « il est trop » resteront… trop super génial, trop grave, etc., toutes ces expressions sont généralement bien récupérées par les jeunes… grave, par exemple, s’emploie couramment quelle que soit l’extraction sociale, l’altermondialisation, c’est du français qui se cause qui devient du français écrit…
    L’écriture texto va évoluer et je pense qu’à un moment on verra l’émergence d’une vraie grammaire. La grammaire du texto s’écrira entre « textistes », elle va se structurer, se simplifier et sera facile d’accès… la tendance étant quand même de se comprendre le mieux possible, il y aura donc de plus en plus un consensus sur les formes à utiliser. On constate cette tendance avec la parution d’un livre en langage SMS (le premier livre en langage SMS vient de paraître en France, il est consacré aux dangers du tabac et destiné aux 12-15 ans. Phil Marso, l’auteur de ce polar, « Pa sage a TaBa » reconnaît que cela risque d’agacer les défenseurs inconditionnels de la langue française. Il l’a écrit pour les jeunes qui, selon un sondage, rédigent 57 SMS en moyenne par mois), d’un dictionnaire, d’expressions consacrées… on recrée en fait des règles. L’usage va créer la règle, et on va s’étonner des déviants, tout le monde va suivre… comme on prononce tous de la même façon ! L’utilisation des consonnes va s’étendre ; énerver, ce sera NRV, point ! Comme c’est de l’affectif ça s’écrira en majuscules !
    La « norme » SMS est en passe de devenir le langage des « chats » Internet, c’est en fait grosso modo la même population qui l’utilise.
    L’Internet nous évite déjà les formules tarabiscotées de politesse… les règles de bienséance vont changer, les relations étant plus directes avec Internet, la langue suivra et on ne s’embarrassera plus de toutes nos règles de politesse, désuètes, il faut bien l’avouer !
    Est-ce trop réducteur ? Y aura-t-il une perte d’influence du français ?
    Tout ça dépend du pourquoi on apprend le français. Si on l’apprend pour faire partie d’une élite – c’était un des grands arguments de nos dirigeants – alors faisons confiance à l’Académie française, à l’association de Mme de Romilly et aux professeurs de français pour que le laxisme ne passe pas ! Nous avons une langue écrite qui n’est pas la langue parlée qui n’obéit pas aux même normes et à la même grammaire. Et quitte à passer pour une laxiste, je dis que si on sait les règles, on apprend des choses différentes… j’aime l’idée d’une nouvelle à l’intérieure de laquelle on aura une grammaire extrêmement élaborée, une langue particulièrement riche, mais où le mot qui convient apparaîtra au bon moment, en langage SMS par exemple, puisque cela correspond à une réalité.
    Ne soyons pas puriste, la langue française est suffisamment alambiquée comme cela, l’important c’est que le concept soit amené suffisamment bien de manière à ce qu’il soit accessible au plus grand nombre, sans être trahi…
    Le français dans 20 ans, plus abscons ou plus convivial ?
    Il y aura une louche de pidgin-english, un français plus riche qui aura emprunté à l’anglais et à l’espagnol, on aura commencé à emprunter au chinois, la colonie chinoise est internationale et s’étend… le français pourra servir de langue relais entre émigrés qui habitent le même pays…
    Intégrer des mots nouveaux en les empruntant à différentes cultures est un enrichissement de la langue. Que les Français apprennent ce que lagom veut dire et qu’ils l’intègrent !
    slt e A12C4 ! JPP 3

  12. La notation par compétences est encore souvent convertie en notes par des logiciels (, dont l’un, ridiculement nommé SACoche, propose les équivalences suivantes : « En voie d’acquisition », c’est 7/20, « Acquis », c’est 13/20, et ensuite, il y a « Expert » : 20/20.
    Précision, pertinence et lisibilité.

    A ce propos, rien à voir, mais j’entends dire que les ravages du pédagogisme se feraient ressentir aussi dans l’enseignement professionnel (et dans les métiers dits de la bouche, art qui me tient à coeur, et au premier chef – sans jeu de mot).
    Auriez vous des liens vers des articles consistants traitant de la question ? Merci par avance.

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