« J’appelle un chat un chat, et Rollet un fripon », dit très bien Boileau dans les Satires (Rollet était un procureur véreux — pléonasme, à l’époque). Mon ami Gérard Filoche (relativisons : il est mon ami parce que nous avons participé à la même manif le 21 juin 1973, et que nous avons partagé le même éditeur) suscite depuis hier un émoi général dans la classe politique (petite classe…), parce qu’il a salué d’un tweet ravageur et bien senti la mort de Christophe de Margerie la veille à Moscou, où il était allé faire des affaires avec Medvedev au nez et à la barbe des pseudo-sanctions prises contre le gouvernement russe — tout comme il avait apparemment contourné allègrement le processus pétrole contre nourriture en Irak dans les années 1990-2000. Valls — ami personnel de Margerie : dis-moi qui tu fréquentes… — s’indigne, une foultitude de députés lécheurs de Premier ministre demandent son exclusion des instances du PS, un Guerini (qui s’est exclu tout seul, mais qui n’avait pas été viré) ça va, mais un Filoche, c’est trop.
Et puis, dans les Gérard, au PS, ils ont déjà Collomb, qui comble leurs attentes de sociaux-libéraux. Ils n’ont pas besoin de Filoche.

Filoche est à peu près tout ce qui reste à gauche au PS. Sa carrière d’inspecteur du travail l’a conduit à fréquenter tout ce que le patronat comporte de cannibales : non que tous les patrons soient des vampires, mais certains ne se gênent pas pour manger la chair des fils après avoir sucé le sang des pères, comme dit Swift dans un pamphlet célèbre. Filoche, c’est l’énergumène éloquent ; il s’est rodé, depuis près de soixante ans qu’il milite, à tout ce que le PC, la LCR, et le PS pouvaient fournir d’occasions de s’emporter — et il a l’emportement facile, en bon descendant des Vikings qu’il est (il en a le physique de géant faussement débonnaire). Il a la colère a fleur de peau — il a fait chez Ruquier en mai dernier un grand numéro qui a laissé Natacha Polony, qui n’en pensait pas moins, visiblement enthousiaste — elle est gauchiste tout au fond d’elle, c’est bien connu. Même si elle lui a demandé, avec un certain bon sens, ce qu’un homme comme lui faisait encore dans ce parti de nouilles recuites.

« Les morts sont tous des braves types », chantait Brassens. Margerie décédé est donc un chic type, et Total, qui a fait des affaires avec les militaires birmans, et qui s’est délocalisé de façon à ne payer en France qu’une obole symbolique en guise d’impôts (en fait, c’est le fisc qui le paie) sur des bénéfices off-shore, est une grande compagnie à peine impitoyable. Et Margerie, qui a fait toute sa carrière chez ce philanthrope, est un chic type. Du coup, Filoche, après avoir été un détrousseur de CRS en d’autres temps, est un assommeur de braves gens, aux yeux des députés PS.
Quand je pense que dans un article récent, probablement écrit sous l’empire d’un scotch hors d’âge, Franz-Olivier Giesbert prétendait que le gouvernement actuel était du communisme mou ! Allons ! Valls aimerait bien être Tony Blair, et Hollande est un Sarkozy vaguement compassionnel. Quant aux députés qui font bloc derrière eux, ils votent un budget de crise dont le petit peuple (et dans le petit peuple il faut désormais inclure les classes moyennes paupérisées par une politique de restrictions systématiques — mais pas pour tout le monde) fera les frais. Filoche s’est tout récemment insurgé, dans Marianne, contre la politique familiale du gouvernement, qui a décidé que les allocs seraient dorénavant versées avec un élastique. Il a raison — nous avons comme seul avantage, face à une Allemagne vieillissante qui se prépare à payer les retraites de ses vieux en obligeant l’Europe à une politique monétaire qui favorise ses intérêts, d’avoir une natalité encore positive, mais avec le PS, nous serons bientôt plus âgés qu’au Japon.

Et plus pauvres…

Je ne partage pas forcément toutes les convictions de Filoche. Il s’en tape, d’ailleurs : il est une force qui va. À bientôt 70 ans, il est plus fougueux qu’à 20 ou 30 : les convictions conservent, les reniements abîment. L’espoir aussi — et Filoche, contre vents, marées et PS, espère toujours. Ma foi, sur ce point au moins, nous sommes deux.

Jean-Paul Brighelli

18 commentaires

  1. Merci !

    L’obscénité des louanges au moustachu carbonisé * tient autant de leur quasi unanimité que de leur lourde insistance.

    Le peuple ne venait pas chez lui par hasard mais par nécessité.

    * son bilan carbone a subi un ultime soubresaut

  2. « suceurs de sang », dit le syndicaliste viking.

    Chez les vikings norvégiens, les compagnies pétrolières sont propriété de l’Etat, comme Total avant 1993. Mais ils vendent le pétrole à peu près au même prix qu’en France.

    http://www.mytravelcost.com/Norway/gas-prices/

    Donc, le vrai problème, c’est que Total soit à présent privée…

    Etiez-vous allé manifester quand cela a été décidé, en 1993 ? Cela aurait été plus en rapport avec le sujet que la fameuse manifestation du 21 juin 1973, devant le meeting « contre l’immigration sauvage » d’ordre nouveau.

    L’avant dernier billet parlait d’ailleurs de chevaux de Troie, qui se présentent sous bien des formes. L’Europe, l’Europe, l’Europe et les privatisations en ont été une.

  3. Vous savez qu’il y a eu un tournant dans le quinquennat ! Après les affaires sont les affaires, la culture c’est mieux que l’agriculture !

    Donc voici la dernière déclaration présidentielle captée par nos micros indiscrets (rien à voir avec les bijoux indiscrets) :

    « C’est pas facile de se cultiver à soixante ans ! C’est difficile de lire les petites lettres des programmes de théâtre ! C’est pas facile d’aller au bois de Boulogne inaugurer des musées sans y croiser des putes ! »

  4. Notre seul avantage serait notre démographie ? C’est à dire notre politique d’immigration massive, puisque la sur-natalité découle presque exclusivement de la.

    Il faut le lire dire vite, parce que nous avons fait le choix d’une immigration de bouche, qui vient pour les avantages sociaux, et qui augmente très sensiblement l’illettrisme, l’insécurité, la pauvreté !
    C’est d’ailleurs pour eux qu’on a introduit la méthode globale à la base avec le succès que l’on connaît. C’est aussi pour leur donner des chances que le gouvernement actuel détruit méthodiquement tout ce qui fait la méritocratie.

    Ça fait cher payé la peur du soit disant déclin démographique (à l’heure ou l’on est 7 milliard et ou on s’approche dangereusement du seuil de surpopulation), d’autant qu’un immigré coûte plus cher à l’état qu’il ne rapporte (chiffre OCDE plus que conservateurs).

  5. Encore une pipe qui vire au bal tragique :

    L’homme d’affaires franco-israélien a mis fin à ses jours à l’âge de 48 ans. Il laisse derrière lui une carrière à succès dans l
    Thierry Leyne a mis fin à ses jours jeudi à Tel Aviv. L’homme d’affaires franco-israélien se serait défenestré en se jetant de l’une des plus hautes tours de la ville, d’après des proches. Il était le principal partenaire d’affaires de Dominique Strauss-Khan avec qui il a fondé LSK and Partners.

  6. Big moustache avait une rémunération globale de 5,3 millions d’euros.

    C’est le Bossuet du Panégyrique de saint Bernard de Clairvaux que l’on entendra aujourd’hui pour notre part : «Cette heure fatale viendra, qui tranchera toutes les espérances trompeuses par une irrévocable sentence ; la vie nous manquera, comme un faux ami, au milieu de nos entreprises. Là tous nos beaux desseins tomberont par terre ; là s’évanouiront toutes nos pensées. Les riches de la terre, qui, durant cette vie, jouissent de la tromperie d’un songe agréable, et s’imaginent avoir de grands biens, s’éveillant tout a coup dans ce grand jour de l’éternité, seront tout étonnés de se trouver les mains vides…»

  7. Vous connaissez le mot de Louis XIV au maréchal de La Feuillade après une bataille perdue ? « On n’est pas heureux à notre âge, Monsieur le Maréchal ! « 

  8. Un « haut » cadre de Glouglou saute du haut de la stratosphère.

    Il démontre ainsi avec éclat la ringardise d’un Marjorie qui n’a été capable que d’un looping rasant en Falcon.

  9. Bayrou pense que le président doit dissoudre l’Assemblée nationale ; ce n’est pas l’Assemblée nationale qu’il faut dissoudre c’est le corps politique tout entier ! La preuve par le Carrez magique …

    P.S Moi aussi je sais faire des jeux de mots !

  10. Maxence Buttey jeune du FN se convertit à l’Islam et s’en vante naïvement comme tout nouveau prosélyte !

    En somme il a renoncé par deux fois à son libre-arbitre ; une première fois en entrant dans un parti politique et une deuxième en attrapant au vol la première religion qui passait ; double suicide intellectuel de ce qui lui restait de raison après être passé par l’éducation nationale.

  11. Sur Boulevard Voltaire ils veulent fonder le Mouvement Réactionnaire Voltairien ! Nous n’avons pas dû lire le même Voltaire eux et moi …. le cercle des voltairiens disparus je veux bien y adhérer par contre !

  12. J.J Rousseau est certainement beaucoup plus réactionnaire avec sa nostalgie des paradis perdus de l’enfance et de la campagne opposée à la ville !

    La confusion intellectuelle bat son plein !

    Rousseau condamnait le théâtre lieu de perdition et de représentation des vices alors que Voltaire exaltait les arts d’agrément et jouait lui-même sur les planches du théâtre qu’il avait fait élever à Ferney Voltaire !

    Quant à la scatologie dont les réac’ style Boulevard Voltaire se plaignent depuis l’affaire du plug anal de la place Vendôme, je ne saurais dire qui de Rousseau de Mozart ou de Voltaire est le plus pipi-caca !

    En plus comme ce sont des crétins ignorants des lettres et de l’histoire de France, ils ne savent pas que le maréchal de Vendôme était une tarlouze qui était aussi scatologue à donf !

    Putain ! quand je vois ces mal-emmanchés du Blvd Voltaire on se dit qu’on est bien mal parti pour restaurer la grandeur de la France avec ces bandes de pauv’types ennuques plus que de raison …

  13. La ministre de la culture avoue « qu’elle n’a pas le temps de lire depuis deux ans »… Alors, elle a mangé avec Modiano et elle n’a pas lu un seul roman de Modiano. Ils ont parlé de quoi ? Du plug de la Place Vendôme ?

    On a donc une ministre de la culture qui ne lit pas, mais qui « travaille ».

    On avait aussi un vieux roublard qui a rendu son billet dans un aéroport poutinien. Admiration, encensoirs, concert de louanges…

    Avant, on disait « chef d’Entreprise », maintenant on dit : « chevalier d’industrie » (oxymore). Savent même plus que c’est péjoratif, n’ont pas lu Thomas Mann, n’ont rien lu. « Chevalier », ça eut payé, mais ça paye plus. Un modèle, c’est pas Marjorie, c’est un héros ou un saint. C’est Camus, c’est Lincoln, c’est Gandhi, c’est Jean Moulin.

    On a aussi des députés qui ne correspondent plus au pays réel, mais qui vont au râtelier. On appelle ça la « démocratie ». Avant, on aurait dissous, mais la situation est tellement pourrie que personne ne veut cohabiter. Même Marine Le Pen n’en parle plus.

    Jusqu’à Mendès, quand on disait « socialiste », ça voulait encore dire quelque chose. La nation aussi, le « seul bien des pauvres » (Jaurès). Les paysans qui crèvent. Plus d’industrie. Le pays vendu à l’étranger. Aux Américains, aux Allemands… Plus de frontières, plus de monnaie. On disait « nihilisme », suicide collectif… on dit maintenant « modernité », « « libéralisme », « flux financiers « , ça fait plus chic. On crève quand même, mais instruit.

    Marre de ce qu’est devenu ce pays. Si ça se trouve, elle n’a pas lu Malraux non plus, la ministre, elle ne sait pas qu’il l’a précédée. Elle ne sait rien. Degré zéro. Mort clinique. Fin de partie. Rideau !

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