C’était mardi dernier, chez la Mère Buonavista, l’une des meilleures pizzerias de Marseille — à Castellane. Je devisais avec Françoise Guichard, collègue chère et présidente de Reconstruire l’école — un slogan que nous partageons tous, sauf avec les gens du PS qui se le sont annexés afin de ne pas le mettre en pratique. Après avoir discuté avec l’un des serveurs des mérites de la charcuterie de montagne qu’il achetait à la Porta d’Ampugnani, nous devisâmes donc, au-dessus d’une « royale » de bonne tenue, du Salon de la femme musulmane qui venait de se tenir à Pontoise, et dont une conseillère municipale PS, Céline Pina, a dit tout le bien qu’elle en pensait. « Imaginez donc, me dit Françoise G***, ce que la presse du Camp du Bien (le Monde, Libé, Médiapart et j’en passe) aurait dit s’il s’était tenu un Salon de la femme catholique ! Les sarcasmes, les photos malveillantes de premières communiantes perpétuelles, les plaisanteries légèrement pesantes sur le look « Manif pour tous », et j’en passe… »
– Ecrivez-le, dis-je. Je le passerai sur Bonnet d’Âne.
Et donc…

 

Le week-end dernier se tenait au parc des expositions de Sainte-Mère de Mère le Salon de la femme catholique. Son slogan, « mettre la femme à l’honneur », belle intention. Notre reporter, animé d’un noble zèle, s’est donc rendu sur place pour y jeter un coup d’œil.
Dans le public, des cathos apparemment « normaux », je veux dire : ni Christine Boutin ni l’abbé Pierre. Le dress-code, si l’on excepte le perfecto du Père Gilbert, n’est pas exactement rock and roll, juste clean sans ostentation, et l’on observe même de jolies jeunes filles élégamment minijupées au rouge à lèvres appétissant, plusieurs charismatiques à l’air babacool égarées sous leur grand poncho et quelques bonnes sœurs en croquenots.
La journée débute avec le show culinaire de Mary Alacock, animatrice du blog « Cuisine catholique », qui réalise en direct et sous les applaudissements sa célèbre recette du « Blueberry Pie for the Most Holy Name of the Blessed Virgin Mary ».
Chez les exposants, aucun signe ostentatoire d’intégrisme. De banals stands de parfums (encens religieux, parfums d’ambiance du sanctuaire de Lisieux…), d’artisanat monastique, (on recommandera les madeleines pur beurre venues encore toutes tièdes du Carmel de Luçon) ou de vêtements : comment assortir gants et serre-tête, jupe-culotte ou portefeuille, au-dessus ou au-dessous du genou, mi-bas ou chaussettes, mocassins, bottillons ou richelieus, confectionnez vous-même votre chapelet – telles sont les tendances en cette rentrée.
Retenons enfin, entre plusieurs conférences d’un intérêt inégal : « Ne plus se reproduire comme des lapins », « Divorcé-e-s : répulsion ou communion », « Banc d’essai des mouvements de scoutisme », « Marthe et Marie, doit-on choisir ? », « Mon chien ira-t-il au Paradis ? », « Chanter juste depuis Vatican II, le défi », et « Comment pécher sans concevoir », par Sœur Pélagie de la Charrette, spécialiste de la méthode Ogino.
Le week-end dernier se tenait au parc des expositions de Dieulefion sur Lignit le Salon de la femme protestante. Son slogan, « mettre la femme à l’honneur », très belle intention. Notre reporter, un peu las mais toujours animé d’un noble zèle, s’est donc rendu en pays parpaillot pour y jeter un coup d’œil.
Les plus matinaux ont pu commencer par un temps de recueillement dans la tente des communautés, où quelques pasteurs dynamiques organisaient un culte d’accueil. Puis plusieurs études bibliques étaient proposées avant que ne commencent les conférences proprement dites. Dans le public, des protestants apparemment « normaux », entre Lionel Jospin et ministre anglican. Le dress-code n’est pas exactement rock and roll – il n’est pas exactement quoi que ce soit, d’ailleurs, mais se caractérise, à quelques exceptions près, par une simplicité confinant parfois à l’absence de look.
La journée se poursuit avec le show culinaire d’Abigaël Durand, animatrice du blog « Cuisine protestante », qui réalise en direct et sous les applaudissements sa célèbre recette de « soupe de lentilles à la mode de Rachel ».
Chez les exposants, aucun signe ostentatoire d’intégrisme. Peu de place pour les marchands du temple, on s’en doute, à l’exception notable de plusieurs viticulteurs d’Ardèche et de Drôme aux trognes généreuses (dégustation à volonté), et quelques stands à usage pratique : « Comment ne pas décorer votre temple », « Le repas de paroisse, quinze erreurs à éviter », «Louons le Seigneur sans claquer des mains à contretemps », « Banc d’essai des associations de scoutisme », « Confectionner soi-même une croix huguenote », « Cuisiner le picodon ».
Retenons enfin, entre plusieurs conférences d’un intérêt inégal : « Le Saint-Esprit c’est simple », par le Pasteur Vedel-Azaïs (dont on rappellera à ce sujet l’indispensable « Que sais-je » en onze volumes, malheureusement épuisé – le Que-sais-je, pas le Pasteur), « Pasteure, pastourelle ou pasteur, la femme est-elle l’avenir du protestantisme ? », « Ecole du dimanche, Le catéchumène ou le Saint-Esprit au centre du projet ? », « Faut-il bénir un mariage gay ? », sans oublier « Chantons juste lors des fêtes œcuméniques, ou : laissons détoner les cathos ».
Le week-end dernier se tenait au parc des expositions d’Anserelles le Salon de la femme juive. Son slogan, « mettre la femme à l’honneur », très très belle intention. Notre reporter, de plus en plus fatigué (les vins de la Drôme sont traîtres) mais toujours animé d’un noble zèle, s’est donc rendu sur site pour y jeter un coup d’œil.
Les plus matinaux avaient pu commencer, après la prière du matin, par une séance de réveil musculaire animée par de charmantes et dynamiques spécialistes du Krav-maga et de l’Abir – puis plusieurs études sur la Torah étaient proposées avant que ne débutent les conférences proprement dites.
Dans le public, des juifs apparemment « normaux » : quelques Loubavitch ou « La Vérité si je mens », certes, des perruques un peu, des chapeaux aussi, du blingbling parfois. Le dress-code n’est pas exactement rock and roll, et si l’on observe bien quelques gourmettes dorées et des magen David de 5 centimètres de hauteur, le look se caractérise globalement par un sympathique et pagailleux mélange des modes et des registres.
La journée se poursuit avec le show culinaire de Belinda Koplan, célèbre animatrice du blog « Cuisine juive », qui réalise en direct et sous les applaudissements sa célèbre recette du « pain aux œufs et raisins secs », suivi d’un débat passionné sur l’utilité et la taille des raisins dans la préparation.
Chez les exposants, aucun signe ostentatoire d’intégrisme. De banals stands d’épices, de conserves et de vins kasher, de fleur d’oranger, de sirop d’orgeat et de boukha. Les sandwiches au thon sont dévalisés.
Retenons enfin plusieurs conférences d’un intérêt théorique et pratique inégal : « Entretenez le Shtraïmel de votre époux », « Les matriarches dans la Bible », « La cuisine juive au régime minceur », « Les boulettes, avec ou sans cumin ?», « Mon fils, comment couper le cordon », « Sexualité et plaisir dans le judaïsme », « Quelle contraception selon le Talmud », « Raoul Journo, sa vie, son œuvre », sans oublier « Banc d’essai des psychanalystes » et « Pas de carottes dans les légumes du couscous ».
Le week-end dernier se tenait au parc des expositions de Pontoise le Salon musulman du Val d’Oise. Son slogan, « mettre la femme à l’honneur », très très très belle intention. Notre reporter, animé d’un noble zèle bien qu’extrêmement las (le vin kasher, c’est du brutal), s’est donc rendu sur place pour y jeter un coup d’œil.
Dans le public, des musulmans apparemment « normaux » : pas de burqa à la talibane, et même deux ou trois chevelures au vent. Le dress-code masculin est plus strict : crâne rasé, barbe et biceps. Chez les exposants, aucun signe ostentatoire d’intégrisme. De banals stands de parfums, de « bonbons sans gélatine animale » ou de vêtements : comment choisir sa djellaba, ce qui manque un peu de variété en attendant le défilé de mode traditionnelle musulmane, où les hidjabistas vont trouver de quoi concilier chic et pudeur : car « dans l’islam, la femme est un diamant ».
La journée a bien débuté avec le cooking-show de Madame Choumicha, célèbre animatrice de la télévision marocaine (cheveux découverts, sourire éclatant et look moderne), qui a réalisé, en direct et sous les applaudissements, ses recettes préférées, avant de se poursuivre par toute une série de conférences et communications, dont «Les solutions pour un couple harmonieux », par Rachid Habou Houdeyfa, imam controversé de la mosquée de Brest, « La valorisation de la femme en islam » ( causerie interrompue par l’irruption non moins controversée des Femen au moment où l’on glosait sur l’utilité de battre son épouse ), « La femme, éducatrice au grand mérite », et « L’éducation des enfants, entre théorie et réalité ». Que les orateurs aient été en général des hommes ne doit bien entendu pas être sur-interprété. Un hasard, voilà tout.
Si l’on peut regretter l’absence de la musique et des arts en général, le coin « livres » propose plusieurs ouvrages sur la sexualité en islam, avec plein de conseils pratiques sur les positions sexuelles, (pas très kamasutresques au demeurant… ô belle Schéhérazade, qu’en aurais-tu pensé ?), et le best-seller du salon, Le Vrai visage de Muhammad, de Noureddine Aoussat, sapé marketing-costume-cravate qui, tout en citant Voltaire et prônant le dialogue et l’ouverture, sans approuver les attentats, renvoie de fait dos à dos dessinateurs de Charlie et terroristes djihadistes.

Françoise Guichard

Dernière minute et là on ne rit plus :
Céline Pina, conseillère régionale PS d’Ile de France dont nous évoquions plus haut l’adhésion hésitante à cette dernière manifestation pas du tout communautariste ni intégriste, est menacée d’exclusion du parti par le premier fédéral du Val d’Oise, Rachid Temal, pour avoir protesté contre la tenue d’un de ces quatre salons. Cela permettrait sans doute au parti de François Hollande, selon le plan ourdi si intelligemment par Terra Nova, d’accroître son audience auprès de la « communauté » musulmane, et de compenser ainsi la désaffection des profs, des policiers, des notaires, des commerçants, des paysans, des classes moyennes, des ex-ouvriers (ex, car l’industrie française a définitivement été bradée à des dépeceurs) et des Petites Sœurs des Pauvres débordées par l’explosion du nombre de pauvres.

Jean-Paul Brighelli

14 commentaires

  1. Au nom des Animistes Ruraux, je tiens à protester contre cet article partial qui fait la part belle à des croyances monothéistes, moyenâgeuses.

    Les seuls salons que nous fréquentons sont les foires aux vins et aux cochonnailles.

    Bon, c’est pas le tout mais il faut que j’aille faire un salut au Soleil pour qu’il contribue à faire sortir les morilles auxquelles nous vouons un culte local aussi printanier qu’éphémère.

  2. Bien vu!
    Le bruit de ventilateur que nous entendons constamment ne vient pas de bourdonnements d’oreille, ce n’est pas davantage le bruit de fond à prétentions musicales si cher aux restaurateurs et aux autobus, ce ne sont que les partisans défunts de la laïcité (à moins que ce ne soient les partisans de la laïcité défunte) qui se retournent dans leur tombe.

    • Certains salonnards préfèreront les bourgeoises polythéistes qui procèdent par sauts et gambades entre les modèles de l’iceberg à motte et du lape sans son bichon

  3. Au fait : quand on dit le salon de l’automobile, cela signifie qu’on y voit les derniers modèles d’auto qui seront mis en vente sur le marché; le salon des arts ménagers, on y voit le super-mixer , l’aspirateur plus puissant que le fisc et la machine à laver de vos rêves (j’avoue personnellement ne jamais rêver de machines à laver)….
    Alors le salon de la femme musulmane me laisse perplexe, ou alors il faut se souvenir de ce dessin de Bellus montrant son personnage habituel de brave bourgeois dodu en visite précisément au salon des arts ménagers et répondant à une démonstratrice: « Votre robot lave, repasse, cuit…mais pourquoi l’achèterai-je? ma femme fait tout ça très bien! »

  4. Chanter juste depuis Vatican II, en effet, c’est un défi de tous les jours (du Seigneur), vous pouvez le croire !
    On aurait pu ajouter : et en mesure…

  5. Salon de la femme protestante, salon de la femme catholique, salon de la femme juive, salon de la femme musulmane, ça fait quand même beaucoup de salons où l’on cause et pendant ce temps-là, le boulot à la maison ne se fait pas. Je propose de découper les femmes en trois morceaux égaux: un morceau à la cuisine, un morceau à la buanderie et un autre dans la chambre à coucher et pour celles qui feraient mine de protester, j’envisage une découpe au niveau du cou.

  6. Tristan, ce fut imaginé il y a longtemps par Marcel Aymé dans une nouvelle intitulée Les Sabines.
    L’héroïne s’aperçoit un jour qu’elle est douée d’ubiquité, et le premier usage qu’elle en fait, c’est de se multiplier pour faire le ménage un peu partout en même temps…
    Plus tard elle aura l’idée de prendre un amant tout en étant avec son mari — puis 56 000 amants : l’appétit vient en mangeant.

    • C’est la chanson d’une mal-aymée : 56000 amants et seulement 11000 verges, il y a comme du gâchis, non ?

      Heureusement qu’elle opère en simultané. Aujourd’hui, on la qualifierait de massivement parallèle mais ça manque de poésie.

    • Oui, paix aux femmes, les pauvres! Mais malgré toute leur bonne volonté, et je le dis (presque) sans commisération, il faut qu’une force venue de très haut les sauve de leur versatilité comme l’héroïne de Sabines de JPB.

  7. « Une gardienne de zoo a été tuée par un tigre en Nouvelle-Zélande. La victime travaillait ce matin dans le zoo de Hamilton, à 520 kilomètres au nord de Wellington, dans l’Ile du Nord, lorsque le félin l’a attaquée. »
    Il y a plus de tigres que l’on ne croit …

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