Les Grecs viennent de réinventer la démocratie, et ce n’est pas rien.
Et cette fois, il s’agit bien d’une volonté populaire, excédée de voir la « troïka » gouverner chez eux, et les banques allemandes (pour l’essentiel) se faire du gras sur le dos du peuple le plus maigre d’Europe.
Reste à voir, si ce sera suffisant pour impulser en Europe une théorie des dominos — l’Espagne de Podemos d’abord, peut-être, puis de proche en proche… Et ce n’est pas une question de Gauche / Droite, mais de souveraineté ou de servitude volontaire.
Quelques eurocrates doivent concocter déjà dans les laboratoires bruxellois leur riposte (David Cameron a réagi avec l’honnêteté du laquais de banquier qu’il est, pendant que Hollande, qui ne l’est pas moins, s’emberlificotait dans des circonvolutions linguistiques). La dette grecque a été cadenassée — au moment même où la BCE efface allègrement, d’un trait de plume, ce qu’elle veut bien effacer, peut-être par peur d’une contagion. Il y aura dans les jours à venir un poker menteur intéressant. Alexis Tsipras n’a pas d’autre carte en main que le chantage à la contagion, et le passage de l’Espagne à gauche — une vraie gauche qui ne contorsionne pas du croupion en tentant de battre le record du monde de reptation — serait une nouvelle autrement lourde pour les affameurs des peuples.
Après tout, l’Europe l’a cherché. Quelque part derrière la bureaucratie bruxelloise, qui ces temps-ci se définit d’ailleurs à Berlin, l’idée de souveraineté continuait à vivre. C’est cette idée que Tsipras peut mettre sur la table : vous me renégociez ma dette — vous avez suffisamment engrangé de bénéfices indus —, ou le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes gagnera tous les pays en crise du continent. Ah, cela fâche la City et la Bundesbank ? Eh bien je m’assois dessus.

Et ce ne fut pas simple. Les journaux européens, dans leur ensemble, ont tiré à boulets rouges depuis trois mois sur l’hypothèse d’une victoire de Syriza. Le journal officiel français, je veux dire le Monde, a multiplié les articles pour expliquer qu’un « mauvais vote » grec était porteur d’apocalypse. On aurait cru entendre Harpagon se plaindre de la disparition prochaine de sa cassette. Les journaux grecs, tous entre les mains de ce que l’on appelle là-bas les oligarques, avaient systématiquement sous-estimé dans des sondages bidon le pourcentage de Grecs susceptibles de se lancer dans l’aventure. Mais bon, ce peuple a vaincu les Perses, et Darius ou Xerxès étaient autrement coton qu’Angela Merkel. Tsipras vient de remporter une seconde fois Salamine.
Je ne peux m’empêcher de penser (Thucydide, sors de ce corps !) qu’il y a là un énième combat entre les Lumières et les Barbares. D’un côté le peuple le plus rhétoricien d’Europe. De l’autre, des gens qui parlent chiffres.
Et seules les putes sont séduites par les économistes ; aux autres, il faut des amateurs de beau langage.
Ce ne serait pas mal que dans des temps prochains, l’Europe entière se remette à parler grec — ou, si l’on préfère, que chacun recommence à parler sa langue.

PS. Le regretté Charb avait exprimé for éloquemment les bonnes manières de la « troïka » envers les Grecs. Je lui laisse donc la parole, pour finir.

54 commentaires

  1. « Le peuple le plus rhétoricien d’Europe », vous plaisantez. Ce peuple abruti par des siècles d’oppression turque, des dictatures et une église orthodoxe particulièrement rétrograde n’a pas plus à voir avec celui de l’Athènes antique que les masses arabes fanatisées avec la civilisation des Abbassides. Il est largement responsable de la situation où l’ont mené le gaspillage et la fraude.

    • Que les Grecs aient une administration corrompue, c’est un fait connu (et que les Grecs eux-mêmes déplorent).

      On peut montrer du doigt, sans risque de se tromper, bien d’autres problèmes dans une perspective d’intégration / concurrence européenne (Etat peu moderne, notamment). On peut aussi ajouter qu’ils ont vécu à crédit, au-dessus de leurs moyens (tiens, au fait, depuis quand la France vit-elle au niveau de ses moyens ?)

      Ceci dit, le problème actuel c’est l’aggravation dramatique de la dette par les bons docteurs Diaforus accourus au secours ( ?) d’Athènes (et surtout du rapport dette/PIB, c’est-à-dire la capacité de la Grèce à faire face à ses « engagements », corolaire de l’effondrement dudit PIB).

      On appelle le médecin pour une angine, on y laisse deux jambes.

      En pratique, la Grèce a été réorganisée en protectorat et son Etat mis au service, non plus du peuple, mais des créanciers (créanciers dont ils convient de rappeler qu’ils ont préféré punir le peuple grec – arriéré, certainement – que les banquiers financeurs des dérives qu’ils pouvaient difficilement ignorer, comme au moment de l’entrée du pays dans l’euro, d’ailleurs).

      Le tout – bien entendu ! – sans traiter les problèmes de fond (corruption notamment).

      En définitive, les Grecs ont su dire « stop ». Pas mal pour un peuple abruti par des siècles d’oppression.

      Cordialement,

      E.P.

      PS : je me réjouis – autant que je m’étonne – de la réaction d’un certain Nicolas S. indiquant qu’il fallait « tenir compte du résultat des élections » grecques, parce que « c’est la démocratie » (sic.)

      Ainsi font, font, font les petites marionnettes…

  2. Une semaine qui commence bien, effectivement.

    Le dilemme de nos maîtres est le suivant :

    – Saboter les démarches de la Grèce/Syriza/Tsipras et signer l’explosion de l’euro (et accessoirement ouvrir une porte sur inconnu pour le moins inquiétant, en Grèce comme ailleurs) ;

    – Accompagner le changement et démontrer l’inanité (et le mot est faible) des mesures prises jusqu’à ce jour.

    Mon Dieu, comme il m’est doux de ne pas être bankster.

    Cordialement,

    E.P.

    PS : à lire sur notre « problème allemand » http://www.marianne.net/emmanuel-todd-europe-n-est-plus-monde-democatie-liberale-egalitaire-230115.html-0

  3. Charlie Hebdo de la bonne époque devrait nous montrer Mahomet en train de prendre en levrette Christine Lagarde et s’écriant : Qu’est-ce que je disais ? Les femmes devant, les hommes derrière !

  4. Rien à voir avec la présente note mais ça fait du bien quand même :

    http://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20150123.OBS0668/c-est-a-l-islam-de-s-adapter-a-l-europe.html

    « Dès l’instant où l’islam devient politique, il devient hégémonique, ne souffrant aucune critique, puisque toute critique devient blasphème. Dès l’instant où la religion sort de la sphère privée pour régir la sphère publique, elle devient une idéologie totalitaire »

    L’essentiel est dit

    • « Toute sa vie, Abdelwahab Meddeb nous a rappelé que pour contrer l’islamisme sur son sol, l’Europe devait reconnaître son héritage arabo-musulman »

      ça fait penser au rapport Tuot, de sinistre mémoire, sur la « reconnaissance de la dimension arabe de la France ».

      et de toute façon, la thèse est contestable :
      – l’héritage arabo-musulman est plutôt maigrichon, surtout si on retire les contributions des chrétiens syriaques, juifs d’orient, perses.
      – les Japonais ont beau avoir un riche héritage culturel chinois, ils ne veulent pas les installer en masse chez eux. D’ailleurs, ça se passerait sans doute mal.

  5. Mais il ne devient pas politique. Il l’est, ne laissant aucune place à un espace profane.

    • Sauf chez des Abdelwahab Meddeb pour qui il était aussi culturel.

      Mais là, évidemment, on est très loin du bedouinisme basique stupide (appelé aussi bédouinisme Plenel)

  6. Franchement Houellebecq est ridicule avec son président Mohammed Ben Abbes alors que tout le monde sait que c’est le grand – et miséricordieux – Al Mansour Hollande qui fut réélu triomphalement pour la 3ème fois en 2022 !

  7. On a pourtant élu un boute-en-train à l’Elysée ! Nos musulmans d’amour manqueraient-ils d’humour ?
    Mêm qu’on a failli avoir Sardanapale avec DSK … on a eu juste Charlot Hebdo !

  8. Boute-en-train ?

    Pauvre (ou heureuse) Julie Gayet !

    Et pauvres de nous qui nous faisons empapaouter par El Poussah.

    El Poussah is no good !

    • En ce cas qui est l’étalon si l’on veut bien se rappeler que le boute en train ne fait que préparer le terrain ?

    • Merci, JPB. J’avais déjà lu avec colère ce document qui vient trop tard : était-il nécessaire « d’attendre pour voir » ?

      En vérité, je vous le dis : la plupart des khollègues s’accommodent très bien de la bouillie pour chat qu’ils véhiculent à pleins tombereaux et l’introspection générale de physique est une des plus gangrénée (c’est elle qui a pratiqué la castration). Ne parlons pas des ipéaires, ma tension monte dangereusement…

      Quant au niveau des ingé franco-français, « on » considère que c’est plutôt une chance :
      http://www.efrei.fr/classe-prepa-efrei-en-chine-et-au-maroc

  9. Mignonne, Dugong, votre blague sur l’Otan. J’adore. Mais il est vrai que je suis toujours très bon public dès qu’il y a un jeu de mot…
    A quand une explication de texte de Brighelli sur ses nouveaux choix politiques ?

  10. https://www.sfpnet.fr/uploads/tinymce/ResultatsenqueteSFPprogrammelycee-1.pdf

    Merci du lien, je vais l’adresser aux collègues de Phy.
    Un bon coup de projecteur sur la fosse d’aisance dans laquelle se vautrent les enseignants de sciences en Collège et Lycée.
    Ceci vaut, bien sûr, pour les Sc Nat’…
    Je suis rassuré: l’étude ( peu extensive au vu du nombre de réponse, admettons-le) montre ce que j’ai ( et d’autres) toujours dit: la phy, c’est des maths et les Sc nat c’est de la phy/bioch….
    Mais, braves gens, dormez du sommeil du fruste: on con-solide le socle, à grands coups de piliers compétents, enfoncés dans la glaise putride de l’ignorance de vos descendants.

    • A propos d’ignorance de nos « descendants », voici ce qu’on peut lire sur un

      « Je suis aussi une toute jeune prof de seulement 1.5 de service et Shocked lorsque j’ai vu le niveau des élèves! Ils ne savent pas lire correctement un énoncé, ne savent pas utiliser les outils mathématiques et nous on doit se débrouiller avec tout ça! Mais heuuu nous n’avons pas de baguette magique à notre portée?!
      Lorsque je vois qu’il faut évaluer les compétences et qu’ils ne savent pas faire une phrase correct, ne savent pas faire des conversions alors que c’est important je dirais même fondamentale, ça me fait peur….
      Je me demande déjà si je vais rester dans le métier quand je vois le désastre! »

      Une khollègue ? C’est bien possible.

      Les élèves ont des problèmes de conversion et les jeunes « khollègues » des problèmes de reconversion.

      • On passera sur l’orthographe de la « jeune prof » et on ajoutera que les outils mathématiques se résument à la célèbre « règle de trois », dont la maîtrise assura aux Achéens la victoire lors de la guerre du même nom.
        Je me vois souvent obligé de rappeler aux chers z’apprenants que ladite règle et son « produit en croix » s’appellent « multiplication » ou « division », selon le cas, lorsque l’une des données est l’unité. Parce qu’au fond, conditionnés à suivre des recettes, ils ne connaissent même pas la signification de ces deux opérations arithmétiques. Et, plus profondément encore, on a ancré dans leur âme la terreur des nombres négatifs.

  11. Le nouvel hymne grec :

    Seigneur! Tu as mis au monde
    beaucoup beaucoup trop de pauvres gens
    mais s´il n´y a pas de honte à être pauvre
    il n´y a pas de quoi en être fier non plus
    Quel mal y aurait-il
    si javais une petite petite fortune

    Ah si j´étais riche
    diguedadedadedadedadedadedadedaaaah!
    ah si j´étais
    diguediguedich daydedaydedaydemoi! eh!
    adieu la charrette
    diguedadedadedadedadedadedadedaaaah!
    tous les jours j´ai
    diguediguedich daydedaydedaydedaydemoi.

    Je bâtirais un vrai palais
    montant jusqu´au ciel
    sur la place du marché
    des murs plantés bien droit
    sous un toit doré
    un escalier de marbre
    un autre tout en bois
    l´un pour entrer l´autre pour sortir
    et encore un troisième pour la joie

    et plein d´autres cours du soir?
    des coqs et des poules
    toute la ville m´envierait
    car ça piaillerait
    ça caquetterait
    et chaque coicoicoicoi(bruit de poule) rororo(bruit de cochon)
    sonnerait comme un vrai clairon
    regardez tous admirez ma maison

    Ah si j´étais riche
    diguedadedadedadedadedadedadedaaaah!
    ah si j´étais
    diguediguedich daydedaydedaydemoi! eh!
    adieu la charrette
    diguedadedadedadedadedadedadedaaaah!
    tous les jours j´ai
    diguediguedich daydedaydedaydedaydemoi.

    je vois ici ma gironde belle comme une bourgeoise
    avec un double menton
    nous faisons manger tout ce qui lui plait
    je la vois se pavanant avec sa robe a traine
    au mon Dieu! quel dignité!
    même quand elle dispute les valets

    Les plus grands bonnets de la ville
    me fera découverte
    ils me demanderaient conseil
    comme un Salomon sage
    s´il vous plait rabi tavié
    excusez rabi tavié
    milles problème à coller
    le grand rabbin boï boï…

    que je dise blanc
    que je dise noir
    il faudra bien me croire
    quand tu es riche
    tu as toujours raison

    si j´étais riche
    j´aurais enfin
    tout le temps d´aller
    prier à la sinagogue
    assis au 1er rang
    je verrais bien
    et je discuterais
    la loi avec les anciens
    au moins 7 heures par jour
    dans la reflexion et dans la mort

    Ah si j´étais riche
    diguedadedadedadedadedadedadedaaaah!
    tous les jours je
    diguediguedoum ah si j´étais riche moi! eh!
    adieu la charrette
    diguedidedaydedaydedaydeday

    Dieu qui fît le ciel et les étoiles
    est ce que ça t´aurait donné du mal
    de changer ton plan phénoménal
    et, et me faire riche, moi

  12. La seule solution raisonnable pour les Grecs c’est de faire comme les Irlandais au 19e : s’expatrier !
    Mais tant que l’Europe nourrit la Grèce …

    Pour le moment aucun Grec ne meurt de faim ni de froid d’ailleurs ! Donc ils sont loin de la vraie misère … et en conclusion ils ne sont capables d’aucune révolution.

  13. Mort de rire!
    Il existe, dans certains Lycées, des  » dispositifs d’accompagnement au problème de l’absentéisme »…qui n’ont, comme effet, que celui noté sur le bulletin: aucun.
    Commentaires?!!

    • J’ai tapé l’expression « dispositifs d’accompagnement au problème de l’absentéisme » dans Glouglou et j’ai obtenu ça en premier rang :

      http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=84375

      Extrait : « Le développement du partenariat avec les acteurs du soutien à la parentalité et de l’accompagnement et de l’écoute de jeunes présentant des vulnérabilités constitue un levier essentiel pour prévenir les situations d’absentéisme »

      Et ça continue sur des hectolignes du même acabit alors que l’absence de nombreux absentéistes constitue une « opportunité majeure d’amélioration des conditions objectives de travail en classe »

      Il y a donc, plus que jamais, dans ce pays, des gens qui pondent impunément de tels causements dans le confinement tiède de leur burlingue.

      Baygon jaune !

  14. Les dirigeants européens, plus habitués aux petits fours et au champagne, ont accepté cette étrange invitation. Il s’agit, murmure-t-on, d’une petite soirée entre amis, un peu moins formelle, moins guindée. Plus amusante aussi.

    On a fermé portes et volets depuis un moment déjà : la lumière se fraie difficilement un chemin dans l’air saturé de volutes de fumée tandis que les mégots débordent des cendars qui n’en peuvent plus mais.

    On a tombé la veste puis la cravate, déboutonné la chemise.

    Un peu plus tard, on a sorti l’ouzo. Attention : pas cette cochonnerie qu’on vend aux touristes, non ! L’hospitalité grecque est mondialement connue et on ne badine pas avec l’honneur ici. On dégustera donc l’ouzo des grandes occasions, quand les amis viennent taper le carton.

    Mais ce soir, on a rangé les cartes : ni belotte, ni poker. C’est un nouveau jeu qui est proposé aux invités, un jeu inspiré des coutumes d’un vieux pays ami.

    Ca s’appelle la « roulette grecque ». On ne badine pas avec l’honneur ici.

    http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/01/31/la-grece-se-dit-prete-a-se-passer-de-7-milliards-d-euros-de-l-ue_4567222_3214.html

    Cordialement,

    E.P.

    • A notre François, ces quelques vers, en mémoire
      De qui les usuriers, l’ennemi se voulut,
      A celui dont aujourd’hui le triste miroir
      S’amuse et se rit, quand Hellène, cette poire,
      Couloirs et boudoirs, on le sait, ne raillent plus.
      A celui qui chemise mouiller nous promit,
      A l’heure venue, la queue de l’hydre entrevit,
      En fait de chemise, c’est son froc qu’il salit.

      Cordialement,

      E.P.

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