« Karaoké d’opérette », dit-elle : non contente de ne pas chanter l’hymne national en mémoire de l’abolition de l’esclavage, Christiane Taubira avoue ne pas en connaître les paroles. De surcroît, elle a revendiqué son abstention et s’est fendue d’un long plaidoyer pro domo sur Facebook. Ah, pour être moderne, elle l’est — mais elle n’est pas ministre de tous les Français : son attitude exclut tous ceux qui croient que la Marseillaise, née au moment où la Révolution abolissait justement l’esclavage, n’est pas le chant commun de tous les Français.
Même Libé traite l’événement du bout des lèvres — incapables qu’ils sont, rue Béranger, d’appuyer les propos incohérents du ministre (et non de « la » ministre, va apprendre le français, patate !).

Et ce matin, sur BFM.TV, Benoît Hamon (hé, faudrait peut-être donner l’exemple aux mômes !) fait chorus, si je puis dire : «A ce moment-là, je ne la chante pas non plus, comme la plupart des autres ministres. Parce qu’elle est chantée par une soliste et qu’on ne veut pas ajouter notre voix dessus. Dans ces moments-là, la Marseillaise inspire le recueillement. Je ne comprends pas qu’on fasse ce procès à Taubira et pas à moi.»

Nous savions que nous avions globalement un gouvernement de gougnafiers. Mais là…

Qu’on se rappelle.
Le 6 octobre 2001, la rencontre France-Algérie dérapait, dès les hymnes.
Et Chirac, bien inspiré, préférait quitter le Parc des Princes. Même événement lors du France-Tunisie d’octobre 2008. Mais qu’est-ce que nous avons fait à ces Français qui se disent « indigènes de la République » pour qu’ils se croient tout permis ? Qu’est-ce que l’Ecole a négligé de leur enseigner ? « Hé, respecte-moi, toi, le bolos » — mais tu n’es pas respectable, crapule ! Tu es un sous-produit de ce que l’Ecole en déshérence a fait de pire. Et je te dénie le droit de dire quoi que ce soit. Parce que je suis un Républicain, mais pas un ventre mou de démocrate.
Quand je pense que certains pédagogues leur ont donné le droit de s’exprimer…
Alors oui, Taubira démission ! Et vite ! Et tout de suite ! Ce ministre est indigne. Ce gouvernement est indigne.
Mais je parie que ça fera encore un peu jaser dans les gazettes, sans qu’il ne se passe rien — d’ailleurs, il ne se passe rien, sinon que les pauvres sont encore plus pauvres, et que les riches se gavent — pendant que les bobos pensent que Mme Taubira, parce qu’elle a donné des gages au lobby LGBT, est une femme de gauche. Du spectacle, pour la société du même nom. Pas même une tragédie : une farce.
Quand même ! Etre obligé de reconnaître que Jean-François Copé ou Florian Philippot ont eu ce matin des réactions appropriées, quoi qu’on puisse penser d’eux… Il fallait le PS pour donner, chaque jour, plus de crédibilité aux représentants de la droite la plus dure…
Ça va se payer dans les urnes, aux Européennes — comme le reste. J’y reviendrai dans deux ou trois jours.

Jean-Paul Brighelli

 

PS. Pour une faute bien moindre de Nicolas Sarkozy, la France intellectuelle s’est lancée dans des lectures publiques de la Princesse de Clèves. J’appelle de mes vœux un karaoké géant place Vendôme, pour apprendre au ministre les paroles exactes de la Marseillaise.

PPS. Parmi les innombrables boulots de nègre que j’ai faits, j’ai rédigé un magnifique livre (magnifique par sa mise en page et la richesse des informations) sur la Marseillaise en 1989 — pour le Bicentenaire, signé Frédéric Robert. On y apprend entre autres que Danielle Casanova, pour laquelle j’ai un immense respect (et pas uniquement parce qu’elle était corse ou qu’un bateau porte son nom !) dopait ses co-détenues, à Auschwitz, en leur faisant entonner la Marseillaise, que Pétain avait fait interdire. Rien que pour ça…

Et puis… Le souvenir de Casablanca

17 commentaires

  1. C’est vrai qu’il paraît que les castrats chantaient mieux que les chanteurs mâles ou femelles de leur temps ; la question reste néanmoins pendante : est-ce qu’en castrant la république française de ses chants nationaux on la fait mieux chanter à travers le monde ?

  2. Voici ma réponse sur « Boulevard Voltaire » à quelqu’un qui s’étonnait du « summum » de mauvais goût de l’Eurovision 2014 :

    Si vous aviez vu une seule fois – je dis bien une seule fois « La Grande Illusion » ce film sur la grande guerre où des dirigeants politiques ont eu le mauvais goût d’envoyer des millions d’européens au casse-pipe – vous vous souviendriez immanquablement de la grande scène du spectacle travesti qui émeut tous ces soldats de fortune et qui se termine par une Marseillaise chantée à pleins poumons devant les soldats-geôliers allemands !

  3. Question érudition à brûle-pourpoint je suis champion ! J’ai dit à Christian Vanneste sur Blvd Voltaire qu’il était notre Josiane Balasko car il en pinçait pour les choeurs de l’Armée rouge plutôt que pour les travestis décadents et bourgeois !

    Au fond ces gens de Droite regrettent le Communisme !

  4. L’attitude de Mme Taubira ne mérite pas tant de tintouin. Mais puisque ça vous a donné l’occasion d’écrire ce beau texte…
    Et puis « mais tu n’es pas respectable, crapule ! » : ça faisait longtemps que j’attendais qu’un journaliste ose écrire cela.

  5. « qui croient que la Marseillaise, née au moment où la Révolution abolissait justement l’esclavage, n’est pas le chant commun de tous les Français. »

    Demandez-vous d’abord pourquoi cette déclaration du 16 pluviôse de l’an II de la République auquel vous faites allusion est qualifiée par Césaire de farce, penchez-vous sur les conflits qui opposaient alors les Anglais aux Français au sujet de colonies de la Guadeloupe et de la Martinique, et vous verrez de quoi il en retourne au sujet de cette « abolition ». Les mêmes déclarations de principes, les mêmes grands gestes humanistes et les mêmes hymnes vibrants chantant la gloire de la Révolution, précisément parce que ça se paye d’un oubli, sont de très mauvais goût lorsqu’il s’agit de commémorer ce qui est tout de même un « crime contre l’humanité ». Tout comme il serait malséant de chanter, en pleine commémoration :

    « C’est nous qu’on ose méditer
    De rendre à l’antique esclavage ! »

  6. En 1930 l’équipe de l’Uruguay a remporté la première coupe du monde et son joueur le plus célèbre Hector Castro était amputé de la main droite qu’il ne pouvait donc mettre sur son coeur quand il chantait l’hymne national ..; au moins il avait une bonne excuse !

  7. Quand on voit une bande de notables criailler la Marseillaise sur une estrade, on peut dire, en étant gentil, que c’est du karaoké. Tout cela est bien vulgaire et la culture française ne mérite pas cela. Et qu’on ne confonde pas ces criailleries avec quelque symbole national, ce serait un outrage à la nation.
    Cela dit, je n’aime pas ces exhibitions patriotardes et Taubira a montré plus de tact que les braillards du patriotisme.
    Et puis, qu’est-ce qu’un hymne national ?
    Rouget de l’Isle savait-il que le thème de ce qui deviendra la Marseillaise avait été utilisé par deux fois par Mozart, dans le premier mouvement du vingt-cinquième concerto pour piano et dans cet air de Cosi van Tutte qui parodie les plaisirs de la vie militaire avant le faux départ des deux héros. Il est vrai que, après Rouget de l’Isle ce thème a été repris et je préfère la version de Berlioz aux braillements d’estrade, sans oublier le second thème du second mouvement de la Cinquième Symphonie de Beethoven qui savait qu’il empruntait à la Marseillaise, un sens du symbole qui vaut mieux que les braillements d’estrade.
    Et combien de fois a-t-on plagié une grande musique pour en faire un braillement national, ainsi ce magnifique mouvement d’un quatuor de Haydn pour criailler « Deutschland über Alles », ou ce vol du final de la Neuvième Symphonie pour jouer à l’Union Européenne.

  8. Des écrans de fumée que tout cela !
    Finalement, l’attitude de Mme Taubira a fait passer au second plan la non commémoration de l’abolition par le maire FN de Villers-Cotterêts…
    Cherchons à qui le crime a profité.

  9. « Mais qu’est-ce que nous avons fait à ces Français qui se disent « indigènes de la République » pour qu’ils se croient tout permis ? Qu’est-ce que l’Ecole a négligé de leur enseigner ? « Hé, respecte-moi, toi, le bolos » — mais tu n’es pas respectable, crapule ! Tu es un sous-produit de ce que l’Ecole en déshérence a fait de pire. Et je te dénie le droit de dire quoi que ce soit. Parce que je suis un Républicain, mais pas un ventre mou de démocrate. »

    Ah ah!!! On frise la correctionnelle avec cette crapule!
    Bien d’acc, mais le sous-produit c’est celui d’un système global, pas seulement de l’Ecole. L’Ecole ne fait que mettre en exergue la déséducation, la haine « ethnique » et la volonté de détruire.

  10. Ouais ? Mais avez-vous vu la g.. de Manuel Valls ? cela me parait beaucoup plus grave !

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