Marseille veut donc être nommée Capitale européenne du sport en 2017, et n’a plus aujourd’hui qu’un adversaire dans la course à la désignation, Sofia. Comme depuis 2001 toutes les villes désignées ont été choisies en Europe de l’Ouest, le sort de la « capitale phocéenne », comme disent les journalistes, est suspendu au choix de 2016, annoncé le 5 novembre prochain — Prague ou Palerme. Si c’est Prague, conclut le Figaro, ce pourrait bien être Marseille l’année suivante.
Bonne idée. La désignation de Marseille comme Capitale européenne de la Culture avait quelque peu étonné — ici-même. Nous ne croulons pas sous les théâtres (quatre ou cinq en exploitation plus ou moins régulière, et le plus grand, la Criée, est en désamiantage depuis des mois, on ne l’avait laissé ouvert que pour bien figurer sur le tableau). Ce ne sont pas non plus les galeries d’art (quelques-unes) ni les cinémas (quatre ou cinq au total, les autres sont en périphérie) qui ont permis à la ville d’être élue : quand j’étais gosse, il y avait jusqu’à vingt salles sur la seule Canebière : il en reste une, le reste étant devenu entreprises de gros / demi-gros en direction du Maghreb. Marseille est la seule ville de France à n’avoir pas réhabilité son centre, et à voir sa bourgeoisie s’exiler sur de lointains villages — Cassis, par exemple.
Bref, la Capitale européenne de la Culture a surtout brillé par ses constructions opportunistes, réalisées avec l’argent de l’Europe.
Mais pour le Sport, c’est autre chose. Je ne peux qu’approuver.
Le Marseillais de base pratique de nombreux sports, sur une base quotidienne. Le tir, bien sûr — même si l’épreuve de flingage à la cible mouvante à 5 mètres à la kalachnikov n’est pas encore homologuée par les instances olympiques. La course aussi — surtout quand un individu patibulaire mais presque, comme disait Coluche, vous poursuit avec un rasoir à la main. La boxe enfin — une amie s’est fait agresser par deux individus qui lui ont proposé de leur faire une gâterie à 4 heures de l’après-midi en plein centre sous prétexte qu’elle portait un short — par 30° en fin d’été — et pas de voile. Ils l’ont bousculée, elle en a frappé un pour se dégager, ils l’ont rouée de coups (forcément hein, elle était peut-être impure), avec l’aide d’un passant qui lui a expliqué qu’elle avait insulté leur culture, et sous l’œil intéressé de trois flics locaux attablés à une terrasse toute proche : sollicités, ils ont expliqué qu’ils n’étaient pas là pour ça — ni pour rien d’ailleurs, le viol du code et des jeunes filles en fleur étant ici un sport local. La même aventure m’est arrivée il y a quelques jours, dans la queue d’un supermarché (nous manquons d’équipements, à Marseille, nous pratiquons donc le sport dans des endroits incongrus) où un autre patibulaire m’a proposé gentiment de m’arranger le nez d’un coup de tête — on est serviable, dans le Midi. Et l’année dernière, l’un de mes élèves de Maths Sup, gentil garçon qui venait d’une ville périphérique moins sportive, s’est fait braquer à dix heures du soir par deux individus de même farine, armés d’un couteau, en plein centre ville, à deux pas du commissariat central de Noailles, où ils devaient achever leur belote, et a dû les escorter chez lui afin qu’ils le délestent de son ordinateur, de son portable, et de ce qu’il avait d’argent liquide — 15 euros. Il a déménagé, du coup, et il est rentré chez lui — petit joueur ! Encore un qui n’avait pas intégré le Citius Altius Fortius Mortibus local. Il aurait au moins pu coller sa photo de lendemain d’agression sur le site ouvert tout exprès pour la candidature de la ville, où les vrais Marseillais survivants sont invités à déposer leurs témoignages sportifs..
Le Marseillais réel s’entraîne, afin d’être prêt. Jour et nuit des coureurs arpentent la Corniche, et déboulent au sprint sur le Vieux-Port. Ah, c’est beau, cette jeunesse aux muscles tendus, au visage ruisselant, les poings serrés sur le trousseau de clefs, arme opportuniste et efficace en cas d’agression.


Nous sommes si sollicités par les jeunes sportifs des Quartiers Nord que nous venons d’élire dans ce coin Stéphane Ravier (1),  l’un des deux sénateurs FN — avec des voix de droite et de gauche, nous ne sommes pas à parti pris, ici. D’ailleurs, la seule à avoir sauvé les meubles de la Gauche (d’extrême justesse) est Samia Ghali — les trois autres sénateurs PS se sont fait battre par des dissidents emmenés par Jean-Noël Guerini, exclu rue de Solferino mais plébiscité ici. La prochaine fois, les instances du PS réfléchiront à deux fois avant de s’en prendre à un parrain. On a le respect de la famille et des traditions, ici. Enfin, dans l’aventure, Patrick Menucci a disparu — il s’entraîne sans doute pour les prochaines épreuves, catégorie troisième mi-temps.
Alors oui, la Ville de Jean-Claude Gaudin mérite amplement d’être élue Capitale du Sport. «Nous avons privilégié la culture au cours des dernières années pour la préparation de l’année capitale européenne de la culture. Si nous sommes choisi capitale européenne du sport, la priorité sera donnée à la rénovation de nos stades, piscines et gymnases», commente Jean-Claude Gondard, directeur général des services de la mairie — et vrai maire de la ville. «Ce sont 200 millions d’euros qui y seront consacrés sur le milliard d’investissements prévus pour les six prochaines années». Et Jean-Claude Gaudin d’ajouter : «Ce serait bien que l’État aide la deuxième ville de France, car non seulement on nous réduit nos dotations mais on nous oblige à mettre en place ces nouveaux rythmes scolaires qui vont nous couter une fortune ! »
Comme je l’ai expliqué récemment sur France 3 Provence, il faut à Marseille 3500 animateurs pour se plier aux fantaisies gouvernementales sur les rythmes scolaires, et début septembre, il n’y en avait que 350 : c’est qu’il est difficile, ici, de trouver des jeunes qui aient à la fois un BAFA et un casier judiciaire vierge. Bah, on en fera des volontaires encadrants pour les festivités sportives.

Jean-Paul Brighelli

(1) Auquel on doit un trait d’esprit sélectionné (mais non retenu, c’est bien dommage) par le Club de l’humour politique. Interrogé l’année dernière sur l’avenir politique à Marseille de Bernard Tapie, Ravier a déclaré : « Le seul Tapie qui a de l’avenir ici, c’est le tapis de prière. »

18 commentaires

  1. Bravo, JPB ! Le sport à Marseille sans un mot sur le foot, c’est un choix courageux. L’OM est, pour l’instant, en tête du championnat, assurance d’un certain calme dans la ville.
    Ca ne durera pas.

    Le sport à Marseille, c’est aussi le cercle des nageurs, enclave privée aux Catalans, sur cooptation, 2000 € l’année (cotisation fonction de l’âge), vue magique, installations de rêve, atmosphère bon enfant, où on croise quelques médaillé(e)s olympiques, quelques politiciens locaux et quelques animaux en voie de disparition *, 4 ou 5000 membres dont le dixième fréquente vraiment les lieux.

    * mais plus de dugongs, à ce qu’on dit

  2. Si je devais définir Marseille je dirais qu’elle est une ville à l’avant-garde de l’équipe France. Car enfin elle a inventé la bouillabaisse c’est à dire le mariage pour tous les petits poissons qui frétillent de la queue bien avant la loi Taubira.

  3. « Le sport à Marseille, c’est aussi le cercle des nageurs, enclave privée aux Catalans, sur cooptation, 2000 € l’année (cotisation fonction de l’âge), vue magique, installations de rêve, atmosphère bon enfant, où on croise quelques médaillé(e)s olympiques, quelques politiciens locaux et quelques animaux en voie de disparition *, 4 ou 5000 membres dont le dixième fréquente vraiment les lieux. »

    Ah ah!! Le Cercle…on y croise aussi les bonnes consciences professorales ( de Gauche, oeuf corse) qui prônent à longueur de journée le si fameux vivre-ensemble mais ne sauraient mettre ne serait-ce qu’un orteil sur le sable des Catalans ou autre plage marseillaise!
    Marseille, capitale de la peine.

    • On rencontre aussi des pue-la-sueur au cercle des nageurs (ceux qui ne se douchent jamais avant de rentrer dans les bassins).

      Remarque : les sans-artiche-pas-de-ratiches ne se lavent pas non plus mais ailleurs

  4. J’avais vu. Comme vous dites, mon cher, « l’invraisemblable affreux Jeau-Jeau… »
    C’est le pendant de l’article tout en nuances de caroline Brizard, qui m’a valu par contraste plein de nouveaux lecteurs… Repris sur le site d’un authentique jobard qui me poursuit d’une haine inlassable et courageusement anonyme depuis des années :
    http://www.profencampagne.com/article-le-nouveau-livre-de-brighelli-vive-l-ecole-de-grand-papa-124621029.html

  5. Ils sont jaloux, Brighelli, ils sont jaloux ! Vous écrivez très bien, trop bien. Voyez quand même le côté positif, ils dessinent en creux un portrait flatteur de vous, celui d’un maître de la plume. Vous avez vu le nombre de formules qu’ils utilisent les uns comme les autres pour qualifier votre manière d’écrire ? Brio, brillant, sens de la formule, verve, talent…

  6. Sanseverina, ma chère, le pire, c’est que quand je me relis, je me trouve nul — stylistiquement. Trop de ceci, pas assez de cela. Désolation.

  7. Chers amis,
    lisez ( ou relisez) dans l’ordre: Le camp des saints et l’Identité malheureuse de Finkielkraut.
    Ajoutez un pavé d’Hobsbawn: l’âge des extrêmes.
    Laissez reposer.
    Et, enfin, neurones gavés, contemplez la réalité quotidienne.
    Je laisse les sorbonards miteux du café péd’ et autres experts du sérail se faire gonfler le goître de leur narcissisme gargantuesque.
    Ces bouffons pitoyables ne font plus rire personne, surtout pas les gens de terrain, les modestes praticiens qui en chient tous les jours tout en supportant les arguties de ces médiocres penseurs.

  8. Je ne sais si c’est le printemps, mais je suis prodigieusement de mauvaise humeur. J’ai les nerfs agacés, comme des fils de laiton. – Je suis en rage sans savoir de quoi. C’est mon roman peut-être qui en est cause. – Ça ne va pas. Ça ne marche pas. Je suis plus lassé que si je roulais des montagnes. J’ai dans des moments, envie de pleurer. Il faut une volonté surhumaine pour écrire. Et je ne suis qu’un homme. – Il me semble quelquefois que j’ai besoin de dormir pendant six mois de suite. Ah! de quel oeil désespéré je les regarde, les sommets de ces montagnes où mon désir voudrait monter !
    Sais-tu dans huit jours combien j’aurai fait de pages, depuis mon retour de pays ? 20. Vingt pages en un mois, et en travaillant chaque jour au moins 7 heures ! – Et la fin de tout cela ? Le résultat ? Des amertumes, des humiliations internes, rien pour se soutenir que la férocité d’une Fantaisie indomptable. Mais je vieillis et la vie est courte.
    Croisset, 3 avril 1852, samedi 4 h

  9. Ben oui, je sais bien. Mais à l’arrivée, Madame Bovary : ça valait le coup d’avoir des angoisses et des coups de déprime.

  10. Oui, c’est pour ça qu’on attend LE roman 🙂 pas porno, c’est lassant …
    Ils seraient verts… un jaloux, c’est toujours vert, non ?

  11. La métaphore est une figure délicate à employer. Par exemple, un voile peut-il être un « cheval de Troie de l’islamisme », comme l’a affirmé Jean-Charles Jauffret, agrégé d’histoire et spécialiste de l’histoire militaire coloniale ? En tout cas, l’étudiante de l’IEP (Institut d’études politiques) d’Aix à qui il s’adressait l’a mal pris, ainsi qu’un certain nombre de ses camarades (mais pas tous, et j’y reviendrai). […] La Provence, qui doit tenir compte de son lectorat, a immédiatement déploré « l’amère expérience » de l’étudiante « issue de la diversité », comme on dit euphémistiquement. La direction de l’IEP, bien obligée de suivre la lettre de la loi, joue l’apaisement. […]

    J’ai passé mon enfance à Marseille dans les années 1960 – grande période d’immigration. Et je tiens à le dire : pendant toutes ces années, je n’ai jamais vu une seule femme voilée dans les cités où j’habitais moi-même. Pas une. […] Depuis mon retour à Marseille (2008), je marche dans une ville où les voiles volent à chaque coin de rue, où les filles non couvertes, surtout si elles sont européennes et qu’elles s’habillent court, sont injuriées et parfois agressées par des jeunes gens élevés dans l’impunité de leurs désirs et de leurs certitudes. […]

    J’ai une parfaite indifférence en matière de religions, chacun peut en privé adorer ce qu’il veut, mais je voudrais vivre dans un vrai espace de liberté – et la liberté ne consiste pas à s’engloutir sous la nuit, mais, conformément à l’enseignement du XVIIIe siècle, à faire toute la lumière. Sur le tableau de Delacroix, La Liberté guidant le peuple n’est pas voilée – elle a même les seins nus, et c’est très bien ainsi.

    Le Point

    Brighelli commence a prendre conscience du probleme. Ils en mettent du temps les vieux maos a comprendre leurs erreurs…

  12. Brighelli, et beaucoup d’autres, qui prennent en plein pif les coups de boule de la réalité!
    Sous l’humour, la plage: des vagues déferlantes érodent peu à peu le ciment de la cohésion sociale de ce qui fut une nation souveraine.
    Lente déliquescence. Orchestrée? Par qui, pourquoi?
    Moi, marseillais depuis 42 ans, habitant du centre, j’ai vu…une métamorphose.
    J’assiste, désarmé et impuissant ( le nombre, dans la logique de la rue, fait loi; la loi, dans la logique pervertie de nos gouvernants, fait oeuvre) au renversement sournois, gluant, irrésistible de ma conception de la société.
    Bientôt Sisyphe n’aura plus de rocher: à quoi bon?

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