« Islamofascisme ! », disent les uns (Valls, Estrosi, etc.). « Nazislamisme ! », clament les autres (Ivan Rioufol, évoquant la figure du grand mufti de Jérusalem, Hadj Amin al-Husseini, grand copain d’Hitler dans les années 1930-40). « Amalgame ! » beuglent les bien-pensants — ceux qui voient dans toute critique de l’Islam la preuve d’une islamophobie galopante. Ma foi (si je puis dire…), dans ce cas précis, ils n’ont peut-être pas tort. Fascisme et nazisme étaient des mouvements originaux, que l’on n’aurait pas appelé « néo-bonapartisme » sans une grave distorsion de l’Histoire — de même que le Coup d’Etat permanent de Mitterrand à propos de De Gaulle était de la bonne polémique mais de la mauvaise Histoire. L’islamisme est une trouvaille moderne.
À la rigueur, le seul mouvement d’époques antérieures avec lequel on pourrait le comparer, ce sont les croisades. La vraie union du sabre et du goupillon. Sous le signe du croissant et non plus celui de la croix. Des croissantades, en quelque sorte.
Mais voilà : la chrétienté a renoncé aux croisades depuis celle des Albigeois, et ça date. L’Espagne elle-même a renoncé à l’Inquisition en 1834. L’Eglise a renoncé aux interférences massives entre l’éternel et le temporel. Qu’elle ait eu tort ou raison d’agir ainsi, d’un point de vue commercial, est une autre histoire. Que Vatican II ait dissous les conditions même de la Foi, terreur et pitié, peut-être — mais ce n’est pas mon problème, chacun se suicide comme il veut. Et si, au lieu de lancer une nouvelle Contre-Réforme, on préfère passer les cours de catéchisme à faire dessiner des Mickeys en croix, grand bien leur fasse.
L’Islam fondamentaliste, wahhabite, salafiste, celui des Frères Musulmans, de l’Etat islamique, Boko Haram et Al-Quaeda n’aime pas les petits dessins, lui. Il n’a pas le temps (d’ailleurs, comme je l’ai déjà souligné ici, le temps ne fait pas partie de son univers : l’Islam œuvre dans l’éternité des certitudes inoxydables). Il conquiert le monde. Il est un totalitarisme. C’est là le seul terme générique que nous pouvons décemment utiliser.
Entendons-nous : la liste susdite des grands nauséabonds ne fait pas grand monde en proportion — 10 à 15% des Musulmans, estiment les divers services secrets —, mais cela regroupe tout de même quelques centaines de millions de siphonnés dans le monde. De quoi empêcher Caroline Fourest de dormir. Elle et les illuminés du sécularisme qui avaient, dès 2006, signé un Manifeste contre le nouveau totalitarisme. Des Musulmans, pur la plupart. Ils ont tous plus ou moins depuis cette époque des fatwas suspendues au-dessus de la tête.
2006 ! Comme l’a écrit avec force Mezri Haddad, ancien ambassadeur de Tunisie en France, dans un article remarquable, tout était prévisible. Depuis longtemps : « Ecrit, pas par la main d’Allah dont les islamo-fascistes ont souillé jusqu’à la magnificence et rabaissé la majesté, mais par trente années de laxisme, d’angélisme et de conformisme malséant au pays de Voltaire. Écrit par les concessions aux tenants de l’islam identitaire, holistique et totalitaire, au nom de la démocratie et de la tolérance républicaine. De la question du voile islamique au massacre tragique de Charlie Hebdo, en passant par l’affaire Redeker ou la conférence du pape Benoît XVI à Ratisbonne, que de chemin parcouru dans la capitulation, l’altération de la laïcité et la subversion de la démocratie. Que de reculs des Lumières face à l’obscurantisme! Que de coups portés au modèle de civilisation occidentale devant la barbarie islamiste! »
Recul des Lumières : ce n’est pas une guerre, au sens que l’on donne ordinairement au terme, où deux (ou plusieurs) adversaires clairement identifiés s’affrontent dans un espace géographique plus ou moins délimité. Pas même un conflit de civilisations, n’en déplaise aux lecteurs de Samuel Huntington. C’est un conflit de cultures. L’Encyclopédisme contre le Coran. La philosophie contre la Foi. Les Lumières contre la nuit.

Christian Estrosi, avec sa « troisième guerre mondiale », doit bien avoir aussi une petite idée régionale derrière la tête, en venant chasser sur les terres du FN (mais est-ce être FN que de dire la vérité ? On se souvient de Tartuffe : « C’est être libertin que d’avoir de bons yeux »). Certes, la Côte d’Azur (qui en l’occurrence commence à Perpignan) n’est pas Paris, ville fictive que les ministres croient être la France. Certes, sortir à Marseille est une expérience ethnique particulière. Certes, arrivant récemment de la capitale, j’ai entendu l’un de mes compagnons de train sortir son portable boulevard d’Athènes (au bas des escaliers de la gare Saint-Charles) et appeler un de ses copains restés là-haut bien à l’abri : « Incroyable ! Zemmour a raison ! Le grand remplacement, ici, il a commencé… »
Ça me rappelle une blague locale. Des gabelous de la brigade maritime interceptent une barque avec quatre Nord-Africains à bord, ramant vers Marseille. « Que faites-vous ? » « Nous venons envahir l’Europe. » Hurlement s de rire des douaniers. « À quatre ? Vous n’avez pas peur… » « Ah, mais nous, nous sommes l’arrière-garde. Le reste de l’armée a déjà débarqué… »
Foin de plaisanteries : les 350 000 Musulmans marseillais sont très majoritairement français, et n’ont aucune envie réelle de retourner au bled (un lieu proche de l’Enfer, où l’on n’a pas toujours une prise pour recharger son smartphone ou sa playstation) ou d’en importer les pratiques barbares — à commencer par la langue, qu’ils ignorent pour la plupart allègrement, surtout l’arabe classique du Coran. Alors, parler de « cinquième colonne » est un grossier abus de langage. La référence aux Allemands infiltrés avant la dernière guerre (y en eut-il tant que ça ?) est même inadéquate : nous exportons des terroristes, nous, en ce moment, bien plus que nous n’en importons. Du produit Made in France. Cervelles garanties vides. La politique des ZEP s’en est chargée depuis vingt ans.

À noter que le mot « guerre » n’a pas été inventé par Estrosi. Il y a deux mois, après les attentats parisiens, Umberto Eco avait averti : « Siamo in guerra. L’ISIS è il nuovo fascismo. » Mais là encore, le démon de l’analogie avec le nazisme avait frappé.
Il faut remonter un peu plus en arrière pour trouver une analyse un peu sérieuse sous la plume d’un intellectuel. Arturo Perez-Reverte, qui a vu de près la guerre de Bosnie (il y était correspondant) n’a aucun doute sur la nature de la guerre en cours : « Es la guerre santa, idiotas ! ». Et de préciser : « . Y no necesito forzar la imaginación, pues durante parte de mi vida habité ese territorio. Costumbres, métodos, manera de ejercer la violencia. Todo me es familiar. Todo se repite, como se repite la Historia desde los tiempos de los turcos, Constantinopla y las Cruzadas. Incluso desde las Termópilas. Como se repitió en aquel Irán, donde los incautos de allí y los imbéciles de aquí aplaudían la caída del Sha y la llegada del libertador Jomeini y sus ayatollás. Como se repitió en el babeo indiscriminado ante las diversas primaveras árabes, que al final -sorpresa para los idiotas profesionales- resultaron ser preludios de muy negros inviernos. Inviernos que son de esperar, por otra parte, cuando las palabras libertad y democracia, conceptos occidentales que nuestra ignorancia nos hace creer exportables en frío, por las buenas, fiadas a la bondad del corazón humano, acaban siendo administradas por curas, imanes, sacerdotes o como queramos llamarlos, fanáticos con turbante o sin él, que tarde o temprano hacen verdad de nuevo, entre sus también fanáticos feligreses, lo que escribió el barón Holbach en el siglo XVIII: «Cuando los hombres creen no temer más que a su dios, no se detienen en general ante nada». Porque es la Yihad, idiotas. Es la guerra santa. »
Mes lecteurs étant gens de grande culture, je n’ai pas besoin de traduire. Mais comme passent aussi ici des individus de culture incertaine, et même des profs d’Histoire d’Aggiornamento, autant penser à eux :
« Je n’ai pas besoin de forcer mon imagination, parce que pendant une partie de ma vie, j’ai habité ce territoire. Habitudes, méthodes, manière d’exercer la violence. Tout m’est familier. Tout se répète comme se répète l’Histoire, depuis le temps des Turcs, Constantinople et les Croisades. Y compris depuis les Thermopyles. Comme elle s’est répétée dans cet Iran, où les imprudents de là-bas et les imbéciles d’ici applaudissaient la chute du Shah et l’arrivée du libérateur Khomeiny et ses ayatollahs. Comme elle s’est répétée dans un empressement sans discernement avant les différents printemps arabes, qui, au final –surprise pour les idiots professionnels – eurent pour résultat d’être les préludes de très noirs hivers. Hivers qui sont à attendre, par ailleurs, quand les mots liberté et démocratie, concepts occidentaux que notre ignorance nous fait croire exportables au froid, pour le meilleur, confiants en la bonté du cœur humain, finissent par être gérés par des curés, des imams, des prêtres comme nous aimons les appeler, fanatiques avec ou sans turbans, qui tôt ou tard font de nouveau la vérité, au milieu de leurs paroissiens aussi fanatiques, ce qu’écrivait le baron d’Holbach au XVIIIème siècle : « Quand les hommes ne croient avoir à craindre que leur dieu, ils ne s’arrêtent communément sur rien ». Parce que c’est le Jihad, idiots. C’est la guerre sainte. »
J’aime que le meilleur écrivain espagnol contemporain cite d’Holbach. Des Lumières persiste donc quelque chose — cette « clique holbachique » que vomissait Rousseau — tout se recoupe. À nous de continuer à en porter la flamme au sein même de l’obscurité — et de l’obscurantisme.

Jean-Paul Brighelli

PS. Cette adresse (« Es la guerre santa, idiotas ! ») me rappelle, allez savoir pourquoi, un article au vitriol adressé en 2009 par ce même Perez Reverte aux autorités pédagogoles d’Espagne, et qui commençait de même par « Permitidme tutearos, imbéciles » — l’union de l’insulte appropriée et d’un mot français immortel. À lire absolument, parce que comme le souligne l’auteur du Peintre des batailles, de l’évidement des cervelles enfantines au départ pour le djihad, il n’y a que le frémissement d’une paupière de moineau.

24 commentaires

  1. Il n’y a plus que les patrons qui soient de droit divin ! Confer la presse saluant le décès de François Michelin en sa bonne ville de Clermont-Ferrand …

  2. Vous vous souvenez de la une de Charlie, peu après la chute du Shah ?

     » L’ayatollah joue au shah, et Allah sourit. »

    Et je me souviens qu’à part les communistes qui se cramponnaient à cette « libération » du « joug » indirect des USA, personne n’a songé à leur reprocher leur islamophobie. Ils étaient bons, quand même !

  3. « Le peuple suivrait mieux ses chefs, si on ne lui lâchait trop la bride et si on ne le brutalisait pas. Car la satiété engendre la démesure, quand une grande fortune échoit à ceux qui n’ont pas une sagesse suffisante. »

    Ce qui s’applique merveilleusement à la nuée de sauterelles du baby-boom.

    « Ce qui n’est qu’incompétence et prête à sourire devient danger pour la société, car les philosophes, au nom de l’universalité de leur savoir, se sont attaqués aux fondements mêmes de la société :

    A la religion en prêchant pour un athéisme mondain qui conduit à la négation de toute morale et de toute moralité, débouchant sur le libertinage qui conduit l’homme, effrayé par le néant, à l’exaspération de toutes les jouissances possibles durant sa vie

    A l’unité française par la constante référence des philosophes au modèle anglais, pourtant inexportable, à la sagesse des anciens et au bon sens des sauvages*. L’admiration pour tout ce qui n’est pas français est à la fois moyen de ridiculiser notre civilisation, constamment présentée comme inférieure aux modèles évoqués, et possibilité d’être glorifié en présentant à un public ignare de auteurs inconnus à qui on peut faire dire, en étant sûr de n’être pas contredit, n’importe quoi

    A la propriété enfin (…)

    * A la fois enthousiaste de la liberté des Romains, de l’âpre austérité des Spartiates, des voluptés d’Athènes, de la mélancolie des Anglais, de la tactique des Prussiens, de la simplicité des Suisses, de la morale des Chinois et même de l’indépendance des Sauvages, les Français essayèrent tous les caractères et ne parvinrent qu’à dénaturer celui qui les avait jusqu’alors distingués entre tous les peuples. » Joseph Fiévée, des options et des intérêts pendant la Révolution

    « On a pu dire de la Révolution qu’elle était finie, comme on dit d’un incendie qu’il est terminé, c’est à dire qu’il a consumé entièrement le bâtiment où il s’est allumé. La grande question qui reste à décider et de savoir comment on le réédifiera. Si on met le plan aux voix, il est hors de doute que les matériaux échappés au feu périront pendant la discussion, et qu’on remuera si souvent les cendres qu’il deviendra impossible de reconnaître les anciennes fondations. » idem

  4. Un commentaire sur l’affaire du jour, sur la jupe « trop longue » (je copie/colle depuis FB) :

    Cette affaire est l’occasion de rappeler que, contrairement à ce que l’on entend dire ici ou là, il n’existe pas de « loi sur le voile » en France (ce qui serait discriminatoire puisque la disposition ne s’appliquerait qu’à une religion), mais bien une loi relative aux « signes religieux ostentatoires », interdits depuis 2004 dans l’enceinte des établissements scolaires publics.
    Prétendre, comme on l’entend dire dans les médias depuis 24 heures, qu’une collégienne aurait été exclue pour « une jupe trop longue » relève à cet égard de la désinformation. Cela m’étonnerait beaucoup que des personnels d’éducation aient réagi contre le vêtement en lui-même.
    Je ne comprends pas comment des commentateurs qui ne sont pas dans l’établissement, qui ne sont pas à la place des enseignants concernés, et qui n’ont pas pu apprécier la situation dans son contexte (qui recèle semble-t-il un aspect prosélyte et revendicatif), peuvent s’emballer pour dénoncer ce qui s’apparenterait à un abus d’autorité au nom de la laïcité.
    A mettre en relation, sans doute, avec le film « La Journée de la jupe », avec Isabelle Adjani, diffusé sur Arte voilà quelques années…

    http://www.20minutes.fr/societe/1597703-20150428-exclue-college-cause-jupe-trop-longue#xtor=RSS-176

  5. Daniel, comme vous dites, ils ne sont pas en situation. Ils parlent de Paris, du haut de leur nuage. Le pays réel leur est étranger — sans parler des collèges réels. Un foulard, une jupe, des gants, autant d’armes, de pions mis patiemment en place. Ce qui ne passe plus par le voile passe par la jupe.

    • J’ai parfois de mauvaises lectures, la preuve!

      Renan écrivait en 1882 qu’il s’en est fallu de peu que les chrétiennes soit obligées de porter le voile, à la façon de l’orient, (et il parle là des traditions de l’orient pré-islamique!) et qu’elles y échappèrent en raison de l’influence des pays grecs et latins. Les femmes chrétiennes furent donc heureusement dispensées, je cite Renan, « de ce hideux signe de débilité physique et morale » . (voir Marc Aurèle et la fin du monde antique disponible sur gallica, chapitre « les moeurs chrétiennes »)

      Et aujourd’hui ce hideux signe de soumission occupe l’espace et trouve plein d’idiots utiles pour le justifier.

      Ernest, reviens, ils sont devenus fous !

  6. Excellente citation (je ne la connaissais pas) de Perez-Reverte, un de mes écrivains préférés en langues espagnole, et grand nom de la littérature picaresque. Perez Reverte, c’est un peu un Alexandre Dumas (un de ses personnages, une ménine je crois, est d’ailleurs une sœur jumelle de « Milady ») qui aurait trempé sa plume dans un encrier plein de nostalgie (le « Siglo de Oro », pour la civilisation espagnole, c’est le dernier feu d’artifice avant la dégringolade, et Alatriste est un d’Artagnan mutique et désespéré). Quand on lit ça, ou Proust, ou Saint-Simon, ça donne à penser qu’on ne parle jamais aussi bien d’un monde qu’en racontant sa fin, et en suivant le corbillard. Les nigauds festifs qui nous gouvernent devraient se demander ce que l’on écrira sur eux, dans pas si longtemps. Enfin, ils se le demanderaient, s’ils lisaient des livres. Au passage, une (respectueuse) remarque sur la traduction : je pense que la deuxième partie de l’antépénultième phrase devrait se traduire par « généralement, rien ne peut les arrêter ».

  7. Ah, très belle analyse d’Alatriste, qui m’est devenu aussi cher que D’Artagnan — quand je pense que ces cons ont fait un traité européen à Maastricht, là où il s’est fait tuer !
    Et d’ailleurs Perez Reverte a écrit un Club Dumas, dont Polansky avait tiré la Neuvième porte.
    Mais essayez vraiment le Peintre des batailles. C’est quasi autobiographique sauf que le héros était photographe en Bosnie quand Perez Reverte y était reporter.

    • Un très bon papier (sans flatterie déplacée).

      Il y a contre cette réforme – et, plus largement contre la déconstruction du système scolaire dont elle n’est que le dernier avatar – quelque chose qui commence à dépasser la grogne et à ressembler à une véritable fronde.

      Je me prends à rêver d’une vraie contre-proposition(*) avec – poussons le rêve plus loin, c’est le même prix – un mouvement général des enseignants, dépassant pour une fois les traditionnelles « journées d’action ».

      Bref, quelque chose de constructif, posé sur la place publique et que nous autres – qui-ne-sommes-pas-enseignants – pourrions aussi soutenir. Quelque chose qui inverserait les rôles : la France ultra-périphérique à l’offensive.

      Ma foi, peut-être notre pays se réveillera-t-il et, dépassant les déplorations continuelles, parviendra-t-il à se donner une alternative dans ce domaine et dans d’autres…

      Joyeux 1er mai à tous.

      Cordialement,

      E.P.


      (*) J’ai cru comprendre qu’au moins une telle initiative prenait corps : http://www.neoprofs.org/t89176-projet-de-petition-pour-une-autre-reforme

  8. Je vous propose la traduction du texte d’Arturo Pérez-Reverte :

    C’est la guerre sainte, bande d’idiots !

    Des brochettes et de la bière. À l’ombre de la vieille muraille de Melilla, mon interlocuteur – trente années d’amitié complice – s’enfonce dans sa chaise et sourit, amer. « Ils ne se rendent pas compte ces idiots – dit-il. C’est une guerre, nous y sommes en plein. C’est la troisième guerre mondiale et ils ne s’en rendent pas compte ». Mon ami sait de quoi il parle, car ça fait longtemps qu’il est soldat dans cette guerre. Soldat anonyme, sans uniforme. De ceux qui ont dû souvent dormir avec un pistolet sous l’oreiller. « C’est une guerre – insiste-t-il en trempant sa moustache dans la mousse de sa bière. Et nous sommes en train de la perdre par notre stupidité. En souriant à l’ennemi. »

    Pendant que je l’écoute, je pense à l’ennemi. Et je n’ai pas à forcer mon imagination, parce que pendant une partie de ma vie, j’ai habité ce territoire. Coutumes, méthodes, manière d’exercer la violence. Tout m’est familier. Tout se répète comme l’Histoire se répète, depuis le temps des Turcs, de Constantinople et des Croisades. Y compris depuis les Thermopyles. Comme elle s’est répétée dans cet Iran où les imprudents de là-bas et les imbéciles d’ici applaudissaient la chute du Shah et l’arrivée du libérateur Khomeiny et de ses ayatollahs. Comme elle s’est répétée dans un empressement sans discernement devant les différents printemps arabes, qui finalement –surprise pour les idiots professionnels – eurent pour résultat d’être les préludes d’hivers très noirs. Hivers auxquels il faut s’attendre, par ailleurs, quand les mots liberté et démocratie, concepts occidentaux que notre ignorance nous fait croire exportables au froid, pour le meilleur, confiants en la bonté du cœur humain, finissent par être administrés par des curés, des imams, des prêtres comme nous aimons les appeler, fanatiques enturbannés ou non, qui tôt ou tard font de nouveau la vérité, au milieu de leurs fidèles aussi fanatiques, ce qu’écrivait le baron d’Holbach au XVIIIe siècle : « Quand les hommes ne croient avoir à craindre que leur dieu, ils ne s’arrêtent communément sur rien ».

    Parce que c’est le Djihad, idiots. C’est la guerre sainte. Il le sait mon ami à Melilla, je le sais, moi, de par ma petite parcelle d’expérience personnelle, il le sait celui qui y a été. Il le sait celui qui a lu l’Histoire ou bien qui est capable de faire face aux journaux et à la télévision avec lucidité. Il le sait celui qui cherche sur l’Internet les milliers de vidéos et d’images d’exécutions, de têtes coupées, de gamins souriants montrant les décapitations par leurs pères, de femmes et d’enfants violés pour infidélité à l’islam, lapidés pour adultère – comment les ultra féministes, si sensibles à d’autres bêtises peuvent se taire sur cela – des criminels leur coupant le cou vivants pendant qu’ils crient « Allahou akbar » et que des douzaines de spectateurs l’enregistrent sur leurs putains de téléphones mobiles. Il le sait celui qui lit les pancartes qu’un enfant musulman – pas en Irak, mais en Australie – exhibe avec le texte « Égorgé celui qui insulte le Prophète ». Il le sait celui qui voit la pancarte exhibée par un jeune étudiant musulman – pas à Damas, mais à Londres – qui prévient : « Nous utiliserons votre démocratie pour détruire votre démocratie ».
    En Occident, en Europe, il a coûté le prix de siècles de souffrance pour atteindre la liberté dont on jouit aujourd’hui. Pouvoir être adultère sans être lapidé ou blasphémer sans être brûlé ou pendu à une grue. Pouvoir porter des jupes courtes sans être traitée de pute. Nous jouissons des avantages de cette lutte, gagnée après de nombreux combats contre nos propres fanatismes, au cours desquels trop de bonnes personnes ont perdu la vie : combats que l’Occident livra quand il était jeune et avait encore la foi. Mais maintenant, les jeunes sont autres : le petit garçon de la pancarte, le coupeur de tête, le fanatique prêt à emporter avec lui trente infidèles et à aller au Paradis. En termes historiques, ce sont les nouveaux barbares. L’Europe, où est née la liberté, est vieille, démagogue et lâche ; pendant que l’islam radical est jeune, courageux, a faim, est au désespoir et a les couilles, eux et elles, bien placées. Donner une mauvaise image sur Youtube, ils s’en moquent : au contraire, c’est une autre arme dans leur guerre. Ils travaillent avec leur dieu dans une main et la terreur dans l’autre, pour leur propre clientèle. Pour un Islam qui pourrait être pacifique et libéral, qui souvent le désire mais qui ne peut jamais l’obtenir tout à fait, pris dans ses propres contradictions socio-théologiques. Croire que cela se résout en négociant ou en regardant ailleurs, c’est beaucoup plus qu’une immense connerie. C’est un suicide. Regardez l’Internet et dites-moi avec quels diables nous allons négocier. Et avec qui. C’est une guerre, et il n’y a pas d’autre choix que l’affronter. L’assumer sans complexes. Parce que le front du combat n’est pas seulement là-bas, de l’autre côté du téléviseur, mais aussi ici. Au cœur même de Rome. Parce que – je crois que je l’ai écrit il y a longtemps, bien que de manière différente, il est contradictoire, dangereux, voire impossible de profiter des avantages d’être romain et en même temps d’applaudir les barbares.

  9. J’avoue que je ne connaissais pas Perez-Reverte mais voilà un texte qui pourrait bien devenir historique un jour…

  10. Cet endroit est un régal: on y lit des choses instructives sans avoir besoin d’en rajouter.
    Merci donc à Pierre Lariba pour ce texte d’une rare puissance et merci à notre hôte pour la réponse en forme d’uppercut adressé à la Ministre!

  11. « C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. Qu’on ne se raconte pas d’histoires ! Les musulmans, vous êtes allés les voir ? Vous les avez regardés avec leurs turbans et leur djellabas ? Vous voyez bien que ce ne sont pas des Français ! Ceux qui prônent l’intégration ont une cervelle de colibri, même s’ils sont très savants. Essayez d’intégrer de l’huile et du vinaigre. Agitez la bouteille. Au bout d’un moment, ils se sépareront de nouveau. Les Arabes sont des Arabes, les Français sont des Français. Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain seront vingt millions et après-demain quarante ? Si nous faisions l’intégration, si tous les Arabes et Berbères d’Algérie étaient considérés comme Français, comment les empêcherait-on de venir s’installer en métropole, alors que le niveau de vie y est tellement plus élevé ? Mon village ne s’appellerait plus Colombey-les-Deux-Églises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées !

    Conversation entre de Gaulle et Alain Peyrefitte le 5 mars 1959 suite aux événements d’Algérie »

    Notez que le général (ou tout au moins Peyrefitte) parle « de culture grecque et latine et de religion chrétienne », n’en déplaise aux obsédés de l’écrasement de « l’infâme ».

    Sur Néoprofs, il est d’ailleurs arrivé que deux professeurs de français en fin de carrière (dont une Présidente) doivent rappeler à leurs collègues plus jeunes qu’un minimum de culture religieuse est nécessaire pour comprendre le patrimoine littéraire français.

    Mais, avec une minorité qu’on a laissé monter à 15% de la population, ce qui est beaucoup en démocratie, et la démagogie habituelle des partis politiques, on n’a pas fini d’entendre parler de l’islam, ou de la colonisation.

    Pour en raconter n’importe quoi, en un sens ou dans l’autre, puis pour mettre en oeuvre différentes concessions (rapport Tuot, etc).

    Fallait pas les inviter.
    Donc, c’est Occident qui avait raison, à l’époque (comme la pendule arrêtée a raison deux fois par jour).

    Et les esprits forts qui sont friands de petites blagues sur « les trains qui arrivent à l’heure » ont aussi collaboré, à leur façon.

  12. Il me semble que c’est le journaliste Christopher Hitchens qui a popularisé le terme «islamo-fascisme», après le 11 septembre américain. Les politiciens français (grands copieurs des idées anglo-saxonnes (surtout américainnes ou finlandaises) ont importé tous ces débats des Etats-Unis, à des fins électorales…

  13. Toutes sortes de pétitions circulent pour protester contre le collège 0.0 de Najat.
    PAr exemple :
    https://www.change.org/p/monsieur-le-président-de-la-république-et-madame-le-ministre-de-l-education-nationale-de-l-enseignement-supérieur-et-de-la-recherche-sauvons-l-enseignement-du-français-au-collège-2?just_created=true

    Par ailleurs, sainte Belkacem est au 12-13 de FR3 demain dimanche, et j’ai eu royalement 35 secondes (et pas une de plus) pour lui poser une question intelligente (en différé, de façon à ce qu’elle puisse la faire étudier préalablement par ses conseillers et se faire remettre des « éléments de langage », comme ont dit chez les politiciens ignares).

  14. Pas évident, une seule question…Comme elle est dans le déni socialo de base. Quel angle d’attaque ? L’interdisciplinarité, peut-être. La casse du latin, non. L’autonomie des établissements, trop technique. Je crois que j’attaquerais sur la baisse des heures de cours, tout simplement. Ce qui est le plus clair et compréhensible par le public. Mais bon, je n’ai pas votre expérience.
    Bien votre dernier article dans le le Point…

  15. Le JDD demande à Pierre Nora ce qu’il reproche aux « nouveaux programmes » :

    http://www.lejdd.fr/Societe/Education/Pierre-Nora-sur-les-nouveaux-programmes-d-histoire-du-college-Leur-manque-de-coherence-reflete-la-crise-730590

    « L’ensemble manque de cohérence. Il aurait fallu une déclaration d’orientation intellectuelle et politique nette et claire. Les programmes ont une bonne inspiration : le retour à la chronologie, mais à l’intérieur d’une mosaïque de thèmes, qui ne forment pas une unité dynamique. Je ne jette pas la pierre au Conseil supérieur des programmes. Cette absence d’orientation reflète la crise identitaire que traverse la France, une des plus graves de son histoire. C’est l’expression d’une France fatiguée d’être elle-même, d’un pays qui ne sait pas trop où il va et ne sait donc pas dire d’où il vient. »

    Excès de Cock en stock dans ces mises à jour sans Lumières ?

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