Le coronavirus a fait au moins deux victimes que l’on n’attendait pas — même si leur état de santé inquiétait les gens conscients depuis lurette : l’Europe et la mondialisation.

Côté Europe, la réponse à la pandémie a été nulle, comme le soulignait Gianluca Di Feo, rédac-chef adjoint de la Reppublica : « Des masques, des gants en caoutchouc, des lunettes en plastique, voilà les premières choses que l’Italie a réclamées à l’Europe : le pays a demandé de l’aide pour construire la barrière la plus simple qui soit contre le coronavirus. Mais son appel est resté sans réponse. La France et l’Allemagne ont fermé leur frontière à ces produits, en interdisant ainsi l’exportation, et nous ont envoyé un signal inquiétant : aucun soutien concret, même pas minime, ne serait arrivé de Bruxelles. »
L’Europe, c’est le machin qui ronronne tant que tout va bien, et que les affaires sont les affaires, comme disait Mirbeau. Mais dès que des problèmes surgissent, curieusement, les égoïsmes nationaux se remettent en place. Ça alors ! L’idée de nation serait donc fonctionnelle quand ça va mal, et débilitante que tout va bien ?
Qui ne voit que seules les nations peuvent endiguer les crises ? Que seules les nations, dans leur diversité — et les Italiens, que tant d’imbéciles croient volages et indisciplinés, le sont bien moins que les Français — s’inventent des réponses adéquates ? Que les dangereuses illusions entretenues par des politiques qui regardent la ligne bleue des Vosges ont facilité la propagation d’un virus que l’on aurait pu contenir, si tant de crétins ambitieux n’avaient hurlé (à la mort, c’est le cas de le dire) que les élections municipales devaient suivre leur cours, ou que la crise migratoire n’en était pas une…

Il faut balayer tous ces gens-là dès que la situation sanitaire permettra de descendre à nouveau dans la rue. Balayer les européanistes béats qui ne voient pas plus loin que le bout de leurs sinécures bruxelloises. Balayer tous ceux qui confondent démocratie et rentes de situation.

Quant à la mondialisation… Pas un hasard si la région italienne où s’est implanté le coronavirus est le Nord industriel, là où les échanges internationaux sont les plus intenses. Pas le Mezzogiorno. Il n’y a pas de contacts fréquents entre Wuhan et Reggio-de-Calabre…

À noter que les religions ont leur part de responsabilité. En Corée du Sud comme en Alsace, ce sont des sectes protestantes qui ont le plus puissamment contribué à diffuser le virus. Et en Iran, le troisième pays le plus touché au monde, les fidèles, hier encore, se pressaient d’embrasser le tombeau sacré de Masoumeh, à Qom. Le virus aurait-il mis leur dieu dans sa poche ?

Les Français s’aperçoivent, sidérés, que l’arrêt des usines chinoises implique l’arrêt des fournitures médicales — entre autres —, tant nos industriels, pour gagner encore un peu plus de fric, ont renoncé, depuis longtemps, à produire sur le sol français. Les inquiétudes boursières de quelques traders soudain inquiets de leur réapprovisionnement en coke importent peu, dans ce contexte — et pourtant, nous n’avons cessé d’agir dans leur strict intérêt, comme si les revenus financiers étaient plus vitaux que la sécurité des citoyens.
Les banques, paraît-il, restent ouvertes… Mais combien de temps avant que l’argent ne se tarisse dans les distributeurs, et que ces opérateurs pleins de morgue ne saisissent le fric là où il est — sur vos comptes courants ? À la hart ! se seraient exclamés nos ancêtres, qui savaient, quand il le fallait, pendre les intendants du roi. Il y a des cordes qui se perdent, ces temps-ci.

Dans sa dernière allocution, jeudi dernier, Macron s’est drapé dans une dignité nationale qui visiblement le serrait un peu sous les bras. Soudain l’idée de nation renaissait — le temps d’une crise, le temps que les financiers trouvent des parades… Du moins ceux qui ne sont pas en train de se gaver dans ce marché baissier. Puis retour au business as usual — impôts nouveaux en sus ?

L’Europe et la mondialisation ont mis les peuples sous l’éteignoir. Mais les peuples sont plus robustes, et ils ont une plus longue mémoire, que ce que nos politiques de carton-pâte ont pu croire.
Les peuples, pour le moment, font le plein de spaghettis — fort bien. Quand le crise sera passée, quand le peuple aura survécu — et il survivra fatalement en tant que peuple, même avec 300 000 morts —, il faudra demander des comptes, et pendre les Saint-Jean-Bouche-d’or qui se sont gavés et comptent bien se gaver encore, avec de jolis mots du genre « redressement », « effort », « sacrifice ».

Sacrifice ? Les peuples, un peu partout, sont en train de se demander « à qui la faute ». Ce n’est pas une Europe régénérée qui devrait sortir de cette épreuve, mais une Europe démantelée, et peut-être plus fraternelle, dans ses différences enfin assumées. Ce n’est pas une mondialisation à nouveau heureuse qui se substituera à l’économie de crise, mais une renaissance de nos intérêts nationaux bien compris. Du moins, je l’espère — parce que l’énorme machine médiatique fera de son mieux pour nous faire oublier les errements des financiers avides, puisqu’aussi bien ce sont eux qui tiennent la presse.
Quant aux partis « populistes »… Qui ne voit, qui ne sent que la réponse adéquate n’est plus dans l’adhésion à telle ou telle figure mollement ambitieuse, mais dans la recomposition d’une République nouvelle ? N’y manque qu’une figure charismatique, pour l’instant absente du jeu politique. Mais j’ai dans l’idée que la crise s’aggravant, elle surgira d’elle-même, comme De Gaulle a surgi de la défaite, comme Napoléon a surgi de la Révolution. Et que les peuples l’entendront.

Jean-Paul Brighelli

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