Parfois, les journalistes semblent considérer que nous souffrons tous de déficience visuelle.

Suivre un programme en audiodescription quand on n’a pas de problème de vue, c’est comme enfiler des lunettes quand on n’en a pas besoin. C’est pénible :

Exemple d’audiodescription (extrait) from Retour d’image on Vimeo.

Lorsqu’on veut disposer de l’audiodescription, il faut appuyer sur le bouton AD de la télécommande. Mais en regardant les cérémonies de passation de pouvoir, puis le G7 et enfin, la rencontre Macron-Poutine, je me suis demandé si je n’avais pas appuyé sur ce bouton par erreur.

 

Autre exemple :

 

Tous les commentaires que nous entendons en accompagnement de ces images n’ont pas le même statut, la même fonction.

Il y a les explications qui permettent de mieux comprendre ce qui se passe: « qui accueille Emmanuel Macron, le chef du protocole? ».

Il y a les informations inutiles: « il a 60 mètres de tapis rouge à parcourir ».

Et il y a l’audiodescription pure : « la voiture arrive », « les deux hommes se serrent la main ». Cette redondance du discours par rapport à l’image devrait servir à souligner la solennité de l’instant, à insister sur les gestes symboliques mais, invasive, elle perd totalement cette fonction. Ainsi va-t-elle, notamment, se noyer dans un discours qui relève de la scénarisation psychologique : « ils échangent un petit sourire ». C’est surtout l’attendrissement et l’émotion de la journaliste que l’on sent dans le ton de ce commentaire.

Il faut d’ailleurs mettre sur ce même plan les informations qui ressemblent, par leur ton, à des éléments importants, mais qui sont seulement des manières de meubler ou, justement, de renforcer cet aspect psychologique: « il est ému, vous croyez? » – « Oui, c’est sûr, etc. »

Autre exemple :

 

 

On retrouve ici les divers aspects que je pointais plus haut. Et l’on peut compléter la liste en y ajoutant la prédiction facile : « cette voiture va s’immobiliser et le président russe va en sortir ». Et l’autosatisfaction : « Vous avez vécu la semaine dernière sur BFMTV la première poignée de main entre Emmanuel Macron et Donald Trump. Voici la première poignée de main entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine ». J’ai déjà souligné cette propension des médias à nous faire croire que nous « vivons » les choses à travers eux. Non, cette poignée de main, nous l’avons vue, point barre. Et puis, ce n’est pas comme si BFMTV l’avait filmée en exclusivité…

En résumé, je dirais qu’on a affaire à un parasitage de l’image par la prolifération du discours journalistique, lequel oscille entre la lecture psychologique des événements, qui participe d’une scénarisation permanente (on en revient à la téléréalité) et une parole vide ou faussement informative.

6 commentaires

  1. Le journaliste du service public ne donne pas directement son avis sur le bien et le mal contrairement à celui de Libération.

    Mais tout dans la façon de donner la parole, de rapporter des propos, de
    choisir ses interlocuteurs, d’ironiser, de se prosterner ou d’être agressif,
    tout révèle ses idées et sa propagande.

    Si vous souhaitez de l’audiodescription, en ce moment c’est facile. Ecoutez l’infâme Lionel Chamoulot commenter et nous gâcher Roland Garros. D’ailleurs le sport reste le seul domaine dans lequel vous pouvez hurler votre soutien aux Français et pousser des cris de joies quand l’Etranger commet une faute.

  2.  
    Cela me rappelle tout à fait les commentaires sur Netflix. Comme il arrive dans beaucoup de films et de « séries » modernes, le son couvre souvent les paroles des acteurs, de telle sorte que je suis obligé de mettre les sous-titres pour comprendre ce que les personnages disent.
     
    Le résultat est agaçant et comique à la fois. Si quelqu’un ouvre une ouvre, on voit à l’écran : « Il ouvre une porte ». Si un personnage prend son téléphone, le commentaire arrive : « Il décroche son téléphone », etc.
     
    C’est aussi un procédé de publicitaire avec une surdétermination du discours : tandis qu’une voix off vante les vertus d’un produit, s’inscrivent à l’écran des phrases – avec les mêmes mots – vantant les vertus du produit en question.
     

  3. Mais ma chère Ingrid, si vous permettez que je vous appelle comme cela, nous sommes complètement dans la psychologisation (infantilisation ?) de la société si bieen décrite par E. Zemmour, c’est aussi simple que cela…

  4. Chère Ingrid,

    Au moins, ceux qui aiment le foot sont entraînés pour cette « évolution »…

    En parlant d’évolution, je vois en ce moment tourner une très belle image sur les réseaux sociaux: « Les méduses ont survécu 650 millions d’années sans cerveau. C’est une bonne nouvelle pour beaucoup de gens. »

    Je vous souhaite une bien belle journée.

  5. Il me souvient d’une espèce de série Vf (Bonheur dans le pré?) où un neuneu nommé Manu et barbu propret, montait dans une barque pour un tour sur sa mare aux canards. Et, bande texte en dessous : « Manu va faire de la barque. Il monte. Oups… ça bouge. Ça y est » etc… Ce n’était alors pas crétin mais hilarant car s’il ne mord pas, le mot « chien » bouge encore.

    • Cher Hoëllard,

      J’ai raté cette diffusion du bidule dans le pré (mais bon, c’était plus la tasse de thé de mon ex, cette émission).

      Manu ou Sylvain? Propret dans son uniforme.

      http://www.laprovence.com/actu/en-direct/3973486/video-3-policiers-tombent-a-leau-le-web-senflamme.html

      Une barque inadaptée, avec des rames qui n’en sont pas, suivis par un journaliste qui lui démontre qu’il y a pied partout. Et le courant tellement fort ne l’emporte pas, lui, journaliste, avec sa caméra…

      Mais au fond, en matière de « dans le pré », Groland avec son Capitaine de Soirée, je pense qu’on n’a jamais fait mieux.

      Bonne journée à vous.

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