Fillon et Juppé oseront-ils s’y frotter ?
J’ai récemment pronostiqué que les futurs candidats à la primaire de l’UMP trouveraient un homme de consensus pour présider leur parti en la personne de François Baroin. Dimanche, sur France 5, Xavier Bertrand a confirmé mon intuition en citant le nom du député-maire de Troyes comme meilleur repreneur de ce paquebot à la dérive. Je pensais également qu’un ticket Guaino-Wauquiez pourrait compléter la distribution du film et nourrir un débat idéologique intéressant au sein de l’UMP. Mais la garde rapprochée de Nicolas Sarkozy a mis à bas cet édifice. Nadine Morano, dimanche, puis Brice Hortefeux, Pierre Charon et Roger Karoutchi ont dégainé mercredi. Pour eux, Nicolas Sarkozy doit être candidat à la présidence de l’UMP. Les chevau-légers du sarkozysme plastronnent : leur champion serait le seul à pouvoir remettre de l’ordre dans la maison UMP, ce qui exigerait la suppression de l’élection primaire qu’ils vouent aux gémonies. On imagine difficilement que cette sortie coordonnée ait pu se faire sans le feu vert de l’ancien président de la République ; on peut même légitimement penser qu’il l’a demandée.
Certes, dans son entourage, d’autres plaident pour qu’il se désintéresse de l’appareil politique vermoulu de l’UMP et qu’il construise sa candidature de façon gaullienne, hors des partis. Peut-être garde-t-il ces deux fers au feu. S’il se décide finalement à ne pas aller au congrès d’octobre, l’aimable invitation de Morano et Hortefeux apparaîtra d’autant plus comme une manière de dire : « Vous voyez, j’aurais pu y aller et j’aurais gagné, mais je suis au-dessus de tout cela. »
Ce n’est visiblement pas ce que pense François Fillon. Mardi soir, il a tenu un discours d’une violence rare à la tribune de son club Force Républicaine. C’est bien Nicolas Sarkozy et son éventuel retour qui étaient visés. Qu’on en juge : « Des millions d’euros détournés… C’est cela la politique ? La fin justifie les moyens ? On peut mentir, tricher, détourner l’argent des adhérents et des sympathisants et prétendre représenter la France et les Français ? Non ! ».
On a peine à croire que la cible de Fillon puisse être Jean-François Copé. Ce dernier, conscient de sa cote de popularité, a abandonné toute ambition pour 2017. Fillon visait probablement celui qui, selon l’avocat de Bygmalion et Jérôme Lavrilleux, aurait bénéficié de fausses facturations pour sa campagne présidentielle.
Les sarkozystes savent bien que cette ligne de défense ne tient pas. Domenach et Zemmour faisaient remarquer que Nicolas Sarkozy était le meilleur spécialiste français de l’organisation de meeting. Partant, comment croire qu’il ignorait le coût des grands barnums de Villepinte, de la Concorde et du Trocadéro ? C’est pourquoi, sa garde rapprochée dément en bloc les accusations de Maître Maisonneuve et Jérôme Lavrilleux, pointant plutôt du doigt un enrichissement de Bygmalion – ce qui mouille davantage le clan Copé – sur le dos de l’UMP.
L’affaire Bygmalion, c’est le caillou dans la chaussure de Sarkozy. Pourquoi, alors que policiers et juges ont mis leur nez dans les comptes de l’UMP, Nicolas Sarkozy aurait intérêt à aller en plein milieu du nid de frelons ? Mais un retour comporte aussi ses avantages. Le premier, c’est que la place est libre et que ses concurrents Juppé et Fillon ne comptaient envisageaient de placer un homme de paille à la présidence du parti pour mieux préparer la primaire en vue de 2017. Or, une candidature de Sarkozy à la présidence de l’UMP jetterait leur plan à la rivière. L’ancien président battrait tout candidat de seconde catégorie à plates coutures. Il met donc la pression sur Fillon Juppé en les poussant à se dévoiler. Juppé et Fillon pourraient-il oser affronter directement Sarkozy dans un congrès de l’UMP ? Juppé aurait toute légitimité à le faire, fort d’arguments idéologiques et politiques. Mais de toute évidence, on ne le voit pas aller au feu.
Reste Fillon. Son discours viril de mardi soir annonce-t-il sa future candidature face à Nicolas Sarkozy ? Si tel était le cas, la campagne pour la présidence de l’UMP serait d’une telle violence qu’elle ferait passer celle de l’hiver 2012 pour les aventures de Oui-Oui.
Dans une telle bataille, il ne faudrait pas sous-estimer l’ancien Premier ministre, soutenu par de nombreux parlementaires et anciens ministres. Toutefois, s’il défiait Sarkozy, le parti irait vers la scission et à la double candidature pour 2017. Du sang sur les murs.
À moins que François Fillon ne finisse par se déballonner, en homme auto-émasculé comme le décrit Jérôme Lavrilleux dans la dernière livraison duPoint. S’il se ralliait au panache de Nicolas Sarkozy avant l’élection du président de l’UMP, il devrait espérer que son éternel rival soit finalement rattrapé par une quelconque « affaire » d’ici 2017. Les prochaines semaines nous en diront beaucoup sur le caractère de François Fillon. Ce n’est pas le moindre intérêt de l’éventuelle candidature de Nicolas Sarkozy à la présidence de l’UMP.