Charles Pasqua est mort
Charles Pasqua nous a quittés. Il a rejoint son compagnon de route Philippe Séguin, parti il y a cinq ans. Quand vous dites que vous avez été un séguiniste, vous percevez chez votre interlocuteur une certaine admiration. Quand vous dites que vous avez aussi été un compagnon de Charlie, on vous balance le SAC, Malik Oussékine et d’autres amabilités. Et pourtant, je n’ai jamais eu à rougir de ce compagnonnage. Parce qu’à l’âge où j’avais encore de la passion pour mes petites voitures « majorette », lui entrait dans la résistance. Son oncle venait d’être tué. « Un Pasqua tombe, un autre se lève ». Il s’en est fallu d’un cheveu pour que l’adolescent Pasqua ne subisse le même sort que son oncle. La chance l’a préservé. Au moment où j’écris ces lignes, le journaliste Jean-Michel Aphatie twitte, satisfait de lui : « Charles Pasqua a été le serviteur zélé de la part d’ombre de la République. ». Il ne croit pas si bien dire. Pasqua fut de l’Armée des Ombres. Celle de Joseph Kessel. Mais Aphatie a-t-il seulement lu Kessel ? Certainement pas. Dans le cas contraire, il ne twitterait pas avec ses pieds ce soir.
Mes premiers combats avec Pasqua datent de 1990. Philippe Séguin, dont j’étais le militant dévoué, avait choisi de faire alliance avec lui pour infléchir la ligne balladuro-juppéiste que Jacques Chirac infligeait au RPR. Il y eut ensuite Maastricht. Une défaite, sur le fil. Mais une victoire morale vingt–trois ans plus tard. Au moment où Charles Pasqua nous quitte, tout ce que les deux compagnons de route de la souveraineté nationale nous avaient dit alors sur cette monnaie unique se réalisent. Il y a seize ans, il m’avait choisi pour être l’un de ses colistiers pour la campagne des élections européennes qui le vit terrasser Nicolas Sarkozy. Une si belle campagne. Une victoire au bout, pour une fois. Nous étions les dissidents. Face à un parti organisé. Et nous l’avons dépassé. Parce que nous croyions à ce que nous disions à nos électeurs. Des années plus tard, je crois, comme Marie-France Garaud – qui doit être bien triste en ce lundi soir- que Charles Pasqua aurait dû se rendre rue de Lille et s’asseoir dans le fauteuil de président du RPR, au lieu de créer son parti en tête à tête avec Philippe de Villiers. Il avait acquis la légitimité des urnes. Ce putsch bonapartiste serait passé comme une lettre à la Poste d’Ajaccio.
Il avait donné sa vie au Général de Gaulle, même longtemps, très longtemps après novembre 1970. Charles Pasqua n’a pas seulement été un très grand ministre, dans des moments où les attentats touchaient déjà la France au coeur. Il était avant tout un militant.
« Un militant », ce mot qu’il disait lui-même avec son accent irremplaçable.
Et inoubliable.
Et oui, c’était un homme d’Etat mais malheureusement, il se ne s’est toujours considéré que comme un second couteau.
Toujours derrière son âme damnée, que ce soit Balladur ou Chirac.
Avait-il la force, le désir d’être devant? On ne le saura probablement jamais.