Que cache sa position sur le front républicain?
S’il n’en reste qu’un, ce sera lui. Manuel Valls se place comme le dernier héraut duFront républicain. Il y a deux semaines, il mettait Marine Le Pen en colère en déclarant qu’il fallait « tout faire pour empêcher le FN de gagner » dans une ou plusieurs régions. La présidente du FN tonnait : « Par la violence ? ». Evidemment il n’a jamais été question pour le Premier ministre d’interrompre le processus démocratique. Sa déclaration, suivie de celle de dimanche (« Ce serait un drame »), n’était destinée qu’à prendre date. Parce que ses amis abandonnent la stratégie suicidaire du Front républicain à sens unique, il a décidé d’adopter la posture diamétralement opposée : Non, nous ne pouvons prendre la responsabilité de laisser élire Marine et Marion Le Pen, voire Florian Philippot, Louis Aliot et Sophie Montel ; oui, nous devons privilégier l’alliance avec les partis de droite républicaine afin de l’empêcher, quitte à assumer l’UMPS, slogan du Front national.
Entre deux maux, il choisit celui qu’il estime le moindre.
Le voilà donc qui diffuse à la presse son « plan ». Reconnaissant les arguments de ses amis selon lesquels un retrait pur et simple au soir du 1er tour ferait disparaître la gauche de ces régions pour la mandature, il propose la fusion des listes, aboutissement suprême de l’UMPS. Entre deux maux, il choisit celui qu’il estime le moindre. Le problème, c’est que ses amis ne l’entendent pas de cette oreille. A commencer par Jean-Christophe Cambadélis qui twitte drôlement qu’il « ne met pas son pantalon avec son caleçon », appelant les socialistes – et donc Matignon ! – à se préoccuper d’abord du premier tour. Camba n’a pas tort. Prévoir dès aujourd’hui cette fusion des listes risque fort de démobiliser davantage encore l’électorat de gauche. A droite, Manuel Valls ne rencontre pas un plus grand succès. Pas question pour LR de fusionner les listes. On peut imaginer que Nicolas Sarkozy ne soit pas opposé à l’idée de sacrifier Dominique Reynié, qui pointe pour l’instant en troisième position dans le Sud, afin de bénéficier du retrait de Pierre de Saintignon au profit de Xavier Bertrand dans le Nord. Mais, la fusion, ça jamais ! Le FN en ferait son miel et Nicolas Sarkozy sèmerait un trouble définitif dans sa base, en vue de la primaire. Reste l’Elysée, bien silencieux jusque là. Il est peu probable que Jean-Christophe Cambadélis ait abandonné la stratégie du front républicain sans l’aval de François Hollande. Il est même légitime d’imaginer que la décision a été arbitrée par le Président de la République.
Et si, à l’instar de son mentor Michel Rocard, il décidait de partir ?
Dès lors, on peut analyser l’attitude de Manuel Valls comme une révolte contre celui qui l’a nommé. Et si le Premier ministre, sachant que les dés sont jetés, souhaitait prendre date et préparait d’ores et déjà sa démission après des élections régionales d’autant plus catastrophiques pour son gouvernement que le FN remporterait une ou plusieurs régions ? Et si, à l’instar de son mentor Michel Rocard, ministre de l’agriculture en 1985, il décidait de partir, déplorant l’attitude du Président de la République dans sa gestion du Front national ? A l’époque, il s’agissait pour Rocard de dénoncer la mise en place machiavélique du scrutin proportionnel favorisant l’entrée de députés FN. Son retrait mettrait ainsi Valls en réserve pour une nouvelle majorité qu’il appelle aujourd’hui de ses vœux après 2017, si Marine Le Pen est présente au deuxième tour. Se voit-il déjà de retour à Matignon en 2017, premier ministre d’Alain Juppé ? Ou, plus ambitieux encore, voit-il cette stratégie comme le tremplin vers sa propre candidature, présentée comme le Rempart contre la Bête immonde ? A suivre…