Présentation

A les entendre, on croirait que les journalistes sont des obsédés du décryptage. En réalité, ils ne « décryptent » rien et surtout pas leur propre discours. Cousu de formules toutes faites et de mots préconçus jamais remis en cause, le discours médiatique est un code de lecture du monde qui oriente fortement notre compréhension de l’actualité. Plus exactement, les journalistes s’emploient à l’orienter en vertu de ce qu’ils considèrent comme leur responsabilité morale, une éthique du bien qui leur fait parfois oublier jusqu’à l’éthique du vrai, pourtant au cœur de leur profession. Notons que cette fonction du journaliste comme directeur de conscience n’est pas toujours ouvertement assumée, ainsi qu’en témoigne le mythe persistant de la neutralité journalistique, entretenu par les principaux intéressés. On ne saurait s’étonner, dès lors, que la profession de journaliste soit de celles qui, selon de récents sondages, nous inspirent le moins confiance. Mais, il faut bien le reconnaître, même ceux d’entre nous qui rejettent de manière systématique et radicale le pré-pensé médiatique se positionnent en réalité par rapport à lui. S’il ne domine plus au sein de la population, ce discours reste néanmoins porteur des thèses officielles et surtout, de la morale officielle, avec ses dogmes intouchables et ses croyances irrationnelles qui définissent l’esprit d’une époque, la nôtre : le bain idéologique qui nous sied ou nous agace mais dont nous ne saurions nous extraire, puisqu’il façonne jusqu’à notre vocabulaire. C’est ce conditionnement par les mots que j’ai mis en évidence dans mon livre, la Langue des médias (L’Artilleur, 2016), et que je me propose d’examiner sur ce blog.