Les curieuses déclarations de la ministre de la Famille

 

La ministre de la Famille ne lâche pas l’affaire. Dimanche soir, dans l’indifférence quasi-générale, Dominique Bertinotti a exposé les projets du gouvernement en matière de procréation médicale assistée, lesquelles heurtent de plein fouet ce que nous avions cru comprendre jeudi soir en écoutant le président de la République. Avions-nous mal compris ? Si c’est le cas, nous sommes loin d’être les seuls. Vendredi matin, toute la presse constatait que François Hollande avait annoncé s’en remettre à l’avis du Comité Consultatif National d’Ethique pour intégrer ou non la PMA dans le projet de loi Famille, discuté à l’automne prochain.
Il était difficile de comprendre autre chose. Qu’on en juge :
François Hollande – La procréation médicale assistée pour des couples, qui ne sont pas nécessairement homosexuels, est renvoyée au comité national d’éthique qui va donner un avis à la fin de l’année.
David Pujadas – S’il dit non ?
FH – Je respecterai ce que dira le comité national d’éthique.
DP – Et s’il dit oui ?
FH – Je verrai son avis, je ne veux pas préjuger.
Pourtant, Dominique Bertinotti, dans l’émission « Tous Politiques » sur France Inter, nous a livré une autre explication de texte. Elle y explique que l’avis du comité « fait partie des éléments qui sont susceptibles d’éclairer la prise de décision. » Allons bon ! François Hollande ne nous avait pas parlé d’autres d’éléments. Puis elle ajoute :  « Le terme exact de François Hollande est « je respecterai ». Et l’avis du comité peut être un avis qui n’est pas simplement oui ou non. Pourquoi se priver de l’ensemble de ces nuances ? On n’est pas dans des débats caricaturaux. » Ainsi, pour la ministre déléguée à la Famille, « je respecterai » ne signifie pas qu’il s’y conformera obligatoirement. Ce que, pourtant, David Pujadas avait bien cru comprendre et avec lui toute la presse et tous les téléspectateurs, y compris au sein du mouvement LGBT.
Dès lors, l’explication de texte de Dominique Bertinotti peut s’expliquer de quatre façons. Avant de les aborder, notons qu’elle a pris soin de s’exprimer un dimanche de Pâques. Le lundi de Pâques, les émissions dominicales font l’objet de moins de reprises et les propos qu’on y exprime ont davantage de chances de passer inaperçus. En revanche, ceux qui attendaient impatiemment qu’elle s’exprime, comme les militants de la cause LGBT, étaient certainement à l’écoute. Le but était donc, semble-t-il, de tenter de rassurer les seconds.
Première explication possible : François Hollande a roulé les téléspectateurs dans la farine. En fait, « respecter » ne signifie pas « se conformer » à l’avis du CCNE, lequel devrait pourtant être clair, contrairement à ce qu’affirme la ministre. Comme l’explique Jean-Claude Ameisen, son président, le comité avait rendu un avis négatif en 2010. On voit mal pourquoi il rendrait en 2013 un avis mi-chèvre mi-chou. Dominique Bertinotti aurait donc eu pour mission de lancer un message au mouvement LGBT afin de le rassurer et lui demander de prendre son mal en patience, la priorité du président étant de casser la dynamique du mouvement anti-mariage gay, en feignant de lui donner des gages.
Deuxième explication possible : François Hollande a roulé Dominique Bertinotti dans la farine. Comme dans la première explication, il l’a mandatée pour rassurer le mouvement LGBT, mais surtout pour la rassurer elle-même ainsi que les pro-PMA de son gouvernement car  il n’a aucune intention d’intégrer la PMA dans la loi. Dans ce cas, il risque d’y avoir quelques remous en novembre prochain.
Troisième explication possible : Dominique Bertinotti a roulé le mouvement LGBT dans la farine. Elle est parfaitement consciente que le Président ne souhaite pas intégrer la PMA dans la loi Famille et tente d’endormir les militants de cette révolution bioéthique.
Quatrième et dernière explication : Dominique Bertinotti a défié le Président de la République. Il n’y avait aucune concertation entre l’Elysée et la ministre. Mais elle ne lâche pas l’affaire et contredit ouvertement la parole présidentielle. Dans ce cas-là, François Hollande doit lui demander de partir, puisqu’il a aussi affirmé jeudi que le prochain couac provoquerait le départ de son auteur.
Au lecteur de se faire une idée entre ces quatre explications. Pour notre part, nous privilégions la seconde et, dans une moindre conviction, la quatrième.

4 commentaires

  1.  » En fait, « respecter » ne signifie pas « se conformer » à l’avis du CCNE, lequel devrait pourtant être clair, contrairement à ce qu’affirme la ministre. »

    « Respecter » ne veut plus dire grand-chose, surtout dans la bouche du président. En effet, il suffit de voir comment il a expédié l’affaire en moins d’une minute dans son entretien du 28 mars:
    « Je respecte ces contradictions qui existent dans la société française. Alors, qu’est-ce que je dois faire ? Je suis un président qui veut à la fois tenir mes engagements et, en même temps, qui a le souci de respecter et d’apaiser. Qu’est-ce que j’ai décidé avec le Parlement ? C’est qu’il n’y avait, dans le texte, que le mariage pour tous et l’adoption dans certaines conditions. C’est tout. Je le redis ici, la PMA, la procréation médicale assistée – pour des couples d’ailleurs qui ne sont pas nécessairement homosexuels – ce n’est pas dans le texte. »

    Donc il respecte (la contradiction), il a le souci de respecter et d’apaiser (qui ?) mais il a surtout le souci de respecter son engagement (donc mariage pour tous et adoption… alors que le dit engagement, présent uniquement sur les professions de foi du 1er tour, n’avait séduit que 28% des électeurs). Donc, circulez, y a rien à voir.

    Alors le rapport avec Mme Bertinotti, la PMA ou ces couacs ? Aucun puisque, contrairement à la moitié des Français qui ignore encore que le « mariage pour tous » ouvre à l' »adoption pour tous », lui, il sait parfaitement (ainsi que tous les gens qui ont manifesté le 24 mars dernier) que la CEDH et l’UE obligeront la France à se « conformer » à la loi européenne (PMA pour tous, voire GPA pour tous) dès qu’un couple marié homo français portera plainte pour « discrimination ».

  2. Respecter signifie « manifester un sentiment de déférence envers un supérieur ou une institution » et dans le sens second, il s’agit de « tenir en respect » un égal ou un inférieur ».
    L’inflation du mot « respect » aujourd’hui tient à la fois de l’inculture généralisée et de la volonté de domination de certains groupes qui réclament qu’on les respecte alors qu’eux-mêmes ne respectent rien ni personne.
    Le président de la république (avec des minuscules) emploie le mot « respect » pour dire simplement qu’il manifeste de la déférence envers l’avis d’une institution honorable, pas pour dire qu’il suivra ledit avis.
    L’avis, en fait, il s’en cogne ! Il fera comme bon lui semblera : les 4 hypothèses sont conformes à la logique. Pour savoir laquelle deviendra réalité : il suffit de choisir celle qui vous semble la plus bête, c’est celle-là qu’il choisira.

  3. Filiation dématérialisée demain , corps titrisés après-demain. Tout cela procède du même esprit qu’en économie.

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