Entretien avec Daniel Riolo
David Desgouilles. Vous titrez votre essai Racaille Football Club (Hugo et Cie, 2013), ce qui vous a valu un procès en racisme, alors que l’ensemble de votre livre ne peut absolument pas prêter le flanc à une telle critique. En dehors de considérations « marketing », pourquoi avoir choisi un titre aussi provocateur ?
Daniel Riolo. Il n’y avait absolument aucune volonté de provocation. Le mot racaille est entré dans l’espace public. D’abord, lorsque Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur l’a utilisé sur la dalle d’Argenteuil en 2005, ensuite lorsque Roselyne Bachelot, ministre des sports, a parlé de« caïds immatures » à l’Assemblée Nationale à son retour d’Afrique du Sud. Plus généralement, lorsque vous parlez aux Français de l’équipe nationale après la coupe du Monde 2010 ou l’Euro 2012, ce qui revient le plus comme expression, c’est « équipe de racailles ». Je suis donc tout à fait tranquille face à cette accusation de racisme, effectivement démentie à la lecture du livre, qui est systématiquement utilisée par un petit milieu politique et médiatique parisien.
À propos de l’affaire des quotas dont Mediapart avait fait ses choux gras il y a deux ans, on s’aperçoit que, non seulement les accusations de racisme lancés par le site d’Edwy Plenel étaient illégitimes, mais qu’en fait Laurent Blanc et François Blaquart, les accusés, voulaient faire cesser une tendance racialiste bien en vogue, notamment au sein du centre de formation national de Clairefontaine.
D’abord, le seul fait que ce soit Mediapart qui les ait accusés de racisme aurait dû attirer l’attention. Le site est peut-être performant pour révéler certaines affaires politico-financières, il n’en reste pas moins que sur les sujets de société, il a tendance à voir xénophobie, fascisme et racisme partout. D’autre part, des comportements et discours ethniques avaient cours depuis longtemps dans le football français. « Des grands noirs costauds qui sautent haut », « des rebeus techniques », voilà ce que disaient rechercher ceux qui recrutaient pour le foot français, ce qui a abouti à une ghettoïsation du foot. Après Knysna, Blanc et Blaquart arrivent aux commandes et s’interrogent sur les succès du football espagnol, qui ne comptent que des Blancs, plutôt petits et techniques. De surcroît, ils se rendent compte que beaucoup de joueurs faisant partie des équipes de France de jeunes finissent par choisir la sélection nationale de leur pays d’origine, d’où la question des « binationaux ». Ils ont simplement voulu prendre le contre-pied de ce qui se pratiquait depuis quelques années. En fait, Blanc et Blaquart ont été naïfs.
Vous évoquez des taux extrêmement élevés de pratique de l’islam dans le football professionnel français. Vous rappelez à cet égard les buffets « Halal pour tous », préconisés par Raymond Domenech. Et vous citez une anecdote incroyable sur le fait que la plupart des douches se prennent désormais en short…
À propos des buffets Halal, je cite aussi Eric Abidal qui explique assez naïvement que « si certains le souhaitent et que cela ne gêne pas les autres, pourquoi ne pas avoir ce régime pour tout le monde ». Quant aux douches en short, c’est effectivement assez récent et c’est davantage une habitude et une mode que l’application d’une prescription religieuse exigeant de ne pas exposer ses parties intimes. Il y a là une affirmation identitaire et non pas de la radicalité religieuse. On peut donner l’exemple de Nasri qui un jour souhaite publiquement un bon ramadan à ses coreligionnaires mais part le lendemain faire la fiesta à Las Vegas. Pour en revenir à cette histoire de douches, il y a des équipes où la plupart des joueurs sont musulmans et où les autres vont finir par se comporter en « suiveurs ». Dans d’autres clubs, on aura 50 % de joueurs qui continueront à se laver en tenue d’Adam après le match. C’est assez symptomatique d’une France morcelée.
Vous consacrez votre dernier chapitre au pouvoir des agents, officiels et officieux. En quoi est-ce l’une des clefs pour expliquer le développement de « l’esprit racaille » qui règne dans le football professionnel ?
J’ai voulu ce chapitre dans un souci d’indulgence envers les footballeurs. Dans ce système ultra-libéral où le chef d’entreprise n’est plus le club mais l’agent du joueur, ils ne sont que des pions. La notion d’attachement a disparu. L’agent a sorti le joueur de l’esprit collectif. Il n’est pas étonnant de constater alors le triomphe de l’individualisme avec tous les excès que ça implique, notamment une certaine « culture racaille ».
En prenant bien souvent le parti des joueurs contre leurs clubs ou les supporteurs, certains médias ne renforcent-ils pas cette culture-là ? Je pense notamment au « Canal Football Club »…
Bien entendu ! Cette émission, comme « Le Grand Journal » sur la même chaîne, est là pour « cirer les pompes » de ses invités. Il y a une véritable rupture entre le public et ses émissions. Dans le livre, je cite Christophe Dugarry et Pierre Ménès, qui participent par ailleurs au CFC. Ils sont souvent plus sévères que moi par rapport à l’état d’esprit de cette nouvelle génération de joueurs. Mais le dimanche soir, il faut faire le show, dans « l’esprit Canal »…
Racaille Football Club, Daniel Riolo, Hugo et Cie, 2013.
La violence est congénitale au football, même entre populations endogènes. Cela a commencé avec Pépone contre Don Camillo ( dans chaque petite ville de France qui possédait deux clubs, les « rouges » se cognaient allègrement avec les « calottins » et pas seulement sur le terrain ) puis Clochemerle ( avec des joutes sportives plutôt musclées avec les villes voisines, pourtant élégamment appelées « Derbys » mais pas toujours très fair play ) et, enfin, au plus haut niveau, le rapport de force ( pour mon premier match à Brest à 17 ans, j’ai été copieusement insulté et me suis fait cracher dessus tout le match par l’avant centre adversaire strasbourgeois qui avait l’âge de mon père ou presque et c’était dans les années 70 ).
Alors, vous imaginez, aujourd’hui, la déflagration avec des populationset/ou des individus n’ayant pas la même culture ( voire pas de culture du tout ), les mêmes centres d’intérêts ( amour du maillot entre autres fadaises auxquel seuls les bénévoles et les supporteurs croient encore ) et un environnement familial et social pas, toujours très sain et équilibré.
Amusant, de voir tous les commentateurs « spécialisés » dont l’ineffable Pascal Boniface ( n’est pas Camus qui veut ), courir au secours de la beauté éternelle du jeu de football après les émeutes du Trocadéro.
Amusant, aussi, le tropisme habituel du « ministricule » milieu médiatique, prêt à vous faire comparaître devant le Tribunal de La Haye si vous osez remettre en cause le merveilleux concept fumeux de « blackblancbeur attitude ».
Vaste blague !!!
Votre dernière question sur les médias répond, en partie, aux critiques formulées par les Cahiers du Football sur l’impasse qu’avait fait Riolo par rapport à la profession.
Sinon, je regrette que vous n’ayez pas poser une question sur le passage consacré a Ryad Boudebouz.
Bon article qui m’incite à acheter le bouquin de Riolo.
Ceci dit, passons aux choses sérieuses : « Allez l’OM ! »
Il y en aura une petite louche pour votre club La Rouméliote.