En excluant Lavrilleux, Juppé se couvre de ridicule
Aujourd’hui, le bureau politique de l’UMP devrait lancer une procédure d’exclusion contre Jérôme Lavrilleux. Aussitôt installée, la troïka d’anciens hôtes de Matignon, aidée par Luc Chatel, ne fait pas dans la demi-mesure. Voilà un homme qui s’est dévoué corps et âme pour son parti, qui explique avoir couvert des agissements illégaux dans l’intérêt du candidat Sarkozy, qu’il refuse de mouiller ainsi que Jean-François Copé, et qui va se faire exécuter par les siens avant même que la Justice ait rendu son verdict. Voilà un homme qui est allé expliquer tout ceci à la télévision, ce qui a précipité la déchéance de son chef et ami Copé, et donc l’installation de ladite Troïka, qui lui doit donc beaucoup.
J’ai bien écouté Luc Châtel, dimanche sur Europe 1. Selon le nouveau bras armé de la Troïka, que les sarkopéistes ont souhaité imposer à cette dernière (ils doivent déjà s’en mordre les doigts !), les aveux médiatiques de Lavrilleux justifient une exclusion, avant même que la justice ne passe.
Examinons la position des membres de la Troïka. Fillon veut se payer Lavrilleux en souvenir de l’hiver 2012. Souvenons-nous de cet épisode extraordinaire où le directeur de cabinet de Copé avait –en direct sur les chaînes d’info- assumé le putsch en expliquant grosso modo que les fillonistes avaient tellement bourré les urnes dans les Alpes-maritimes qu’on pouvait tenir pour quantité négligeable l’oubli de scrutins ultramarins. Il suffit d’avoir vu la mine atterrée d’une très proche de François Fillon quand on évoque le nom de Lavrilleux pour être convaincu des sentiments hostiles que cet homme déclenche dans son camp. Passons sur Jean-Pierre Raffarin qui veut bien exclure ou inclure n’importe qui du moment qu’on ne dérange pas son petit chemin vers la présidence du Sénat et attardons-nous sur le cas d’Alain Juppé. On accuse souvent le maire de Bordeaux de manquer d’humour. Quand il annonce vouloir exclure Lavrilleux, rendons-lui justice, il n’en manque assurément pas. Car la figure de celui qui se sacrifie pour le chef et assume les agissements illégaux, jusqu’à ce que Lavrilleux décide de la jouer avec plus ou moins de talent, jusqu’ici, par qui était-elle incarnée à droite ?
Si on suit la logique de la nouvelle direction de l’UMP, attendre que les magistrats déclarent Alain Juppé coupable de délits dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris, c’était une faute ? Il aurait fallu, dés les premiers soupçons, lui montrer la direction de la porte de son parti, alors que le principal coupable était à l’Elysée ? Juppé resta même président de l’UMP jusqu’à cette condamnation. Là encore, il s’agissait de contourner les lois sur le financement de la vie politique ; là encore, il s’agissait de ne pas faire tomber celui à qui profitait le délit. Le ridicule ne tuera donc pas Alain Juppé, rassurons-nous, comme il ne sera pas fatal à Geoffroy Didier qui, en pleine affaire Bygmalion, a cru bon de donner des leçons de bonne gestion de l’argent public aux syndicats. Pour couronner le tout, il ne manquerait plus que Jean-François Copé dépose une proposition de loi sur la moralisation du financement des partis politiques…