Quand les candidats débattent avec les journalistes
Nous aurions préféré continuer la lecture du dernier Jérôme Leroy. Mais nous étions punis, consignés à regarder le débat du second tour de la primaire de gauche. Faut-il avoir le sens du devoir pour s’imposer une telle confrontation après la tragi-comédie de ce début de semaine et ces soupçons de fraude et/ou d’amateurisme qui entouré le premier tour du scrutin.
Le méchant de Rocky 4
On s’était préparé à un débat musclé. On avait même regardé la veille une rediffusion de Rocky 4 et on se surprenait à comparer les regards sévères de Manuel Valls et Ivan Drago. Il n’en a rien été. La courtoisie était de mise. Au début, c’est plutôt Benoît Hamon qui a continué sur sa lancée. Comme dans les débats du premier tour. On y a discuté ses propositions, et en particulier sa proposition-phare, le fameux revenu universel. Manuel Valls n’était pas sur son terrain et cela s’est vu, même s’il s’est attaché à envoyer des clins d’œil à l’électorat d’Arnaud Montebourg, allant même jusqu’à reprendre le slogan de son ex-Ministre de l’économie : « Je suis le candidat de la feuille de paie. » Même si Hamon s’est montré davantage à l’aise dans cette première partie, il est possible que les électeurs de Montebourg aient été déstabilisés par cet échange où Manuel Valls leur parlait davantage.
Laïque vs écolo
C’est ensuite, sur le terrain de la laïcité, que l’ancien Premier ministre s’est montré plus à l’aise, Benoît Hamon étant plus laborieux. Ce dernier s’est vu reprocher la proximité de l’un de ses porte-paroles avec le CCIF, seul véritable uppercut de cette confrontation. Hamon n’a pas répondu à cette interpellation. Sur l’écologie, l’ex-ministre de l’Education a semblé aussi à son aise, parlant au cœur de l’électorat de la primaire. Valls a réagi sur les terrains régaliens. Chacun sa route, chacun son chemin, chantait Tonton David.
On est bien incapable de déterminer lequel des deux a donc pris le dessus sur l’autre. Si les mêmes électeurs (réels ou fantômes made in Camba-Borgel) se rendent aux urnes dimanche, Benoît Hamon devrait l’emporter. Mais il peut y avoir du mouvement. Valls n’a pas encore perdu. Ce qui nous a encore agacé, c’est la tendance à verser dans le journalisme sportif, exactement comme nous l’avions déploré pour le match Fillon-Juppé. Nous ne pouvons aussi que regretter la nouvelle mode des débats à l’américaine, où les candidats ne débattent plus entre eux mais avec les journalistes.
Si on peut comprendre qu’une confrontation entre sept candidats contraignent à ce format, un face-à-face de second tour peut – et doit – se faire à la française, c’est-à-dire avec les deux impétrants assis l’un en face de l’autre et des journalistes intervenant le moins possible. On prie pour que cette nouvelle habitude prise pendant les primaires ne fassent pas école lors du débat d’entre-deux-tours de la vraie élection présidentielle.