La polémique sur les propos discrètement enregistrés de Laurent Wauquiez est purement parisienne et révèle la fracture entre la capitale et sa périphérie. Ca tombe bien, c’est à elle que le président de LR s’adresse. 


Je débarque de ma province comtoise et il est question de Laurent Wauquiez. Evidemment. C’est le sujet médiatique numéro un depuis vendredi soir. Et l’accusé est allé enfin s’expliquer la veille sur l’antenne de BFM TV. Immédiatement, sur le plateau de Sud Radio ce matin, j’ai compris que j’allais avoir le rôle ingrat de défenseur. D’avocat du diable.

Il n’y a que Paris pour s’offusquer

Mes trois interlocuteurs tapent comme des sourds sur Wauquiez. C’est un populiste. Il est irresponsable. Il se « trumpise ». Il raconte n’importe quoi pour qu’on fasse attention à lui. C’est à mon tour d’intervenir. J’attire l’attention sur le fait que, dans l’électorat de droite, il y a ce sentiment que l’ensemble de la presse tire toujours dans le même sens, qu’une phrase polémique d’Emmanuel Macron, c’est un jour de débats sur les chaînes info, quand c’est quatre avec Fillon ou Wauquiez. C’était d’ailleurs la première salve lancée par le président LR sur le plateau de Ruth Elkrief. Mes interlocuteurs protestent.

C’est à ce moment que l’animatrice de l’émission, Valérie Expert, prend l’appel d’une auditrice biterroise. Et elle défend Wauquiez bien plus énergiquement que je ne l’ai fait. Il y aura deux autres appels du même genre. Ce sentiment existe bien, et mes trois comparses sont bien obligés de le constater. Quant à le trouver justifié, en revanche, ce ne sera pas pour aujourd’hui, à écouter leurs protestations et leurs tentatives avortées de remettre l’auditeur fourvoyé sur le bon chemin. Pourtant, Muriel, Sammy et les autres existent bien et ils soutiennent l’homme à la parka rouge. On a l’impression qu’ils se fichent bien que ce soit Wauquiez ou un autre mais l’agacement est tel qu’ils ont pris leur téléphone pour dire leur vérité.

Laurent Wauquiez parle à la France qui vote pour lui

Cette coupure Paris « mainstream » vs. France des petites villes et des campagnes, elle existe, elle s’élargit et c’est bien aux habitants de la seconde que Wauquiez a voulu parler. Depuis sa fameuse tribune au JDD, on sait que c’est bien dans les provinces que les marges de manœuvre électorales existent. Le processus électoral de l’automne dernier, qui l’a mené à la tête des Républicains, lui a aussi permis de constater que plus les médias le présentaient en Bête du Gévaudan, plus il était populaire dans son propre camp. A-t-il lu le formidable livre de notre camarade Gérald Andrieu, qui racontait la défiance de la France périphérique envers le journaliste venu de Paris, et à qui on accepte de parler que parce qu’il a eu l’idée géniale de venir à sa rencontre avec son seul sac-à-dos ? C’est possible. Si la comparaison avec Trump a finalement un sens, c’est dans la compréhension que, pour bonne partie du pays, le divorce avec la presse « mainstream », dont Quotidien n’est que l’avant-garde arrogante et ricaneuse, est acté. Alors Wauquiez en profite.

Malgré sa balourdise, qui le conduit à égratigner Sarko le grand commandeur. Malgré ses formules de communicants qui finissent par ressembler à des tics de langage (« Madame Ruth Elkrief, permettez-moi de répondre à votre question », combien de fois ?). Malgré le soupçon d’insincérité qui pèse sur lui, l’ancien disciple de Jacques Barrot reconverti en apôtre de la droite décomplexée version Puy-en-Velay.

A qui perd Paris, gagne la France

Alors que l’émission s’achevait, les chiffres d’audience de l’interview de Laurent Wauquiez sur BFM TV tombaient sur le fil Twitter de Valérie Expert. 786 000 personnes en moyenne avec un pic tutoyant le million de téléspectateurs. Un vrai carton d’audience sur une chaîne d’information continue. Une émission diffusée à 19h00. Où regarde-t-on la télévision à cette heure ? Certainement pas dans la France des métropoles. Il y a trois jours, je confiais à un jeune wauquiéziste que son patron aurait pu se priver de cette séquence et mettre plutôt le paquet sur la suppression des petites lignes de trainpréconisée par le rapport Spinetta. Finalement, elle lui sera peut-être bénéfique. Trop fort !