Les habitués de ma prose savent la considération que j’ai pour Ségolène Royal. J’ai même dû me rabattre sur le vote nul lorsqu’elle fut opposée à Nicolas Sarkozy. Cette démonstration se suffit à elle même.
Pourtant, je suis effaré devant la manière dont elle est aujourd’hui clouée au pilori pour avoir énoncé ce qui paraît une évidence d’une platitude abyssale : Nicolas Sarkozy n’est absolument pour rien dans la libération d’Ingrid Betancourt. Les simagrées télévisées sur le tarmac de Villacoublay n’y changeront rien. C’est l’Armée colombienne qui a libéré l’otage. C’est la fermeté du Président Uribe qui a eu raison des FARC. La voie de la négociation avec les ravisseurs, les bisous à Hugo Chavez ont échoué. Nicolas Sarkozy a échoué. C’est en substance ce que tout le monde sait mais que peu avouent. Ségolène Royal a simplement dit cette vérité toute simple et voilà que des meutes de journalistes, des hordes de porte-flingues UMPistes et des guérilléros socialistes souhaitent se payer celle qu’ils appellent affectueusement la nunuche. Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté, chantait Guy Béart. Je n’aurais jamais cru qu’on me force à écrire cela de la Dame du Poitou.
D’autres, davantage fins mais beaucoup moins nombreux, ont une analyse différente. Ce matin par exemple, Jean-François Kahn disait que Ségolène Royal avait raison sur sur le fonds mais avait gaffé sur la forme. Il s’agirait d’une erreur de stratégie politique de la part de Madame Royal laquelle aurait brisé cette belle unanimité nationale, ce qui serait logiquement retenu contre elle par les Français qui n’aiment pas qu’on gâche la fête, même si on dit la vérité. Je crois que JFK se trompe, une fois n’est pas coutume. Car cette unanimité est une fiction. Il suffit d’assister à des dîners de famille, de participer à des discussions sur Internet pour s’en rendre compte. Une bonne partie du peuple réel se fichait éperdument d’Ingrid Betancourt. Et il était fortement agacé par toute cette mobilisation des élites alors que d’autres préoccupations semblaient à ses yeux davantage prioritaires que le sort d’une femme « qui avait, après tout, pris des risques inconsidérés ». C’est ce que j’ai pu lire et entendre lorsque l’agitation au profit d’Ingrid Betancourt était à son comble. Tout comme j’ai pu percevoir l’énervement devant le fait qu’on privilègie la médiation d’un homme dont on sait qu’il n’est pas innocent de la flambée du prix du gasoil à la pompe.
Finalement, à la différence d’Edgar Faure, je pense qu’on n’a jamais tort d’avoir raison trop tôt. Et que la sortie québecoise de Ségolène Royal pourrait bien lui être profitable à long terme tant elle a semblé, sur ce coup là, être beaucoup plus en phase avec Trifouillis les Oies qu’avec Saint Germain des Prés. Car c’est toujours Trifouillis qui fait la décision aux élections.
Et c’est heureux.