Vautrot humilié, Vautrot déshonoré mais Vautrot réhabilité

C’est la première fois depuis mai 2007. Il est même fort possible que ce soit la seule jusqu’à mai 2012. Mais, je dois bien m’exécuter, quoi qu’il m’en coûte. J’adresse aujourd’hui mes remerciements les plus sincères ainsi que mes félicitations les plus chaleureuses à Monsieur Nicolas Sarkozy, président de la République française.

La semaine dernière, lors de la remise de plusieurs décorations à l’Elysée, le Président s’est adressé à l’un des récipiendaires des insignes de chevalier de la Légion d’honneur en ces termes : » Alors qu’il y a tellement de discussions sur l’arbitrage et sur le sport, je voudrais vous dire, alors que vous avez quitté les stades français, ne jurant d’y revenir que le jour où votre honneur vous serait rendu, parce que vous avez dénoncé certaines pratiques, parce que vous êtes un homme courageux pour qui j’ai beaucoup d’estime, eh bien[1. Rappelons que c’est Nicolas Sarkozy qui s’exprime. Même quand je le félicite, je ne peux m’empêcher…], votre honneur vous est rendu, parce que ce jour est venu. Les insignes de chevalier de la Légion d’honneur que je vais vous remettre symbolisent la reconnaissance de la France pour votre engagement au service du sport, pour votre droiture, pour votre courage et aussi pour le respect que vous avez suscité auprès du public. On aimerait avoir aujourd’hui beaucoup de Michel Vautrot dans l’arbitrage pas simplement français, mais aussi international ».

Michel Vautrot habite la même ville que moi, Besançon. Il ne sert à rien à le cacher au lecteur, d’autant que je n’ai pas l’honneur ni le plaisir de connaître personnellement le « sifflet » le plus illustre de France. Peut-être verra t-on alors un chauvinisme local dans ce billet. Au moins n’y verra t-on pas du copinage. Toujours est-il que mes remerciements au Président pour cette réhabilitation nécessaire sont à la mesure de la colère qui m’habite depuis plusieurs années en constatant le sort qu’ont réservé les autorités du football de mon pays à l’un de ses plus illustres serviteurs.

Honte à la Fédération française de football ! Honte à Monsieur Jean-Pierre Escalettes qui a démontré là, comme à d’autres occasions, son indignité à présider aux destinées du foot national. Michel Vautrot doit se passer en boucle le célèbre refrain de Guy Béart »: Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté ». Pour avoir dénoncé certaines magouilles impliquant plusieurs arbitres, il a été littéralement éjecté, expulsé de toutes les instances du ballon rond de notre pays. Des types qui se faisaient offrir des téléphones mobiles par des mécènes pas désintéressés, des énergumènes qui traficotaient leurs notes au niveau européen pour avoir un meilleur classement, Vautrot ne pouvait supporter cela davantage. Il a donc parlé. Brisé l’omerta. Là où un président de la FFF digne de ce nom aurait chassé les malhonnêtes, Monsieur Escalettes et ses sbires ont préféré se débarrasser du bavard même s’il s’agissait du meilleur arbitre que la France ait connu depuis que le football existe. Le ministre de l’époque s’est tu. Nous n’hésiterons donc pas à le ranger dans la catégorie des lâches[2. Ne serait-ce pas le même qui, redevenu député, vote un amendement puis fait annuler son vote en prétextant que son droit a ripé ?].

Des Vautrot, le Président a bien raison, le foot en manque cruellement. Il n’y a qu’à se repasser les images des matches qu’il arbitrait, le respect qu’il suscitait parmi les joueurs, et les comparer avec l’attitude arrogante de certains de ses successeurs, les Veissière,  Duhamel ou Bré. Il n’y a qu’à comparer son palmarès avec celui, ridicule, de cette génération mouillée dans les magouilles dénoncées par lui. Heureusement, Michel Vautrot avait, lorsqu’il était directeur national technique de l’arbitrage, posé des fondations qui nous permettent de voir arriver de nombreux jeunes arbitres. Lorsque je vois évoluer Saïd Enjimi, je me dis que le travail de Michel Vautrot n’a pas été vain. L’arbitrage français n’est pas encore mort. Malgré Escalettes. Malgré Thiriez, son Colombo, sa vidéo, son Canal Plus. Que tous ceux là relisent bien le discours de Nicolas Sarkozy. Qu’ils méditent sur l’invitation à certains d’entre eux d’en tirer toutes les conséquences. Si un président de la République ne peut le faire pour des questions de non-ingérence, le citoyen, amoureux de foot, le peut, lui : Escalettes, démission ![3. Si, par la même occasion, un changement de président de fédé pouvait nous permettre d’hériter d’un autre sélectionneur national, nous ne nous en plaindrions assurément pas.].

Hommage, en revanche, doit être rendu à Michel Platini, qui a toujours maintenu la confiance à Michel Vautrot au niveau européen. Et lorsqu’on a vu ce documentaire, passé il y a quelques mois à la télévision, sur la vie des arbitres pendant le dernier championnat d’Europe, et avoir pu admirer la qualité de relation, basée sur le soutien indéfectible, que l’éternel numéro dix entretenait avec les arbitres, on y trouve beaucoup de cohérence. Il n’est pas étonnant que ce Michel-là gêne aussi certains charognards…

Alors, merci encore, Monsieur le Président et bravo. Profitez en bien. Mes bonnes dispositions ne dureront pas. Il faut le craindre.

Erratum (14/12/2009 11h55) : Il semble bien que Monsieur Escalettes a été élu en 2005 alors que Michel Vautrot a dû quitter la la DTNA en 2003. C’est donc à tort que j’ai attribué au Président de la FFF son éviction. Je prie mes lecteurs de m’excuser pour cette erreur. Il n’en reste pas moins que sous la présidence de Monsieur Escalettes, le meilleur arbitre français de tous les temps n’a jamais été réhabilité, ni réintégré. Pis, lors d’une assemblée fédérale de 2007 ayant lieu dans sa ville de Besançon sous la présidence de JPE, Michel Vautrot a été effacé de la liste des invités, ce qui constitue une insulte au regard des services rendus.