Depuis 2003, les politiques sont terrorisés à l’idée qu’un épisode caniculaire puisse de nouveau très mal tourner. Sur nos écrans depuis ce matin, nos dirigeants redoublent de conseils poilants.


La France a chaud. Et la France a peur ! Faut-il que l’épisode de l’été 2003 soit encore dans toutes les têtes ? Faut-il que l’image de Jean-François Mattéi en polo dans sa villégiature obsède encore tout ministre quand le mercure prend de la hauteur sur le thermomètre ? Faut-il que nous soyons si effrayés à l’idée d’être déshydratés alors que les canicules s’emballent ?

Les politiques sur le pont

Dès potron-minet, nous étions au parfum. Dans le RER, des messages écrits nous prodiguaient moult conseils sur des panneaux lumineux, afin de ne pas succomber, et ainsi passer l’été.

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Sur l’antenne de RTL, Benjamin Griveaux nous engageait à bien manger et surtout bien boire. Pas de doute, il vise bien la fonction de « mère » de Paris.

Sur LCI, à l’heure du déjeuner, un bandeau nous interroge, paniqué : « Canicule, des raisons de craindre le pire ? » Etait-ce pour nous procurer ce léger frisson dans le dos, dont nous avions tant besoin ?

L’exemple de Rugy

Et puis, last but not least, nous avons vu le tweet de BFM TV : « Canicule François de Rugy sans cravate pour montrer l’exemple ». Quel courage, quelle audace, faut-il à Monsieur le Ministre, pour oser telle transgression ? Pour aller ainsi braver Jean-Jacques Bourdin col ouvert ? Une telle disruption confine, il faut le reconnaître, à un esprit de résistance qu’on n’a guère vu depuis Jean Moulin et Pierre Brossolette. On me dira que j’exagère et que ce fameux « exemple » tient davantage du Chef Chaudard dans la Septième compagnie que de ces héros historiques. Mauvaises langues !

En boutant la cravate de notre été caniculaire, François de Rugy travaille aussi pour la parité. Les hommes, désavantagés par des stéréotypes genrés qui ont la vie dure, doivent supporter des tenues chaudes alors que les femmes peuvent porter robes légères et sandales. Qui sait si Marlène Schiappa, poussant cet avantage, ne nous dira pas demain qu’un homme aussi peut porter une petite robe, mais seulement par temps chaud ?

Jean-François Mattei et son polo, légende de 2003

Mais l’hommage de François de Rugy, finalement, n’était-il pas destiné à Jean-François Mattei, qui avait alors tout compris, en arborant son polo ? Ceux qui déploraient l’effacement de l’Etat-Nation sont cruellement démentis ! Il s’occupe de nous. Il nous conseille. Il nous hydrate. Il nous rafraîchit.

L’Etat nous protège.

Certes il ne nous protège pas des méfaits de la mondialisation. Ni du libre-échange déloyal. Et encore moins des flux migratoires désordonnés, ou d’une monnaie surévaluée. Mais l’Etat nous protège bien de notre plus grand danger : nous-même ! Et de notre propension à nous abreuver – plutôt que d’eau – de fake news. De notre tentation à se livrer à la haine sur les réseaux sociaux. De dépasser les 80 km/h. Et de s’habiller trop chaudement lors des épisodes caniculaires.

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Merci Agnès Buzyn. Merci Benjamin Griveaux. Merci François de Rugy. Merci Laetitia Avia. Merci notre Président-Protecteur. Nous savons pouvoir compter sur votre attention. Nous savons pouvoir compter sur votre soin. Nous savons pouvoir compter sur votre protection. L’Etat-stratège n’est plus depuis longtemps mais l’Etat-brumisateur le remplace.

Avantageusement. Ou pas.