Cher Max Gallo,

Peut-être vous rappelez-vous de ce que je vous écrivais il y a près de trois ans. Avec un enthousiasme non feint, je vous encourageais à être candidat à l’élection présidentielle. Vous m’aviez gentiment répondu, d’ailleurs, en me citant le mot amer de Clemenceau, toujours lucide : « Les cimetières sont pleins de personnes irremplaçables. »

Aujourd’hui, je ne vous reconnais plus. Je ne m’impose même plus la souffrance d’écouter « l’Esprit public » sur France Culture chaque dimanche matin tant vos interventions sont aujourd’hui à mille lieues du Gallo que je connais. Alors, certes, je ne suis pas Bernard-Henri Lévy ; ni en notoriété, ni en légitimité littéraire, ni surtout en emphase quand, d’un revers de la main, il envoya aux cimetières des infréquentables Régis Debray d’un « Adieu » à la Une du Monde. Vous êtes à l’Académie et, donc, vous êtes un Immortel. Immortel, vous l’êtes aussi dans ma bibliothèque où, notamment, la vie du Général que vous aviez si bien racontée trône en bonne place. Mais qu’il me soit permis, tout de même, de m’interroger. Quelle mouche vous a donc piqué, Max Gallo, pour devenir à ce point un parangon du sarkozysme ? On raconte que le premier discours qu’Henri Guaino a écrit pour le candidat Sarkozy, celui de Nîmes, avait l’objectif de vous convaincre. Vous  fûtes invité, bien sûr, pour l’écouter. Je ne sais si l’anecdote est bien réelle mais depuis, et en particulier depuis l’élection du nouveau président, vous n’avez guère de critiques à lui adresser. Je vous ai même entendu défendre la position inqualifiable de ne pas consulter le peuple à l’occasion de l’adoption du frère jumeau de la Constitution européenne rejetée trois ans plus tôt par les Français. Ce jour-là, mon transistor a manqué de traverser la pièce dans laquelle je me trouvais. Non, c’est impossible : pas vous, Max Gallo ! J’ai cru parfois discerner une affection que l’enfant de l’immigration italienne vouait à l’enfant de l’immigration hongroise, une solidarité face aux attaques dont serait victime Nicolas Sarkozy aux seules raisons de ses origines. Ainsi, attaquer le côté bling-bling du Président serait un rappel nauséabond de son ascendance auquel se livreraient des élites germanopratines. C’est un peu fort de café, tout de même. D’abord, Nicolas Sarkozy a justement donné satisfaction à ces mêmes élites avec le Traité de Lisbonne. Ensuite, on ne peut pas dire que la vulgarité de l’exercice présidentiel ait échappé au Peuple « d’en bas » au sein duquel j’ai la faiblesse de penser que mes revenus me placent encore. Plus on est situé vers le bas de l’échelle sociale, plus la haute tenue, la richesse de la langue et la modestie dans le train de vie sont appréciées, je peux en témoigner. Vous pourriez être critique avec ce président. Ce ne serait pas la première fois qu’un intellectuel mette sur la place publique sa déception et l’impression qu’il avait d’avoir été floué. Non. Vous préférez adopter la position de celui qui adhère, totalement, dans le fonds et la forme, au sarkozysme, ce qui vous rend incompréhensible aux yeux de ceux qui vous ont toujours admiré. Que l’on piétine à la fois la souveraineté nationale et populaire, que l’on achève les institutions de la Ve République, que l’on exécute la diplomatie gaullienne notamment en réintégrant l’OTAN, et vous niez, vous minimisez et parfois pis, vous approuvez.

On n’est jamais davantage déçu que par ceux dont on se sent proche. Vérité de La Palice, certes. Mais on a tout de même le droit de s’en ouvrir auprès d’eux. Oui, Max Gallo, vous me décevez. J’espère, avec un soupçon d’illusion, que vous y serez sensible ne serait-ce qu’un seul instant. Mais, finalement, après tout, je maintiens. Je reste galloïste, j’attends juste que vous le redeveniez.

5 commentaires

  1. Que d’élégance et de retenue dans l’expression de ta déception ! signe d’une grande admiration pour cet homme d’écriture et de culture.
    Déception que je partage totalement.

  2. Même si je n’ai jamais été admirateur de Gallo, je me reconnais dans ce que vous dites. Les interventions de Max Gallo me navrent! Lui qui possède des diplômes d’historiens ne semble pas sentir dans quel sens souffle le vent de l’histoire du présent.
    Je le croise parfois près de la place du Panthéon où il habite; c’est un quartier où les rumeurs du monde ne percent que très peu.

  3. Cher David,

    Un seul mot: bravo. Que dire de plus ? Je suis tout comme vous extrêmement déçu par l’attitude de Max Gallo depuis cette campagne présidentielle où l’écrivain s’est rallié avec stylos et carnets au candidat Sarkozy.

    J’espère qu’il reviendra sur le chemin…

    Stéphane G

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