Il m’est souvent arrivé de gueuler le samedi ou le dimanche matin en écoutant les chroniques de Catherine Nay. Et, finalement, afin d’épargner les oreilles de femme et enfants, et d’éviter d’apprendre des mots interdits à ces derniers, j’avais fini par ne plus l’écouter. Seulement, aujourd’hui, je suis abonné à Twitter, un très gros bistrot. Alors lorsque Madame Nay dit une bêtise encore plus grosse que d’habitude, je suis très vite au courant.

Internet, c’est la Stasi en pire. Voilà ce qu’elle a fini par énoncer. On note le soin qu’elle a pris de ne pas évoquer la Gestapo. Le créneau Godwin devait être trop encombré. Mais bon, la Stasi en pire, c’est déjà pas mal dans l’outrance. Catherine Nay a de la chance que les machines à remonter le temps n’existent pas. Sinon, on l’emmènerait volontiers dans l’Allemagne de l’est des années 60, 70 ou 80. Et on lui montrerait ce que c’était vraiment, la Stasi.

Pour en arriver à de telles outrances, elle doit quand même pas mal souffrir, cette dame. Comment lui expliquer à quel point elle se plante ? Comment lui expliquer qu’elle confond outil et comportement ? Si on ne parvient pas à réaliser une telle distinction à l’âge adulte, c’est tout de même mal barré pour elle, non ? Mais nous avons foi en l’Homme. Sans doute, l’excellent Abiker, l’un des meilleurs journalistes spécialistes de la toile sur la place de Paris, a tenté cet exploit, puisqu’ils partagent la même antenne tous les jeudis et vendredis entre 18 et 20 heures ? Vous avez échoué, David. Je peux essayer, moi ? Vous lui montrerez mon papier. Surtout, imprimez-le et ne lui dites pas que cela provient d’Internet. Enfin, je vous fais confiance.

Ce qui pose problème ici, c’est cette tyrannie de la transparence. Cela, nous sommes nombreux à en être d’accord. Mais, cela n’a rien à voir avec Internet, chère Madame. Ce concept de  transparence, y compris dans les relations internationales, c’est un truc qui nous vient des Etats-Unis[1. Zemmour, à « ça se dispute », évoquait samedi le Président Wilson, partisan d’une nouvelle diplomatie après la guerre de 14 et le souci de transparence qu’elle nécessite.]. Vous savez, ce pays que vous nous montrez souvent en exemple le samedi matin lorsque vous souhaitez montrer à quel point nous, Français, sommes rigides, accrochés à nos droits acquis, nos privilèges etc… Ce besoin de transparence, donc, c’est une mode qui nous vient de là-bas. En général, ce qui commence outre-atlantique, arrive chez nous entre dix et vingt ans après. Ce fut le cas avec le pédagogisme, la judiciarisation, les normes HACCP, la drague assimilée au harcèlement sexuel, la mise au ban des fromages au lait cru et, bien entendu, la dérèglementation économique. Dans les cartons, on a aussi en germe l’interdiction, pour des raisons de sécurité alimentaire,  de cultiver un potager à la maison. Si, si, je ne plaisante pas. C’est une revendication de l’industrie agro-alimentaire et de la grande distribution étatsuniennes. Les gens n’ont plus forcément d’argent pour acheter leurs merdes, alors ils se mettent parfois à jardiner. Et ce n’est pas bien, cela, ils pourraient s’empoisonner… Enfin, c’est plutôt que ce n’est pas  bon pour  les profits défendus par les lobbies en question. Mais il ne faut pas le dire. Chuuut ! Donc, cette histoire de potagers interdits, si cela passe là-bas, il va bien y avoir un commissaire à Bruxelles qui va finir par remarquer cette législation innovante. Un commissaire européen, c’est quelqu’un qui est à l’affût de toutes les bêtises des parlementaires américains. Donc, si tout va bien et  si le temps le permet, nous devrions hériter de cela en 2020, 2025.

Mais revenons à cette transparence. Ce n’est pas très nouveau aux Etats-Unis. Rappelez-vous ce pauvre Clinton obligé de reconnaître qu’il avait menti sur ses histoires de caleçon. Qu’il avait manqué à ses obligations de transparence. C’était Internet ? Non, le Procureur Starr ! Le mensonge, chez les WASP américains, ce n’est pas très bien vu. Cette transparence s’accompagne de l’explosion de la distinction entre vie publique et vie privée.  Normal : si on s’échine à conserver une vie privée, c’est qu’on doit forcément avoir quelque chose à cacher. Chez nous, les Latins, le mensonge, à condition qu’il soit utilisé avec talent, n’est pas si répréhensible. Cela permet de mettre un peu d’huile dans les relations humaines et cela nous sied plutôt pas mal. De même, dans notre pays, on met des rideaux à nos fenêtres alors que cela ne se fait pas aux Etats-Unis et dans les pays protestants d’Europe. Parce que nous, effectivement, on a des choses à cacher et, en plus, on en est fiers. Seulement voilà, les élites mondialisées, comme les appelle Chevènement, elles trouvent que les Latins, c’est pas terrible. Elles trouvent alors des relais dans nos médias pour relayer le message. Notre modèle, il faut le jeter par dessus bord. J’entendais souvent cela le samedi matin à l’écoute d’Europe 1.

Et internet dans tout cela ? Mais nulle part, ma bonne dame ! Sans internet, la tyrannie de la transparence serait bien entendu parvenue à envahir nos contrées. Avec une pince à ongles, une scie sauteuse, un couteau suisse ou autre chose. Ce n’est pas la question. C’est une histoire de culture, qu’on importe ou qu’on refuse. Un histoire de comportement. Repeat after me, com-por-te-ment ! Tenez, ce dimanche matin, votre excellent confrère Elkabbach recevait le ministre Besson. Dans son intro à l’émission, votre ami Jean-Pierre abordait Wikileaks, se demandant comment Besson pourrait empêcher ses saletés de s’installer chez nous, et trente secondes plus tard, il nous gratifiait de la perle suivante :« vous qui être un grand connaisseur du PS, vous nous direz votre analyse sur ce qui s’y passe en ce moment ». En langage moins codé, cela signifie :« toi t’étais à l’intérieur ! Balance nous tous les secrets. Tu dois bien bénéficier encore d’indiscrétions ? » Repeat after me, com-por-te-ment !

J’en ai fini avec Madame Nay. De toute manière, je crois qu’elle comprend très bien. Et qu’elle fait semblant de ne pas vouloir le comprendre. Parce qu’il y a une autre raison. Ce qui se passe sur internet, c’est de la concurrence déloyale pour elle. Pensez-donc. Des gens qui éteignent la radio le samedi matin et qui courent sur leur bécane pour voir s’il n’y a pas des chroniques plus intéressantes[2. Sans compter ceux  qui l’allument le jeudi soir et qui s’exclament :«Merde, on est jeudi, c’est pas Natacha, c’est l’autre ».]. Si ça se trouve, il y en a qui écrivent bénévolement, juste pour le plaisir de partager leurs analyses à tous ceux qui voudront bien les lire. Cela existe et c’est effectivement très dangereux pour Madame Nay. Parce que chez Lagardère, un jour, ils vont finir par s’apercevoir qu’une chronique pour comparer internet à la Stasi, on peut l’avoir pour moins cher. Et moi, finalement, j’ai bien écouté toutes les chroniques libérales de Catherine Nay. Sur la compétitivité, tout ça… Alors je dis à Monsieur Olivennes, ce que fait Madame Nay, je vous le fais pour la moitié. Cher David Abiker, vous voulez bien vous charger de faire lire mon papier à votre nouveau dirlo ?

On me souffle dans mon oreillette que Monsieur Olivennes, c’est celui qui a pondu le rapport qui a abouti à la loi Hadopi. Caramba ! C’est raté. Ne vous donnez pas la peine, David.

13 commentaires

  1. Ce délire de la transparence remonte aux anabaptistes, une secte de protestants ultrafondamentalistes partis de suisse et de la vallée du Rhin. Ils ne mettaient pas de rideaux aux fenêtres afin que chacun puisse voir comment ils vivaient vertueusement…

  2. de toute façons,je n »ai jamais pue l »encadrer,,,
    hautaine,se croyant tout permis,il est vrais la femme DE se brave gaulliste,,,,
    au fait,depuis tant d »année,y aurait t »il conflit d »intérêt,,,,,,,,
    et la retraite Madame,pensez y,,,des jeunes vous remplacerons sans AUCUNE difficulté,,

  3. Elle et d’autres comme beaucoup de journalistes croient détenir la science infuse et la diffuse.
    Europe 1 aux ordres du pouvoir Sarkosyste ne peut pas déroger a la règle
    par contre je verrai bien Natachy en lieue et place d’Arlette
    ce serait pas mal NON ?

  4. @Patriote

    On ne peut pas dire que Europe1 soit aux ordres. La plupart des journalistes font leur boulot en se déterminant en leur âme et conscience. le problème, c’est qu’il y avait jusque au référendum sur le TCE, un formatage, surtout sur l’Europe, la mondialisation (les vrais sujets, en fait). Les radios ont compris après 2005 qu’elles devaient diversifier leur offre éditoriale. D’où les débats entre journalistes qui ne sont vraiment pas d’accord entre eux, type 18-20 d’E1 ou « on refait le monde » sur RTL.

  5. Pas tout à fait d’accord avec vous David…votre raisonnement me rappelle celui du lobby des armes aux USA qui prétend que le colt 45 n’est pas dangereux, seul celui qui a le doigt sur la détente pose un problème. Moi, tant qu’à faire face à un psychopate, je préfère qu’il soit armé d’un lance-pierres que d’une AK 47. Les déviances comportementales ne sont pas nées avec Internet mais Internet leur fournit l’occasion de s’exprimer avec une puissance de feu sans égale et, permet à chacun de devenir délateur sans quitter son salon. D’où toute une série de dérives, de rumeurs, et autres poisons qui ne prendraient pas cette ampleur si la toile n’était pas là pour les relayer.

  6. @Alain Briens

    Vous parlez de colt45. Moi je préfère parler de couteau à pain. On peut effectivement tuer avec un couteau à pain. Mais on peut faire tellement d’autres choses positives comme couper du pain. Alors que le colt 45, lui, n’a qu’un seul usage.

  7. impossible de passer la censure EUROPE1 sur les commentaires si apparait l’un des sigles : NDA – DLR ou sarkophage ou Sarsoland …
    a moins que mon logon soit mis a l’index depuis 2007 ?

  8. J’adore ce dernier billet très caustique envers cette « journaliste » ou plutôt éditorialiste de plus en plus aigrie de voir que malgré la présence à l’Élysée de son héros, l’américanisation de notre belle France qu’elle juge pourrie et perdue depuis des années ne se fait pas comme elle le voudrait…

  9. « Ce délire de la transparence remonte aux anabaptistes, une secte de protestants ultrafondamentalistes partis de suisse et de la vallée du Rhin. Ils ne mettaient pas de rideaux aux fenêtres afin que chacun puisse voir comment ils vivaient vertueusement… »

    Et bien entendu, ce délire leur était imposé par les gourous de la secte, dont les milices défilaient dans les rues pour s’assurer que l’obligation était respectée.

    Moyennant quoi je n’ai pas de rideaux à mes fenêtres (parce que je le veux bien) et je n’aime pas ces maisons en rase campagne emprisonnées derrière des murailles vertes, des hauts portails avec caméras et digicodes.

    Pas mal, le retour de volée de DD

  10. @RST
    Si j’ai mis un H majuscule, c’est que j’englobais hommes et femmes. C’est la langue qui est sexiste, pas moi. 😉

    D’ailleurs, je vous conseille l’essai de Natacha Polony : « L’Homme est l’avenir de la femme ».

  11. Comme pour Bruno Roger Petit je trouve que consacrer un aussi bon papier à une personne aussi insignifiante c’est lui faire beaucoup trop d’honneur

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