Dominique de Villepin n’a pas lésiné. Maintenant qu’il sait que Nicolas Sarkozy veut sa mort politique[1. Il en aura mis du temps !], maintenant qu’il semble complètement décidé de ne plus être la souris à moitié morte entre les coussinets du matou Sarko, il a lancé deux pavés dans la mare médiatique la semaine dernière en jugeant, d’une part, pré-révolutionnaire la situation de notre pays et en annonçant, d’autre part, qu’il n’écartait pas l’idée d’une candidature à l’élection présidentielle de 2012[2. Ou avant si les évènements révolutionnaires qu’il pressent venaient à bouleverser le calendrier]

Pour être candidat à cette élection, Dominique de Villepin a besoin de la conjonction de trois éléments. D’abord, il a effectivement besoin d’une situation intenable pour l’actuel président de la République, situation qui mettrait en avant son expérience, sa dimension internationale, sa sagesse, toutes qualités qu’il pense cumuler et dont il est persuadé que les Français les associent à sa personnalité. C’est la raison de sa sortie sur la situation « pré-révolutionnaire ». Ensuite, il lui faut une crédibilité retrouvée et, enfin, un espace politique.

Actuellement, Dominique de Villepin n’a guère trouvé comme espace que l’anti-sarkozysme. Convenons que le créneau est bien embouteillé. Identifié comme chiraquien et donc libéral davantage tiède que Sarkozy, oui-ouiste sur la constitution européenne, il occupe peu ou prou l’espace vampirisé par François Bayrou. C’est d’autant plus le cas que ce dernier s’est dernièrement mué en défenseur de l’héritage gaullien à l’occasion du débat sur le retour dans le commandement intégré de l’OTAN. Il va de soi qu’il part avec plusieurs longueurs de retard sur le chef du MoDem. L’espace est donc ailleurs. Et il a déjà manqué de le tutoyer pendant l’hiver qui précédait l’élection présidentielle de 2007. C’est Emmanuel Todd qui fit cette confidence : Dominique de Villepin, alors premier ministre, le rencontra ainsi qu’Hakim El Karoui, théoricien du protectionnisme européen, pour explorer les voies d’une candidature présidentielle sur ce thème. Chirac, d’après Todd, l’aurait dissuadé. Or c’est justement sur ce thème qu’a décidé de faire campagne Nicolas Dupont-Aignan en présentant ses listes DEBOUT LA REPUBLIQUE aux élections européennes. Il ne serait sans doute pas inutile pour Villepin de donner un coup de pouce salutaire à NDA par un mot, une phrase, laissant entendre que l’action de ce dernier ne le laisse pas indifférent. Cela aurait l’avantage de mettre en lumière un parti -jeune- qui ne l’est guère et les progrès dans les sondages qui s’ensuivraient pourraient lui être crédités. Cet espace, gaullien plutôt que souverainiste, lui sied davantage. Et s’il a du retard sur Bayrou, il a plutôt de l’avance sur Dupont-Aignan. Cette mue ne peut toutefois réussir qu’à la condition de clarifier son engagement et donc de renforcer sa crédibilité.

Car Villepin a été un chef de gouvernement qui a privatisé les autoroutes, initié le Contrat Premier Embaûche et dont les principaux soutiens à l’Assemblée Nationale sont Hervé Mariton et François Goulard, libéraux bon teint. Afin de réussir sa mue, il doit regretter publiquement ces mesures et se défaire de ces encombrants alliés. Dans le cas contraire, il ne serait pas crédible. En a t-il la capacité ? Je n’oublie pas qu’il fut de ceux qui firent campagne pour le Oui au réferendum de 2005 avec des arguments du genre :« l’anniversaire de la libération des camps de la mort, pouvons-nous dire non à l’Europe » ? [4. Expression employée par DDV lui-même dans l’émission d’Arlette Chabod] Pitoyable ! Il doit aussi écouter. Ceux qui sont élus et qui ont davantage d’expérience du terrain que lui peuvent lui apporter beaucoup. La stratégie politique n’a jamais été son fort. On se souvient qu’il fut à l’origine de la dissolution de 1997. Et la façon dont il se complut à être le jouet de Nicolas Sarkozy l’été dernier ne plaide pas non plus en sa faveur. Sa crédibilité dépend bien entendu aussi, et surtout, de son avenir judiciaire. L’issue mais aussi la date de son futur procès conditionnent évidemment sa présence à la prochaine élection présidentielle et a fortiori un succès.

Villepin n’a donc pas toutes les cartes en main mais il en possède certaines. Saura t-il jouer les bonnes ?

7 commentaires

  1. Très bonne analyse il n’y pratiquement rien à jeter. Je tiens à dire que sa sortie sur la « situation révolutionnaire » lui a fait un tort considérable dans l’électorat de droite « traditionnel ». Il en est pas pret d’etre pardonnée. Encore un espace politique où il est cramé. Et comme jamais un électeur de gauche votera pour lui en souvenir du CPE, autant qu’il retourne du Néant d’où il n’aurait jamais du en sortir.
    En tout cas le passage « situation qui mettrait en avant son expérience, sa dimension internationale, sa sagesse, toutes qualités qu’il pense cumuler et dont il est persuadé que les Français les associent à sa personnalité » m’a beaucoup fait rire …. Quelle vanité !!!

  2. Le gros handicap pour dominique de Villepin est d’avair été oui-ouiste sur la constitution européenne, pour les privatisations, ce qui est gênant pour un Gaulliste.
    Nicolas dupont-Aignan se présente comme un homme plus sûr
    RC

  3. Il est certain de DDV a la stature d’un chef d’Etat. En revanche concernant sa vision de la politique, je ne suis pas sur qu’il soit aussi déterminé qu’un Nicolas Dupont-Aignan. Le fait qu’il se soit couché maintes fois face à un Chirac ou un Sarkozy ne joue pas vraiment en sa faveur. S’il revient en politique, il aura la faveur des revenants, comme Juppé ou Strauss-Kahn. Maintenant, s’il veut appliquer un programme gauliste, il va falloir qu’il fasse volte-face sur l’Europe.

  4. DdV aura toujours derrière lui la cassorole du CPE et cela pendant de nombreuses années alors autant qu’il se fasse petit, qu’il passe au suffrage des electeurs un jour et qu’il fasse son chemin politique normal pour etre crédible
    ce n’etait que le valet de CHIRAC
    s’il veut aider DLR et NDA comme opposant a Saroko et sa politique
    pourquoi pas ? mais qu’il fasse amende honorable

  5. Que l’on soit pour ou contre D.de V., que ses motivations soit bonnes ou non, sans même rentrer dans ce débat, je félicite son arrivée dans l’arène politique. Cela aura au moins le mérite de redynamiser la scène politique, qui pour le moment est soit pitoyable et absente d’un côté, et monopolistique de l’autre.

  6. Bon article même s’il ne m’apparait pas évident de dire que DDV a été oui-ouiste lors du référendum européen de 2005. Pour avoir suivi attentivement ses interventions à ce moment là, il ne s’est que très peu engagé en faveur du oui. Il ne doit pas d’ailleurs être étranger à l’initiative chiraquienne de poser la question par voie de référendum, ce qui était le meilleur moyen de faire capoter ce traité quelque peu vicieux. For some reason, il est très délicat pour des chefs d’état ou de gouvernement européens de s’opposer à la construction européenne, vendue comme porteuse de progrès; chichi et Villepin se sont in fine oposés de façon très fine à ce qui menaçait clairement l’indépendance et les intérêts ofndamentaux de la France.

    On ne peut pas en dire autant de Sarkozy et ces deux là ne peuvent être mis sur un pied d’égalité sur ces questions.
    Bien à vous,
    Thomas

  7. Rendons à DdV ce qu’il a de bien : il est grand, il est beau (selon beaucoup des mes amies même de gauche) et en plus c’est un tribun (voir son discours à l’ONU).

    Dès comme lui, il n’y a plus beaucoup.

    Je tiens à préciser que je ne suis pas du tout d’accord avec ses idées mais il est mieux taillé pour le rôle que d’autres dans le même camps.

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