Après avoir visionné entièrement le discours de Ségolène Royal à Villepinte, je me dis que j’ai bien eu du courage d’aller au bout. Deux heures ! Que ce fut long… Aussi à l’aise devant un pupitre et une salle que votre serviteur sur une piste de danse ( ceux d’entre vous qui eu l’occasion de me voir dans cette situation apprécieront la métaphore), Ségolène Royal fait vraiment pâle figure par rapport aux autres candidats. Et je ne parle pas seulement des prétendus « grands ». Certains candidats qu’on annonce aujourd’hui entre 0,5 et 5 points sont de bien meilleurs orateurs que la candidate socialiste. Même le point fort qu’ont retenu les chaînes de télévision (Ségo le poing sur le ventre voulant le meilleur pour les enfants de banlieue comme pour ses propres enfants) présentait à peu près autant de naturel que Balladur il y a douze ans, montant sur une table. Si elle n’était pas sincère, c’est risible de manque de talent. Si elle l’était, ce que je crois bien volontiers, c’est consternant. Comment peut-on manquer autant de facilité pour faire passer ses idées, ses émotions ? A ce niveau du débat politique, je veux dire. Car dans une élection cantonale, cela pourrait peut-être passer.
Car cette femme a tout de même un vécu. Elle est élue depuis des années. C’est pourquoi je m’interroge….Et si elle le faisait exprès ? Si, à l’instar d’André Lajoinie il y a vingt ans, elle jouait volontairement cette carte ?
Je m’explique. Il y a quelques années (en 1990 si je me souviens bien), un universitaire fait à une assemblée dont j’étais une conférence sur les partis politiques. Il aborde le cas du PCF et un participant moque André Lajoinie. Le conférencier s’interrompt et interroge : » pourquoi vous moquez-vous de cet homme ? ». La fleur au fusil, le jeune homme explique sans ambages que le dernier candidat communiste n’a pas dû inventer l’eau tiède. La salle rit. Pas longtemps. L’universitaire plombe l’assistance : « vous pouvez vous moquer. Cet homme est l’un des derniers hommes politiques français à avoir suivi les cours de l’école des cadres du Parti à Moscou. Je vous souhaite à tous d’arriver à un tel niveau. Pouvoir suivre dans cette école démontre une intelligence de très haut niveau. ». Et le conférencier de conclure: » Si Lajoinie parle ainsi, c’est volontairement, ainsi qu’il l’a appris à Moscou, afin que les masses laborieuses se sentent proches de lui. » Effectivement, c’est ainsi que pratiquèrent les candidats communistes formés à Moscou. Cette stratégie ne suffit pas au PCF à demeurer un parti de masse. Mitterrand est passé par là. Mais, cette façon de faire n’a pas été utilisée que par les partis communistes. Il se murmure même qu’un certain George Bush joue les péquenots volontairement afin de mieux capter les électeurs de l’Amérique profonde. Et Bush junior a fait ses études à Yale, l’une des meilleures universités du monde.
Alors, vraie ou fausse bécassine (pour reprendre le surnom donné par l’intelligentsia parisienne ce dont je ne suis pas très fier) ? A vous de trancher. Pour ce qui me concerne, je m’interroge toujours