Vendredi matin, j’entendais à la radio un résumé de la vie politique de celle qui était la vedette du jour. On entendait Ségolène Royal, qui avait écrasé ses deux rivaux la veille au soir, vanter les mérites du Chabichou puis fustiger le bizutage. Le journaliste, qui avait préparé son sujet, ne pouvait pas faire autre chose pour résumer la carrière de celle qui est aujourd’hui la favorite des instituts de sondages.
En effet, Madame Royal a construit sa carrière sur des sujets dits « sociétaux ». On aurait très bien pu y ajouter son combat contre le port du string à l’école ou sa lutte contre les OGM. Les sujets touchant à l’éthique, au respect, à la vie quotidienne des femmes (c’est bien connu, dans la dialectique ségolèniste, les hommes n’ont pas de vie quotidienne… ). Soyons clairs : je ne reproche pas à Madame Royal ses prises de position là. Je partage d’ailleurs un certain nombre d’entre elles. Forcer une jeune étudiante de première année à accomplir des actes qu’elle ne souhaite pas, laisser porter à des gamines pré-pubères des tenues indécentes, rayer de notre carte gastronomique des fromages poitevins ne me paraissent pas des avancées spectaculaires. On lui reprochera seulement, mais ce n’est pas le moindre, la phrase malheureuse et, pour tout dire, étonnante de la part d’une mère : « un enfant ne ment jamais ». A tout point de vue, cette phrase est le symbole des excès d’une époque, excès qui nous ont menés à Outreau. Mais ce n’est pas cela que je reproche au phénomène Royal. Ce que je lui reproche, c’est qu’elle a construit son image sur ces positions là et jamais sur les sujets diplomatiques, économiques ou sociaux, sujets qui influencent tout de même autrement notre vie quotidienne à tous.
Mais finalement, peut-on sérieusement lui reprocher cela ? En lui reprochant, il est possible de faire fausse route en confondant la cause et les conséquences. Cela fait longtemps que le politique a renoncé à faire de la Politique. La Politique monétaire est à Francfort. La Politique économique se partage entre l’OMC, la Commission européenne et, bien entendu, la main invisible du sacro-saint Marché. La Politique sociale et la Politique fiscale s’adaptent aux marges toujours plus étroites laissées par les titulaires des politiques citées plus haut. Nos parlementaires, quand ils ne transposent pas en lois les directives des institutions de Bruxelles, doivent donc s’occuper pour justifier leur mandat. Et il faut que cela se voie….Lois sur les propos sexistes ou homophobes, lois sur la manière dont on doit traiter un jour la colonisation, un autre l’esclavage, lois sur la négation de génocides commis dans d’autres pays, lois sur la manière dont fumeurs en non-fumeurs doivent cohabiter puis ne plus cohabiter. On pourrait en citer à l’envi. L’inflation législative demeure alors que les sujets d’intervention sont réduits à peau de chagrin. Puisque la politique a renoncé à protéger le Citoyen des mutations économiques et sociales, elle tente de le protéger d’autres dangers à commencer par le premier d’entre eux : lui-même !
De ce « politically correct » à la française est née Ségolène Royal. La Gauche française à l’ancienne est définitivement morte avec la défaite de Laurent Fabius qui tentait maladroitement de la réanimer. Elle aurait pu, avec DSK, se muer en gauche rhénano-scandinave. Avec Ségolène Royal, elle s’est américanisée. Le Parti Démocrate à la française est né.
Finalement, pour lutter contre le Bush junior français, quoi de mieux, me direz vous ?