Lors de de la présentation des listes validées par le Conseil National, Martine Aubry a annoncé que la campagne européenne du PS se ferait autour de la lutte contre Nicolas Sarkozy et José Manuel Barroso. Fort bien. La frénésie libéralo-technocratique du second n’est pas spécialement ma tasse de thé. Quant au premier, son double-langage constant en matière européenne, la façon qu’il a d’enfourcher les thèmes des partisans du NON de 2005 pour mieux les désarmer et continuer, imperturbablement, à appliquer les recettes de ceux du OUI[1. dont il a toujours été ], ont fréquemment été dénoncés ici que ce soit à l’occasion de l’adoption du funeste Traité de Lisbonne ou de son obstination de faire revoter les Irlandais sur ce dernier.
Madame Aubry n’est pas en reste, d’ailleurs. Elle ne fut pas la dernière à concurrencer Nicolas Sarkozy dans le championnat des faussaires. Et, encore une fois, elle a oublié quelqu’un : Pascal Lamy, directeur de l’Organisation Mondiale du Commerce. Benoît Hamon, porte-parole du Parti Socialiste, lors de la défense de sa motion en automne dernier, en avait pourtant fait une cible privilégiée. A juste titre, il pointait l’OMC, son directeur et l’idéologie libre-échangiste comme les véritables responsables de la situation actuelle : une mondialisation où le moins-disant social et environnemental finit toujours par l’emporter et où le crédit reste la seule planche de salut pour soutenir la croissance économique aux Etats-Unis et en Europe. Monsieur Lamy, qui, il y a peu, accusait les partisans d’un nouveau protectionnisme à l’échelle européenne d’être xénophobes, assistera au G20 le 2 avril prochain afin de s’assurer que sa mondialisation chérie ne tombera pas à l’eau. Il n’a pas d’inquiétude à avoir, à vrai dire. Madame Clinton revient de Pékin où les dirigeants chinois lui ont garanti que les bons du Trésor américains continueront à trouver preneurs dans l’Empire du Milieu. Les Chinois financent le crédit américain pour alimenter la croissance mondiale. Les salaires en Amérique et en Europe continueront de stagner et les délocalisations en Chine pourront reprendre de plus belle lorsque la reprise sera venue[2. Pour l’heure, il est vrai que les entreprises ferment davantage définitivement qu’elles ne délocalisent.].
Au contraire, ainsi que l’explique Emmanuel Todd dans la vidéo qui suit ce texte et dont je conseille le visionnage, un système de protectionnisme à l’échelle continentale permettrait d’augmenter les salaires et de relocaliser tout en incitant les Chinois à privilégier leur marché intérieur et à mettre progressivement en place des normes sociales et écologiques, conditions nécessaires et légitimes de la suppression, progressive elle aussi, des protections ainsi créées en Europe. En France, Nicolas Dupont-Aignan défend cette thèse mais c’est aussi le cas de Jean-Luc Mélenchon. Le blog de Malakine regorge d’articles défendant ce point de vue et on peut s’y reporter pour approfondir le sujet. Et pour finir de s’en convaincre, il suffit de se rendre compte que même les plus simples services marchands sont aujourd’hui soumis à rude concurrence. Ainsi, on ne répare même plus une imprimante à notre époque, puisqu’une heure de main d’oeuvre pour la remettre en état coûte désormais plus cher que d’en acheter une importée de Chine et fabriquée par de petites mimines de quasi-esclaves. Qu’on vienne nous parler de développement durable ensuite !
Madame Aubry oublie donc de citer Monsieur Lamy. Pour lui complaire, à lui et à tous ceux qui ont intérêt à ce que le système perdure, elle refuse le terme de protectionnisme. Elle parle de « juste échange » quand d’autres parlaient naguère « d’ordre juste ». Mais avoir peur du mot, c’est avoir peur de la chose. Sans des mesures protectionnistes à l’échelle européenne, il n’y a aucune possibilité d’échanges internationaux justes. Madame Aubry agit là comme Madame Parisot en matière de revenus des grands patrons. « Pas de loi, pas de loi, pas de loi », trépigne la patronne du MEDEF. « Pas de protectionnisme, Pas de protectionnisme, pas de protectionnisme », prie Madame Aubry. Pourtant, ce serait si simple de couper l’herbe sous le pied de Besancenot et de recouvrer l’écoute des classes populaires qui perdent leur emploi sous la crise et qui continueront à les voir partir quand la croissance reviendra. Ce serait si simple de redevenir le parti des ouvriers. Elle n’en veut pas, Madame Aubry. Elle préfère garder l’amitié de Lamy.
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Comme le dit Todd, il faut maintenant construire plutôt que de critiquer ceux qui ont perdu en 2005 par 45-55 et qui sont encore plus décrédibilisés en 2009. Le PS est probablement comme un arbre mort, lui accorder de l’importance est lui faire trop d’honneur.
Avoir un projet clair, simple à expliquer mais pas simpliste, serait mobilisateur et porteur d’espoir. Les manifestants actuels ne font eux aussi que protester sans proposer. Espérons que les prochaines européennes permettront l’émergence de DLR et du PG, s’il est de la gauche républicaine.
Avec la fin du patriotisme, je crois que DLR ferait une énorme erreur en se basant dessus. Ne vaut-il pas mieux aujourd’hui reprendre comme référents historique la révolution française et le Gaullisme? Sur un plan idéologique, reprendre l’égalité des chances, l’égalité de départ et la liberté, adaptées au monde actuel de l’inégalité des niveaux d’instruction. Les ouvriers et les employé(e)s sont avant tout des sans-diplômes et des peu-diplômés.
Décidément, nous sommes en 1929.
Les villes américaines voient se multiplier les campements de fortune de SDF :
http://www.nytimes.com/2009/03/26/us/26tents.html?_r=1