Le “come-back” d’Adjani, deuxième : après avoir déchaîné les connexions sur YouTube pour une vidéo où on la découvre le visage recouvert d’un henné géant, l’actrice revient au cinéma dans le rôle d’une prof malmenée qui va prendre ses élèves en otage. La Journée de la jupe associe le thème en vogue de l’éducation à un catastrophisme très anglo-saxon. En surface, le film fait la chasse aux idées reçues, renvoyant dos à dos les discours sur l’école – ou trop laxiste, ou trop vieux chnoque. Mais derrière les caricatures d’un prof qui lit le Coran pour se rapprocher de ses élèves, ou d’un proviseur taxé de lâcheté parce que pas assez restrictif, c’est un retour aux bonnes vieilles méthodes répressives qui est finalement défendu. En réalité, la posture anti-langue de bois n’est qu’un écran de fumée dissimulant (mal) une pensée plutôt réac. Un autre genre de maquillage celui-là, moins drôle.

Voilà ce qu’écrivent les Inrocks sur le film de Jean-Paul Lilienfeld, la journée de la Jupe. Disons le sans ambage : une telle critique de la part des Inrockuptibles, cela ne peut être qu’un brevet de qualité. Isabelle Adjani, qui fait dans ce film une prestation hors du commun, a épousé le côté réac’ en déclarant sur le plateau du JT de France 2 dimanche : » L’Ecole, c’est un lieu de Culture, pas un lieu de libre-expression ». On respire. On croyait que plus personne n’oserait l’affirmer dans à une heure de grande écoute, à part Finkielkraut ou Zemmour. J’ai beaucoup de respect pour ces derniers mais, franchement, Adjani, pour faire passer ce message, c’est plus sexy. Tout n’est pas perdu. Cantet et Bégaudeau[1. Il se murmure que « le plus mauvais prof de France devenu star » aurait l’idée de reprendre le FC Nantes avec l’objectif de retrouver les racines sportives de ce club, que ce dernier recouvre ses valeurs ainsi que son « jeu à la nantaise ». Bégaudeau, réactionnaire du foot ? Vous avez dit « paradoxe » ?] n’ont peut-être pas encore gagné la partie. Et Sarkozy, l’assassin de la Princesse de Clèves, non plus. Les IUFM n’ont pas réussi à formater tous les enseignants. Partout, dans notre pays, des professeurs ne baissent pas la garde. Si on ne devait en citer qu’une, ce serait Cécile Ladjali [2. Mauvaise Langue, Seuil 2007 ] qui abreuve ses élèves de culture classique dans un lycée ZEP. Il y a quelques années, L’esquive d’Abdellatif Kechiche avait été saluée par la critique. Ces élèves qui jouaient Marivaux en banlieue, c’était déjà un coup de canif à la théorie de « l’élève au centre ». Mais peu l’avaient fait remarquer. Les commentaires flatteurs n’allaient qu’à la meilleure image que le film donnait de la banlieue. Avec Adjani et Lilienfield, on fait passer le même message à travers un thriller. C’est la démagogie, les compromis, les compromissions qui génèrent le désordre, la violence et l’inculture. A moins que cela ne soit l’inverse[3. Qui est la poule ? Qui est l’œuf ? En tous le cas, c’est un modèle de cercle vicieux.]. Le film est violent, Adjani est sublime et les messages sont clairs et s’adressent à tous, petits caïds de banlieue compris : la Laïcité n’est pas négociable[4. Ce message s’adresse à un autre caïd, logé au Palais de l’Elysée], le communautarisme ne doit pas passer.

Ce film n’est diffusé que dans 53 salles [5. Pour mémoire, le film de Gad Edmaleh est sorti le même jour dans….800 salles.]. Trop politiquement incorrect, sans doute. Frilosité de la part des pontes du ciné français ? Ou volonté délibérée de faire échec au message ? Grâce à ARTE, qui a battu son record d’audience vendredi dernier en diffusant « La journée de la jupe » en avant-première, c’est raté. Le message est passé. Merci Adjani, Merci Lilienfeld, Merci Jérôme Clément. Le Printemps arrive. Les jupes, je l’espère, seront bientôt de sortie.

6 commentaires

  1. Je decouvre votre article par hasard ce matin en tapant »la journée de la jupe » sur google
    je partage entiérement votre point de vue. Ma femme est prof en collége, pas besoin d’aller en zep pour avoir ce genre de classe. Ne faisant pas le m^me metier qu’elle, je lui ai souvent fait le reproche de se donner trop à fond pour des résultats nuls , et tout cela au detriment de notre vie familiale ( le film évoque un ras le bol du Mari de la prof) et c’est compréhensible. De plus Faire avaler « l »énonciateur » a ces m^me éleves qui n’ont aucune base de grammaire c’est de la part des programmes de l’educ nat une folie. On voit bien que ceux qui font ces programmes sont completement déconnectés de la réalité. D e plus l’ IUFM ne préparent pas les jeunes profs à l’affrontement, a tenir une classe et comme par hasard des leur entrée dns l’enseignement on leur refile les classes les plus terribles, celles dont personne ne veut . On s’y prendrait pas mieux pour casser
    ces jeunes profs .Pour le film on sent que c’est du petit budjet que le réalisateur n’est pas un top, que la fin est un peu moyenne mais la puissance d’Isabelle Adjani, sa force concentrée , cet esprit habité nous fait oublier tout cela. En fait son jeu est surprenant car ce dont je me souvient d’elle dans ce film ne vient pas de ce qu’elle dit mais de ce qu’elle est, c’est a dire une puissance anthropomorphique sans égale. La photo de l’affiche est en cela trés evocatrice car Isabelle Adjani est érigée sur la photo en TOTEM
    le film pour moi n’est que l’expression de cet esprit. Autour d’être de chaire et de sang, au milieu de ces rôles évolue un esprit mystique.

  2. @Fredouille
    Non. Pas du tout. Je ne partage pas tout ce qu’il dit mais il détonne dans ce monde conformiste et bien-pensant. Il a beaucoup de courage. Il s’en fiche d’être détesté. C’est pourquoi je le respecte. Il a un seul problème : il a trop bien compris l’univers cathodique et délivre des messages simples, des phrases qui feront du buzz. Du coup, il se caricature lui-même et risque, comme le dit son compère Nicolas Domenach, « de finir aux Grosses têtes plutôt qu’à l’Académie française ».

  3. Zemmour et Finkielkraut, c’est bien, certes : disons que c’est vendeur. Mais Michéa c’est intrinsèquement mieux : non seulement il est vraiment prof, ce n’est pas un saltimbanque cathodique, mais surtout c’est lui qui a déjà tout dit sur le sujet, de façon magistrale, dans l’Enseignement de l’ignorance. Et ce sans oublier de rendre à César, c’est à dire au libéralisme économique et culturel, la part qui lui revient dans la faillite de l’éducation. Ce qu’un Finkielkraut, par une inexplicable peur de passer pour un gauchiste, rechigne toujours à faire.

  4. Bien entendu que Michéa est intrinsèquement mieux que Zemmour ,que je situe mieux que Finkelkraut. Mais pour qu’il reste fidèle à ses écrits et à sa morale socialiste, Michéa ne peut décemment pas aller se mettre en spectacle dans ses médias de masse.

    Même si je n’approuve pas toutes les positions de Zemmour, l’entendre citer sur i-télé ou France 2, le nom de Michéa peut peut-être permettre à d’autres gens ordinaires d’aller vers ce philosophe majeur.

    David, Domenach s’est l’hôpital qui se fout de la charité, sa présence est en effet remarquable tous les midis sur Canal +.

  5. C’est bien le problème : le « débat » sur l’école dans les médias est outré, caricatural, et ce, pour les besoins du Spectacle, bien évidemment (pour ne citer que lui, Zemmour reste un homme du Spectacle). D’un côté les gentils sociologues s’appuyant sur leur décorum statistique qui, sous couvert de « coller à la réalité », la fait totalement disparaître. De l’autre ceux qui se donnent, avec un grand plaisir, le rôle des méchants réactionnaires, les Brighelli, Zemmour, Finkielkraut, etc, qui s’auto disqualifient d’office auprès d’une grande frange du public, qui est pourtant celle qui reste à convaincre, car ce n’est pas celle qui, spontanément, ira acheter un bouquin de Michéa…

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