À Paris, personne ne connaît Sophie Montel. Tant mieux pour elle.
Fin octobre, alors que l’attention médiatique se concentrait sur Marine et Marion Le Pen et, à un degré moindre sur Florian Philippot, nous vous annoncions qu’une quatrième région pourrait fort bien basculer dans l’escarcelle du Front national. Avec 31.5% des voix, Sophie Montel semble bien partie pour devenir la moins médiatique des prochains présidents de région FN. Cette discrétion, elle semble bien en faire un atout. Lors de la législative partielle de la quatrième circonscription du Doubs il y a moins d’un an, elle avait finalement échoué à quelques huit-cents voix du but. Mais, en l’occurrence, toute la France médiatico-politique avait les yeux braqués sur cette élection et on peut légitimement penser que cela lui avait été fatal. Tel ne sera pas le cas cette fois-ci, à cause des trois têtes d’affiches précédemment citées.
Au Nord et au Sud, là où le FN a fait ses meilleurs scores, le retrait des deux listes socialistes promet des duels périlleux à Marine et Marion Le Pen. Si Jean-Christophe Cambadélis n’a pas évoqué le retrait du socialiste Jean-Pierre Masseret dans le Grand Est pour faire barrage à Florian Philippot, c’est parce qu’il n’était pas encore certain que la gauche se soit fait dépasser par la droite classique. Mais sur le coup des 23h30, les personnalités socialistes demandaient sur les plateaux le retrait de Jean-Pierre Masseret. En Bourgogne-Franche-Comté, on pourrait donc bien assister à la victoire de Sophie Montel, celle qu’on n’attendait pas au début de cette campagne, et qui, de 1987 à 2015, a toujours collé à la ligne officielle de son parti, jeanmariste disciplinée dans les années 90 et mariniste passionnée depuis 2011. Celle qui se décrit avec une certaine autodérision comme « une apparatchik modèle » devance le centriste François Sauvadet de 7,5 points et la sortante socialiste Marie-Guite Dufay d’un point supplémentaire. Il n’est évidemment question de retrait ni pour le candidat LR-UDI, arrivé deuxième, ni pour le PS. Mais la présidente socialiste sortante, qui a de meilleures réserves de voix que son concurrent centriste, n’a pas reçu l’ordre solférinien de retirer sa liste, conservant une chance de garder son fauteuil.
Cette triangulaire permet donc à Sophie Montel de se poser en favorite pour dimanche prochain. Le candidat de Debout La France, Maxime Thiébaut, a créé la surprise en dépassant le seuil de 5% permettant une éventuelle fusion avec une liste présente au second tour. Sur le plateau de France 3, François Sauvadet s’est montré davantage aimable à son endroit que Sophie Montel, laquelle a préféré s’adresser directement aux électeurs qui s’étaient porté sur le parti de Nicolas Dupont-Aignan. Pour la première fois, le FN semble en position de disputer à la droite classique une réserve de voix, plutôt substantielle dans le contexte de cette triangulaire.
Sur le plan national, le FN est en tête dans six régions sur treize et devance l’alliance LR-UDI de plus de deux points. L’ensemble des observateurs a relevé un effet « 13 novembre » sur le résultat de ce scrutin. Mais deux autres leviers ont pu avoir une influence. Primo, le FN s’est positionné très clairement comme le seul parti qui refusait la fusion des régions. Sophie Montel s’adressait à la Bourgogne ET à la Franche-Comté. Florian Philippot, à l’Alsace, la Lorraine et à la Champagne-Ardennes. Comme si les anciennes régions subsistaient. Secundo, l’éviction de Jean-Marie Le Pen cet été a pu également « libérer » un certain nombre d’électeurs potentiels qui attendaient ce signal depuis longtemps. L’idée, exposée dans ces colonnes il y a plus de deux ans, que la présence du fondateur du FN constituait sans doute le plafond de verre ultime au développement de ce parti, pourrait bien se voir confirmée dans une semaine, principalement à Dijon et Besançon.