Et Wing-Sang Li découvrit le ballon rond
Nous aurions voulu avoir tort, il y a six mois, lorsque nous nous inquiétions de la vente du FC Sochaux à l’entreprise hong-kongaise Ledus. Nous y avions diagnostiqué une volonté du propriétaire Peugeot de bazarder l’un des joyaux historiques de l’entreprise et de la région, une volonté cynique de couper le cordon entre le constructeur automobile et le Pays de Montbéliard. Six mois plus tard, on ne trouve d’ailleurs plus aucune trace du club local dans le Musée Peugeot de Montbéliard. Comme s’il avait fallu faire absolument table rase du passé.
Le destin du FC Sochaux-Montbéliard repose maintenant sur les épaules de Wing-Sang Li. Le patron de Ledus a aussi pris la présidence du club. Il a engagé au mois d’août un directeur général suisse, Ilja Kenzig, qui a eu des fonctions dans différents clubs professionnels helvétiques et allemands. C’est peu dire que Monsieur Li a pu décontenancer les supporteurs locaux, mais aussi les joueurs et le personnel du club aux 66 saisons dans l’élite du football français. De l’amusement, on est passé en quelques mois à la consternation. Le projet sportif du club n’a pas encore été présenté. Envoyé par Ilja Kenzig à Wing-Sang Li il y a déjà deux mois, ce dernier n’a pas encore été validé. On peut même se demander si Li l’a simplement lu.
Disons-le tout net : monsieur Li s’est acheté une danseuse. Et comme il ne connaît rien au football, et que son équipe danse plutôt mal (18e au classement de Ligue 2, ce que je n’avais jamais connu de mon vivant), il tente de faire le spectacle lui-même. C’est ainsi que lors d’une défaite contre Bourg-en-Bresse, il est allé s’agenouiller devant les supporteurs sochaliens pour leur demander pardon. Lors de la première victoire sochalienne en championnat –il a fallu attendre le 2 octobre contre Valenciennes -, il était tellement content que tous les clients de la pizzeria (dont j’étais), où il s’est restauré après le match, ont eu droit à leur coupe de champagne. À Nîmes, il a participé –en complet veston- au décrassage d’après-match. Après la qualification contre Strasbourg en… 128/e de finales de la coupe de France, il a fait le tour d’honneur avec les joueurs avec le même enthousiasme que Bernard Tapie après avoir gagné la Ligue des Champions. On attend, sans impatience, qu’il dérobe le costume de la mascotte locale – le fameux Sochalion– afin d’assurer le spectacle à la mi-temps des matches à Bonal. En revanche, il a retardé d’un mois l’éviction de l’entraîneur Olivier Echouafni, perdant des points précieux, avant de de se résoudre à écouter les conseils de Kaenzig.
Depuis l’arrivée du nouveau coach Albert Cartier, les résultats sont moins mauvais et l’équipe ressemble davantage à une équipe, et cela semble suffire à Monsieur Li. Pour le recrutement en janvier, afin de maintenir le club en Ligue 2 –on en est désormais là-, on craint son manque de réactivité. À vrai dire, il n’est pas pressé de mettre la main au porte-feuilles. Autre motif d’inquiétude, Wing-Sang Li semble se faire conseiller par des néophytes. C’est ainsi qu’on voit de plus en plus, dans les coulisses et jusque dans la tribune présidentielle, les fameux intermédiaires mulhousiens qui lui avaient permis d’acheter le club en mai dernier. Thomas Lichtenauer, représentant de Ledus-France et ancien marchand de meubles, et Mounir Jawhar, ancien agent de joueurs, ne se cachent désormais plus et ont emporté dans leurs bagages d’autres personnalités peu engageantes, comme Mickaël Gerber, viré avec pertes et fracas par le président du club de Colmar qui en avait fait son conseiller. Et on craint également de voir réapparaître Jean-Luc Witzel qui faisait partie de l’escouade ayant précipité le dépôt de bilan du Racing Club de Strasbourg. Non seulement, Monsieur Li ne connaît rien au foot et souhaite contrôler tout ce que fait le directeur général qu’il a pourtant engagé, mais il prête l’oreille à des gens qui n’ont peu ou pas de références solides dans le milieu du football. C’est ainsi que Bernard Maraval, responsable du recrutement et historique du club, vient d’être licencié, sans doute sur les conseils du duo Jawhar-Lichtenauer.
Du côté des supporteurs, l’inquiétude est de mise. Gageons que l’officialisation de l’entrée Mounir Jawhar dans l’organigramme du club pourrait jeter le feu aux poudres dans les tribunes de Bonal. Une véritable crise avec les supporteurs, monsieur Li ne sait pas encore ce que c’est. Pas sûr que ses guignolades sur la pelouse permettent de l’éviter.