De la force d’Alain Juppé, Nicolas Sarkozy veut faire une faiblesse

L’entrée en campagne de Nicolas Sarkozy devait enterrer Alain Juppé. La bête de campagne devait tout emporter sur son passage, comptant sur un « effet blast ». De fait, au mois de septembre, l’ex-président a occupé l’espace médiatique, et en a fixé l’agenda, comme il sait le faire, à renfort de déclarations distillées pour faire le buzz. Les commentateurs étaient ravis, car une victoire annoncée de Juppé n’était pas bonne pour les ventes de journaux et les audiences des émissions. La remontée de Nicolas Sarkozy entretenait le suspense. Et puis, il y a eu la fameuse semaine noire, la dernière du mois de septembre. Mise en cause judiciaire de deux proches, sortie du livre de Patrick Buisson, reportage télévisé sur l’affaire Bygmalion et, last but not least, sondages du premier tour de la présidentielle où il était talonné par Emmanuel Macron. Depuis, Nicolas Sarkozy semble avoir perdu de sa superbe. Les sondages sont revenus au point de départ, effaçant l’entrée en campagne en fanfare. Lors du premier débat télévisé, les deux favoris se sont neutralisés, laissant à François Fillon et Jean-Frédéric Poisson les félicitations des commentateurs.

En fait, tout semble indiquer que Nicolas Sarkozy a aujourd’hui choisi de ne plus adopter la stratégie de l’occupation maximale de l’espace médiatique. Aujourd’hui, c’est bien la modestie qui est de mise. On ne clive plus et on cherche visiblement à ne plus braquer l’électorat modéré. Sont-ce les études d’opinion, lesquelles indiquent une forte participation à la primaire, qui ont convaincu l’ex-président de tenter de concurrencer Alain Juppé sur le terrain de l’électorat modéré ? Ou a-t-il compris que la stratégie du mois de septembre n’avait pas donné toute l’efficacité prévue ? Sans doute les deux à la fois, dans des proportions qui restent à déterminer. Toujours est-il que Nicolas Sarkozy a surpris jusqu’à ses militants les plus zélés la semaine dernière en renonçant publique au ni-ni, répondant à une question de Jean-Jacques Bourdin sur sa position en cas de duel, pourtant bien hypothétique, entre Marine Le Pen et François Hollande. Dans cette configuration, il choisirait le candidat socialiste. Cette déclaration a provoqué les vivas chez NKM et même du côté de chez Juppé, pourtant l’inventeur du ni-ni lorsqu’il était secrétaire général du RPR. Cette étonnante prise de position, qui tranche avec sa stratégie droitière de septembre et peut dérouter son électorat potentiel, peut aussi être lue à long terme. En effet, si Nicolas Sarkozy parvient à gagner la compétition et qu’il devait affronter Marine Le Pen lors du second tour de la présidentielle, il faudrait absolument limiter la démobilisation de la gauche. Or, la stratégie qui consiste à déborder la candidate du FN sur sa droite pouvait s’avérer bien peu payante dans cet objectif. C’est tout le problème de cette primaire qui transforme la présidentielle en élection à quatre tours. On peut être amené à utiliser des stratégies différentes, ce qui rend illisible la campagne à long terme.

Mais ce n’est pas parce que Nicolas Sarkozy a décidé d’être moins clivant et chasser l’électorat modéré, lequel sera vraisemblablement majoritaire dans le corps électoral des 20 et 27 novembre prochains, qu’il a renoncé à être offensif. Ainsi dirige-t-il aujourd’hui tous ses coups contre François Bayrou. Le maire de Pau est accusé d’être déloyal avec un système des primaires qu’il n’agrée pourtant pas, parce qu’il a indiqué qu’il ne serait pas candidat à la présidentielle si Alain Juppé était désigné. On comprend pourquoi Nicolas Sarkozy a décidé de concentrer ses tirs contre le chef de file du MoDem. Car c’est précisément parce que Bayrou a pris cette position que les instituts de sondage donnent un niveau plus fort à Juppé qu’à ses concurrents au premier tour et lui donne l’image du « candidat qui va nous faire gagner » aux électeurs souhaitant se déplacer pour la primaire. Bayrou est la force principale de Juppé. Il faut donc en faire une faiblesse dans l’opinion en agitant le chiffon rouge de la déloyauté. Cette tactique peut-elle être payante ? Nous ne pouvons pas l’exclure, surtout depuis que le maire de Pau a décidé de renvoyer coup pour coup en publiant un texte au vitriol sur sa page facebook. Cette réponse a permis au camp sarkozyste d’entretenir ce soupçon de déloyauté et ne sert pas Alain Juppé. Au lieu de rester discret, il a préféré entrer dans le jeu de Nicolas Sarkozy qui n’en demandait sans doute pas tant. Mais n’y a-t-il pas une part de François Bayrou qui se fiche bien du maire de Bordeaux et qui rêve d’une quatrième candidature ? S’il avait souhaité nous en convaincre, il ne s’y serait pas pris autrement. En tout cas, s’il ne sera pas physiquement présent sur le plateau lors du prochain débat télévisé, François Bayrou sera sans doute l’occasion d’une passe d’armes. Alain Juppé doit sans doute être en train de préparer sa réponse.

 

1 commentaire

  1. bayrou c’est pas un peu le sparadra du capitaine Haddok? Imperturbable vers une quatriéme c&andidature (même si une Révélation Divine le guide ledit Révélateur ne se presse pas) rendons pour une fois hommage à la perspicacité de M.Hollande qui n’a pas cru bon de récompenser notre béarnais national de son allégeance

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