Pendant des années, Jean-Marie Colombani, entouré de Minc et Plenel[1. Ne me demandez pas où en sont les relations entre ces trois là. Je n’arrive pas à suivre et, pour tout dire, je m’en balance.], a désinformé la France au service d’une idéologie.

Minc continue de servir l’idéologie en conseillant les Grands, à commencer par le Président de la République, lequel était très proche du triumvirat au plus fort de sa puissance. Plenel, en revanche, joue l’anti-sarkozysme à fond les ballons, comme pour faire oublier son passé trotsko-balladurien. A la tête de Médiapart, il confond toujours information et règlement de ses obsessions et vieux comptes personnels comme l’a fort bien montré l’affaire Julien Dray[2. Dans le conflit qui les oppose, et bien que je ne partage pas les idées de Julien Dray, j’ai plutôt tendance à croire ce dernier, tant Plenel respire la malhonnêteté intellectuelle.].

Reste Colombani qui était plutôt sur le bord de la route depuis que le journal Le Monde eût réalisé qu’il fallait se débarrasser de lui pour continuer à exister. Il a donc créé un site internet qui s’appelle Slate.fr. Prononcez Slaite, cela fait « nous sommes tous des Américains ». Dirigé par ce monsieur, qui a insulté la tradition politique à laquelle j’appartiens pendant toute ma vie militante depuis le boulevard Blanqui, je n’étais pas forcément enclin à visiter ce site. Il y a tellement de sources sur la Toile où des journalistes s’efforcent de faire de l’information le plus honnêtement possible, qu’éviter ce site me paraissait un gain de temps non négligeable. De plus, il paraît qu’Eric Le Boucher y écrit aussi. Ma maman m’a toujours dit d’éviter les coins mal famés. Je tente de suivre ses conseils avisés.

Mais il arrive qu’au détour d’un clic, on arrive chez un auteur qu’on aurait voulu éviter. Le Net, c’est un peu comme la conduite automobile. Un dérapage incontrôlé peut toujours survenir suite à un moment d’inattention. Ainsi, je me suis retrouvé à lire la tribune que Jean-Marie Colombani consacrait à Philippe Séguin. Article sans beaucoup d’intérêt d’ailleurs, jusqu’à un paragraphe absolument hallucinant :« Et pourtant, je suis bien placé pour savoir que, si Jacques Chirac avait pris position pour le non à Maastricht, Philippe Seguin et Charles Pasqua auraient probablement pris position pour le oui. En politique, la tactique n’est jamais loin de la stratégie. » Notez bien le « je suis bien placé pour savoir ».

Où était donc placé Jean-Marie Colombani pour savoir ce que nous ne savons pas ? Il ne nous le dira pas. A vrai dire, on imagine mal Charles Pasqua et Philippe Séguin faire des confidences de ce type à un directeur de journal qui les traitait en crypto-fascistes parce qu’ils s’opposaient à la marche triomphale de l’Europe de la Paix, de la Prospérité et de l’Emploi réunis. Colombani a t-il rencontré un charcutier corse qui connaissait bien le cousin de Pasqua qui lui avait dit ça dans un maquis près de Casevecchie ? Nous ne le saurons pas. Colombani laisse planer le mystère qui sied à tout grand journaliste qui a dirigé le journal que le monde entier nous envie[2. J’en vois rigoler au fond de la salle. En fait, ils ont bien raison.].

En fait, Colombani n’était placé nulle part pour nous faire une telle révélation. Pour la bonne et simple raison qu’en reprenant la chronologie des faits, il ne s’agit pas d’une révélation mais d’un mensonge éhonté.

Lorsque Jacques Chirac se prononce pour le OUI au référendum sur le Traité de Maastricht, nous sommes début juillet 1992. Il se trouve que j’assistais au discours où il l’annonça. Sans doute Colombani y était aussi présent. Or, il se trouve que Philippe Séguin et Charles Pasqua avaient déjà commencé leur campagne pour le NON. Il n’était pas du tout acquis que Chirac se prononce pour le OUI même si c’était probable. Certains, en effet, le poussaient à l’abstention pour préserver l’unité du RPR[8. D’ailleurs, l’abstention est la position du groupe RPR lors du vote de la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité.].

Remontons encore dans le temps. Lorsque Philippe Séguin prononce son fameux discours sur l’exception d’irrecevabilité auquel fait référence Colombani juste avant le paragraphe incriminé, François Mitterrand n’a pas encore prévu d’organiser un référendum. Il ne le fera qu’après le résultat de celui du Danemark, début juin, qui refuse le Traité par la voie de la démocratie directe. Comment Philippe Séguin aurait-il pu faire un discours contre le Traité de Maastricht en prévoyant que Chirac dirait OUI à un référendum dont on ne savait pas qu’il serait organisé, et qui n’aurait sans doute pas eu lieu si les Danois n’avaient pas rejeté le texte, ce que personne n’avait prévu, à part peut-être Madame Thatcher[9.  » Trust in the Vikings » (Faites confiance aux Vikings), glissa la Dame de Fer à Philippe Séguin la veille du NON danois. C’était lors d’une réception à l’ambassade britannique et c’est conté par Bruno Seznec dans la biographie de Philippe Séguin en septembre 1994 -Séguin, Editions Grasset-] ?

Mieux. Dès l’automne 1991, Philippe Séguin écrit une tribune dans Le Figaro où il explique qu’il s’opposera à ce que l’on ne peut appeler encore un traité à ce moment là mais aux Accords de Maastricht. Comme ma mémoire est décidément excellente, je me souviens que ce n’est pas Jacques Chirac mais Michel Noir qui lui répond par une autre tribune où il accuse son collègue des Vosges d’avoir des accents barrésiens[3. Ce qui n’est pas forcément indigne, surtout pour un député des Vosges. Se reporter à l’excellent et récent article de François Miclo sur le sujet.]. Peu après, Séguin rédige avec Marie-France Garaud et vingt-deux autres personnalités[4. Parmi lesquelles Jean Foyer, Philippe de Villiers, Alain Griotteray, Pierre Mazeaud et Alain Cotta. De l’Europe en général et de la France en particulier. Editions du Pré aux clercs. Avril 1992.] un ouvrage collectif expliquant en détail le futur traité. Tous conjurés au service de Séguin contre un Chirac qui dirait forcément OUI lors d’un référendum hypothétique ?

Je veux bien reconnaître que Charles Pasqua a laissé planer le doute pendant le printemps 1992 sur son attitude puisqu’il avait des chances d’accéder à la Présidence du Sénat, et qu’une position eurosceptique le condamnait dans une chambre dominée par le Centre[5. C’est d’ailleurs René Monory qui accéda au « Plateau ».]. Mais la position de Philippe Séguin n’était pas fonction de celle de Jacques Chirac, lequel, d’ailleurs, n’avait plus pris position depuis longtemps sur l’Europe. On me rétorquera que, conseillé par Balladur et Juppé, il était évident que le Président du RPR finirait par approuver le Traité. Même pas ! Dans « La tentation de Venise »[7. Grasset, février 1993], Juppé écrit qu’il avait, à un moment où Philippe Séguin avait déjà pris position, confié à Jacques Chirac qu’un vote pour le NON était envisageable compte tenu des abandons de souveraineté impliqués par le texte. Quant à Edouard Balladur, il n’était pas du tout évident début 1992 qu’il serait favorable à ce traité : les vingt-quatre auteurs de l’ouvrage collectif dont il est question plus haut citent sa proposition de « monnaie commune » comme alternative à la monnaie unique, principal objet du traité de Maastricht. On aurait pu s’attendre légitimement à ce qu’il défende son propre projet !

On ne peut donc tirer que deux conclusions.

Soit Jean-Marie Colombani n’était pas si bien placé que cela ; en vacances à l’autre bout du monde, dans un coma profond, que sais-je encore ? Et, donc, il ment lorsqu’il affirme qu’il l’était.

Soit il était à peu près aussi bien placé que tous les autres observateurs et, la preuve venant d’en être faite, il ment aussi.

Donc, je l’affirme sans crainte d’un procès que je gagnerais les doigts dans le nez : Monsieur Colombani est bien un menteur.

Photo en Une : Capture écran « Public Sénat »

19 commentaires

  1. Très juste illustration de ce qu’a toujours été la désinformation à la sauce Colombani. Merci David de nous avoir redonné les faits.

  2. un seul disait sa façons de pensée,,,,,,Séguin

    tout les autres,,,,était entre deux chaises,,,,,,
    de quel coté je vais??
    chez nous, a l »époque ,pasqua était le patron en sous main,,et l »affrontement avec chirac était évidant,,
    tous des menteurs,,,et trahir pars intérêt ,,c »est leurs devises,,,dans le monde politique
    pour les avoirs côtoyer,,de très nombreuses années,,,
    leurs intérêt personnel prime sur tout,,,,
    les journalistes,,,un véritables problème,,,chez nous,,la droite,
    ils se plaignait du peu de soutiens de la rue de lille,,,,,,
    mentir pour savoir,,,,est t »il un problème chez eux,,,,sûrement pas,,,
    au rpr,charpy disait t »il toujours la vérité,avec la lettre de la nation?
    nos compagnons eux aussi ,disait t »il la vérité a la base,,,pas sur du tout?

    d »ailleurs,,a chaque fois ,c »était des clans qui s »affrontaient,
    souvenez vous des élections pour la tète du partie chirac-pasqua,
    une guerre en sous mains,,,,de la désinformation organiser,,,,de l »intérieur
    le mensonge en politique est un état de fait,,,,point barre
    même balladur nous a mentie,,,si chirac y va,,,,,,je reste tranquille,,,,?
    rue falguieres,,,permanence, paris 15 ème,20H 30
    je peux citer tout les noms de ceux qui était présent,,,
    dray
    rien sur ces président d »associations qui lui ont prêter de l »argent,,,bizarre
    tout président aurait été sanctionner,,,pour faute grave,
    il est vrais que se sont des associations de gauche,,,,,alors pas touche???
    nous pars contre,,,,nous somme contrôler,,,,,bizarre bizarre

  3. Malheureusement David, ce que vous décrivez vaut pour Colombani comme pour la majorité des journalistes. Dès que l’on connait le sujet traité, on reste ébahi devant l’approximation voire l’inexactitude des faits énoncés. Peut être est ce dû à ce qu’aujourd’hui une information chasse l’autre à la vitesse de l’éclair et que les journalistes n’ont pas le temps de travailler leurs sujets, Ce qui est affligeant, c’est que partant de contre-vérités on puisse en tirer des conclusions et des jugements forcément erronés, néanmoins énoncés avec un aplomb extraordinaire

  4. Merci david de rétablir ces verites incontournables.
    Mais menteurs et journalistes n’est ce pas la même problématique que Avocat et menteurs.
    <<<<<<<<<<<<<<<<<<<>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
    a chacun de faire le tri.

  5. Que d’énergie dépensée pour savoir si Intel était là avant Machin et qu’il a dit « non » avant que l’autre ne dise « oui ». Pourquoi tant de haine ?
    N’y a-t-il pas de sujet plus intéressant que la cuisine interne au RPR (UMP aujourd’hui) ?

  6. @Olivier Zaguet

    Je ne pense pas que tout cela se réduise à de la cuisine interne au RPR. Le débat sur le Traité de Maastricht est l’un des moments les plus importants de l’histoire politique française des trente dernières années.

  7. J’admire ton courage, ta patience et ta rigueur intellectuelle, mon cher David.
    Ne pas perdre ses moyens devant l’impudence, l’arrogance et la mauvaise foi d’un Colombani est bien digne d’un saint gaulliste:)
    Moi, il me donne plutôt des envies de bourre-pifs.

  8. lionel JOSPIN, edouard BALLADUR,dominique DE VILLEPIN,tous trois ont été premier ministre de la cinquieme republique.AUCUN des trois n’etaient a l’hommage rendu a phillipe SEGHIN.cherchez l’erreur.quand a m colombani il est des soit-disant journalistes que j’ai rayé de ma carte.tres bien david de remettre les choses a leurs justes places.salutations gaullistes.bernard.

  9. excellent article d’analyse politique à contrario, avec 18 de recul. Pour illustrer les hésitations de Chirac, je me rappelle d’une de ses phrases obscures dont il a le secret, à propos du référendum :  » je suis pour la non-participation hostile ».
    Seulement, ses hésitations venaient-elles d’une forme de conflit moral dans ses convictions (sic) intérieurs, ou la peur de voir sa machine de guerre électoral pour 1995 se fracturer ?
    Je pencherais pour la deuxième solution. Il a tellement bien retenu la leçon qu’il a essayé de faire le meme coup au PS en 2005

  10. @J. Leroy

    « l’impudence, l’arrogance et la mauvaise foi d’un Colombani est bien digne d’un saint gaulliste. Moi, il me donne plutôt des envies de bourre-pifs. »

    J’ajouterai la fourberie, l’hypocrisie, le mensonge,la haine de la France dont il était le représentant le plus en vue. On pourra lire à ce sujet son plaidoyer pour l’indépendance de la Corse « Les Infortunes de la République », où il vomit à longueur de pages sa haine de la France, de la République, de la Démocratie pour se prosterner devant les autonomistes dont il reprend tous les mensonges grossiers et tous les slogans.

    Aux obsèques de son père il a refusé que l’Association d’anciens combattants à laquelle il appartenait, recouvre son cercueil du drapeau tricolore,comme c’est l’usage.

  11. Voilà le type de post qui pourrit le net. Sulfate n’aime pas Colombani, le fait savoir haineusement, le proclame et sur le fond aucun argument, du verbiage. Le prétexte au défoulement, cela fait du bien à l’ego de se payer un soi disant ex puissant, mais pourquoi nous le faire subir, le prétexte donc, consiste à contester le fait que Chirac a longtemps hésité avant de dire oui à Maastricht. C’est un fait historique et démontrer par ce biais que Colombani est un désinformateur n’a tout simplement pas de sens, sauf dans l’esprit malade de notre haineux de service.
    Enfin, si cela lui fait du bien, cela coûte moins cher qu’une thérapie…

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