La droite en France représente moins de 10% des votants
Moins de 10%. Alors qu’ils espéraient un sursaut grâce à leur nouveau prince François-Xavier Bellamy, les Républicains (LR) n’ont pu assurer qu’une piteuse quatrième place lors des européennes, loin derrière le RN, LREM et même les Verts. LR est mort, vive la droite ?
Le parti officiel de « la droite et du centre » est passé sous la barre des 10 %. Il y a vingt ans, alors que le RPR et l’UDF n’avaient pas encore fusionné dans l’UMP, ancêtre de LR, la liste conduite par Nicolas Sarkozy avait essuyé une grosse défaite, devancée par la liste dissidente menée par Charles Pasqua, sur laquelle votre serviteur avait l’honneur de figurer. Sarkozy avait quitté la direction du RPR le lendemain. A vrai dire, on ne voit pas vraiment comment Laurent Wauquiez pourrait rester en place avec un score inférieur de quatre points à ce qui était déjà à l’époque un accident industriel.
Non, non, rien n’a changé…
Il serait injuste en effet d’accabler François-Xavier Bellamy. Inconnu du grand public il y a encore quatre mois, le philosophe n’a pas démérité. Dans le rolling IFOP, il avait même atteint 15% il y a trois ou quatre semaines, alors qu’il avait débuté à 8 au moment de sa désignation. Est-ce un hasard ou pas : c’est quand Laurent Wauquiez est revenu au premier plan médiatique, jusqu’à représenter la liste au débat de mercredi soir sur France 2, que la dynamique a été arrêtée. L’injonction au vote utile a fait le reste dans les tous derniers jours, une partie des électeurs potentiels de LR faisant barrage à Emmanuel Macron en votant Bardella, et une autre, sans doute plus nombreuse, faisant barrage au RN en votant Loiseau. C’est ainsi : les électeurs se comportent désormais en stratèges, examinant les sondages les tous derniers jours.
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Même si la personnalité de Laurent Wauquiez et son image désastreuse dans l’opinion publique n’ont rien arrangé au destin funeste de la liste LR, on se fourvoierait certainement en le transformant en seul bouc émissaire. Sans doute cette défaite était inscrite dans les astres depuis l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle. Chaque tremblement de terre a sa réplique. Le PS avait été victime du premier séisme. Depuis deux ans, LR était assise sur une faille sismique. L’an dernier nous avions même dit à Eric Ciotti qu’elle s’apparentait à la faille de San Andreas, en Californie. La réplique a donc eu lieu hier soir. Elle aurait sans doute eu lieu avec un autre dirigeant que Laurent Wauquiez et une autre tête de liste que François-Xavier Bellamy. Structurellement et sociologiquement, François Fillon ne rassemblait déjà plus en 2017 qu’un bloc d’électeurs composé essentiellement de retraités. LR subit sur ce secteur de l’électorat la forte concurrence de LREM, nouveau parti de l’ordre, et dans une moindre mesure d’un parti lepéniste qui a renoncé à la sortie de l’euro.
La mort du militant
LR est sans doute moribond mais s’il y a un véritable mort et enterré, c’est quelqu’un d’autre. C’est le militant politique classique. Celui qui se lève le matin pour coller des affiches, qui va se faire engueuler sur les marchés quand il distribue des tracts, qui sert de petite main pour organiser des grands meetings. LR avait encore des militants de cette trempe. Nous l’avons vu, ici à Besançon. Les militants LR, organisés, disciplinés, ont fait le job. Mais aujourd’hui, en 2019, c’est devenu inutile. Toute cette énergie dépensée n’a servi en rien. Tout se joue dans les derniers jours à la télévision et sur les réseaux sociaux. Le militantisme doit être réinventé. La structure militante de LR qui fonctionne comme le RPR des années quatre-vingt, s’apparente à un peigne pour coiffer Alain Juppé.
Droite en butte
Et maintenant ? Les épées ont déjà quitté leur fourreau. Dès ce lundi, Bruno Retailleau, Gérard Larcher, Valérie Pécresse et d’autres vont entourer Laurent Wauquiez et sans doute le pousser à la démission. Hier soir, certains fidèles wauquiézistes avec lesquels nous avons pu nous entretenir ne voyaient pas comment le président de LR pourrait rester en place après une telle défaite. Que ce soit lui ou un autre demain, refonder LR constitue un défi périlleux. Peut-être même insurmontable. Sans doute faut-il recréer un autre mouvement sur d’autres bases, avec d’autres références, en laissant la place à une nouvelle génération, capable de prendre le relais de LREM si l’étoile d’Emmanuel Macron faiblissait encore. Pour cela, il ne faudra pas être assis sur la faille de San Andreas et donc faire preuve d’une sacrée imagination.